12/07/2015
Et le gagnant est : Homère !
Les classements en matière de littérature sont vains s'ils concernent les préférences de chacun ; en effet les goûts et les couleurs ne se contestent pas, même si les raisons que chacun donne de ses préférences peuvent être intéressantes et instructives. Savoir que Victor Hugo est l'auteur (ancien) préféré des Français nous apporte peu de choses, d'autant qu'on doute que ces Français interrogés le lisent ou même l'aient lu... Simple consolation, un peu comme le résultat des primaires, on est content de préférer aussi le gagnant, si tel est le cas. Peu de gens aiment avoir raison contre tout le monde, sauf à la Bourse et au Tiercé - et dans ce cas de figure, ça paye, effectivement.
La question de Cécile Ladjali pose à ses étudiants de lettres modernes à la Sorbonne, est bien différente. Elle leur demande : "Quels sont d'après vous les dix grands livres au commencement du verbe de tous les autres ?".
En d'autres termes, plus poétiques : "Quels sont les dix classiques qui demeurent les racines d'un arbre dont les branches crèvent le ciel des lettres et ne sont rien d'autre que les copies en pleine lumière de ces branches à l'envers, enfouies sous la poussière du temps et de la mémoire des hommes ?".
Le résultat de ce mini-sondage est étonnant, même s'il émane de spécialistes ou plutôt de futurs spécialistes de la littérature.
Le voici :
- L'Iliade et l'Odysée (Homère)
- Les métamorphoses (Ovide)
- La divine comédie (Dante)
- Don Quichotte (Cervantès)
- Le prince (Machiavel)
- Hamlet (Shakespeare)
- Dom Juan (Molière)
- Faust (Goethe)
- Moby Dick (Melville)
- Eugène Onéguine (Tolstoï)
Sont aussi cités : Guerre et paix (Tolstoï), Le château (Kafka), À la recherche du temps perdu (Proust), Les frères Karamazov (Dostoïevski), et les romans de Nabokov, Faulkner, Woolf, Borgès, Céline.
Qui donc parmi mes lecteurs a lu les dix premiers, les fondations de la littérature occidentale ?
Ou même les cinq premiers ?
Pas moi en tous cas...
À vos classiques !
PS. et on voudrait exclure de l'Europe, la Grèce (n°1), et pourquoi pas, ensuite, l'Italie, l'Espagne, tandis que la Grande Bretagne (n°6) s'exclurait d'elle-même ?
No pasaran !
07:30 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
11/07/2015
Pour la Grèce
Tu dis :
« J’irai vers d’autres pays, vers d’autres rivages. Je finirai bien par trouver une autre ville, meilleure que celle-ci, où chacune de mes tentatives est condamnée d’avance, où mon cœur est enseveli comme un mort. Jusqu’à quand mon esprit résistera-t-il dans ce marasme ? Où que je me tourne, où que je regarde, je vois ici les ruines de ma vie, cette vie que j’ai gâchée et gaspillée pendant tant d’années.
Tu ne trouveras pas de nouveaux pays, tu ne découvriras pas de nouveaux rivages. La ville te suivra. Tu traîneras dans les mêmes rues, tu vieilliras dans les mêmes quartiers, et tes cheveux blanchiront dans les mêmes maisons. Où que tu ailles, tu débarqueras dans cette même ville. Il n’existe pour toi ni bateau ni route qui puisse te conduire ailleurs. N’espère rien. Tu as gâché ta vie dans le monde entier, tout comme tu l’as gâchée dans ce petit coin de terre".
La ville (1910)
de Constantin Cavafy (1863-1933)
poète grec né à Alexandrie (Égypte)
Traduction du grec de Marguerite Yourcenar et Constantin Dimaras,
Éditions Gallimard/Poésie, 1994, ISBN : 2070321754, page 9
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10/07/2015
Le livre que la bibliothèque ne contiendra jamais
À AL.
"J'ai toujours eu le blanc en horreur. Quand je pense au blanc, j'ai froid. Je vois une page où les mots ne sont pas écrits. Une bibliothèque aux rayonnages vides. Pourtant il faudrait que j'apprenne à aimer cette couleur, comme il faudrait que je supporte la vue d'un feuillet sans signes et cesse d'empiler des livres dans ma bibliothèque.
Je l'aime et la déteste ma bibliothèque. Elle me rend légère mais souvent me leste. Je la trouve à la fois belle et hideuse. Parce qu'elle me ramène à moi. À mon visage.
Lucian Freud a dit : Tout est autobiographie et tout est portrait, même si ce n'est qu'une chaise. En peignant ma bibliothèque, j'ai livré une image de moi. Et j'ai vu mes manques, tout ce que je ne sais pas.
Il faudrait composer avec ses blancs, cesser d'avoir peur. Admettre que l'histoire n'est pas écrite et que l'absence fait de nous des êtres libres, pouvant ouvrir la porte et disparaître derrière un mur de livres pour aller chercher celui que la bibliothèque ne contiendra jamais".
Ainsi se termine "Ma bibliothèque" de Cécile Ladjali (Seuil, septembre 2014), un livre touffu, passionné, bourré de culture et, en conséquence, pas toujours explicite ni clair. Une promenade qui commence par les rayonnages de sa bibliothèque et se termine par des œuvres qu'elle aime, en passant par un retour aux thèmes de "Mauvaise langue" (l'enseignement, la transmission, le manque de recul et de silence, les outils modernes de communication...), mais toujours en flânant, en sautant d'un sujet à l'autre, sans guide apparent.
Impressionnant, à lire par les passionnés de littérature et de lecture.
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