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20/02/2015

À nous les petites Franglaises !

Ils sont douze, quatre filles et huit garçons ; ils sont multi-instrumentistes (guitares, clavier, batterie, basse, contrebasse, trombone, clarinette, flûte…) et interchangeables...

Les FRANGLAISES.pngEt ils l'ont fait !

Ils ont traduit mot à mot, littéralement, quelques-uns des grands "tubes" de la chanson anglo-saxonne, et les interprètent avec force pitreries et jeux de scène, dans un spectacle désopilant réglé au millimètre.

Et c'est là qu'apparaît toute l'ineptie des paroles (en anglais) de chansons qui ont fait le tour du monde et fait se pâmer des troupeaux de midinettes, y compris celle de Michel Fils de Jacques (Billie Jane, Thriller…).

Une première différence entre chansons française et anglo-saxonne est là : le texte.

Deuxième constat : les musiques, a contrario, sont efficaces ; même débarrassées de l'anglais, elles restent de qualité, sans parler des orchestrations dont les Franglaises ne reprennent, évidemment, qu'une partie.

Troisième remarque : même affublées de paroles françaises insipides - et que l'on comprend, du coup - les chansons continuent à très bien fonctionner ! Ce qui tord le coup à un poncif des tenants du laisser-faire et des adversaires des quota radiophoniques : oui, la langue française convient, autant que l'anglaise, à la chanson, même rythmée, même saccadée !

Quand on songe que des gens comme de directeur de Bureau Véritas prétendent maintenant que, même dans l'entreprise, l'anglais est plus précis et plus adapté (voir mon billet du 18 février 2015), on s'aperçoit des ravages du snobisme et de la soumission au modèle dominant...

Cette troupe "déjantée", qui sévit depuis dix ans, vient du Val de Marne et occupe la scène de Bobino pendant trois mois.

À bon entendeur, salut !

PS. leur site : http://www.lesfranglaises.fr/medias.html

19/02/2015

La langue diplomatique de la finance

Dans les Échos du 16 février 2015, il y a un long article intéressant sur la langue très particulière qu’utilise la banque centrale européenne (BCE), avec les mêmes subtilités que la Réserve fédérale américaine.

On se souvient des messages pittoresques d’Alan Greenspan au monde économique et financier : « Si vous m’avez bien compris, c’est que je me suis mal exprimé » et « l’exubérance irrationnelle des marchés ».

Eh bien Jean-Claude Trichet hier et Mario Draghi aujourd’hui ont adopté cette même façon de parler, toute en nuances, en euphémismes et en sous-entendus plus ou moins mystérieux ; les marchés, c’est-à-dire les analystes, les investisseurs, les dirigeants, ont appris (?) à interpréter les augures et les paroles du Sphinx…

Des chercheurs ont étudié, en anglais of course, les mots de la BCE utilisés comme instrument de politique monétaire (« More than words : communication as a new monetary Policy instrument », M. Galardo, C. Guerrieri, Université Carli).

Ce langage à subtilités et connotations, même si elles sont faites pour être correctement décodées, langage-métier comme il en existe dans tous les domaines, est digne d’intérêt et digne de recherches universitaires ; ma seule réticence est que c’est de l’anglais pratiqué par un Italien, même s’il est passé par Goldmann-Sachs ; ce n’est donc pas une langue « maternelle » que l’on étudie mais un globish. Un de plus.

Regardons-y de plus près néanmoins…

La BCE cause plus, deux fois plus entre 2002 et 2014, lors de sa conférence de presse. 40 % du temps est consacré à expliquer la décision ou la non-décision du jour. Dans la synthèse qui est publiée, les mots, adjectifs et adverbes employés, sont importants mais aussi le temps des verbes, et particulièrement le futur (rappelons ici que le futur sert à parler d’événements certains dans l’avenir), depuis que la BCE donne des « éléments prospectifs » (forward guidance). Soit dit en passant, il faudrait que M. Didier Michaud-Daniel (Bureau Véritas) nous explique en quoi forward guidance est plus précis que « éléments prospectifs »… Donc la BCE affirme par exemple : « les taux d’intérêt vont rester bas pendant une période prolongée ».

Le journal écrit « Une politique monétaire non orthodoxe peut nécessiter un nouveau langage propre, avec ses codes, constructions et formulations ».

Sous J.-C. Trichet, on employait les mots prix, stabilité, « surveiller de près », anticipations d’inflation « ancrées » (?) et surtout vigilance. Ce dernier mot était un avertissement au marché sur l’imminence d’une hausse des taux d’intérêt…

Le béotien peut se demander pourquoi, dans la mesure où tout le monde sait décoder les mots-valises, le Président de la BCE ne dit pas directement : « attention, les taux vont augmenter »… Mais bon, il faut bien que ces technocrates nous fassent croire que leur discipline est très sophistiquée et donc justifient leurs émoluments. Il est certain que les ingénieurs qui construisent un pont, les médecins qui implantent un cœur artificiel, les physiciens qui expliquent pourquoi il y a des raies de sable dans le désert, n’ont pas besoin de ce genre d’artifice ; leurs résultats parlent pour eux (on ne peut pas en dire autant des résultats de la BCE).

Il y avait aussi « en ligne » (avec le mandat de la BCE) et « équilibrés » (pour parler des risques sur la stabilité des prix).

À partir de 2013, le mot « modéré » est souvent accolé à l’économie et à l’inflation et le mot « accommodant » a fait son entrée dans le vocabulaire, à propos de la politique monétaire de soutien.

La BCE a longtemps employé « un vocabulaire plus diplomatique, feutré et moins explicite » (ce qui veut dire trois fois la même chose) que la Réserve fédérale, qui a pour mandat une inflation basse avec une croissance forte, alors que la banque centrale européenne est obnubilée par l’inflation juste en dessous de 2 %. Mais comme cette dernière se lance dans l’assouplissement quantitatif, le journal pense qu’elle va adopter « des éléments de langage clairs, cohérents et crédibles », tout en se gardant des marges de manœuvre. « Communiquer n’est pas s’engager à agir irrémédiablement dans un sens donné ».

Encore plus fort : la tonalité des discours de la BCE est maintenant analysée par des logiciels ; chaque mot est noté ; plus sa note est élevée (« action appropriée », « alerte », « risque à la hausse », « attention »), plus la BCE est censée être dans un mode combatif contre l’inflation ! Si la note est basse (« risque à la baisse sur l’activité »), c’est la déflation qui est le danger.

Mao Zedong.jpg

 

Désolé Mao et désolé tristes sires de janvier 2015, le pouvoir n’est pas à la pointe du fusil mais au bout du crayon et au bout de la langue !

 

 

18/02/2015

Les Échos, promoteur du néolibéralisme et du franglais (II)

Une sorte de sommet a été atteint dans le même numéro des Échos (celui du 16 février 2015) avec l’entretien de Didier Michaud-Daniel, directeur général de Bureau Véritas depuis 2012.

 

Le titre d’abord : La masterclass de DM-D « Les process franco-français sont inadaptés à l’international ».

 

Soyons objectif : il y a une belle formule dans la troisième question du journaliste « En Chine, rencontrez-vous des problèmes de rétention des équipes ? », pour dire « retenez-vous facilement vos salariés ? ». Retenir et rétention, c’est comme rendre compte et reddition de comptes. J’apprécie. DM-D, qui ne mange pas de ce pain-là, répond : « Pour les laborantins en revanche, le turnover est élevé ». Ouf, l’honneur est sauf, on n’est pas franchouillard, on parle le sabir, le globish !

 

Ensuite on lui demande s’il s’imprègne toujours de méthodes américaines… Il répond « Irrémédiablement ». Ça veut dire quoi ? (voir mon billet du 13 février 2015 sur les adverbes). Et de citer comme bouleversements qu’il a opérés : les operating reviews, les leadership development reviews (« importés directement d’United Technologies », c’est pas n’importe quoi !), tout cela pour bâtir une shadow organisation.

 

Ce gars-là est par ailleurs un grand modeste (qui s’ignore cependant…) car son obsession actuelle est de « repérer deux dirigeants susceptibles de le remplacer ». Rien de moins.

Il est très content de ce qu’il a fait (le tutoiement obligatoire, les réunions qui commencent et finissent à l’heure) et conclut : « Il me semble que le lean management, le people management et la culture du client ont convaincu ».

Mais le journaliste n’en pas eu assez (de paillettes yankees) ; il demande, pour l’hallali : « Pour quelle raison avez-vous imposé la langue anglaise ? ». Et l’autre, humble, de répondre (je cite in extenso) : « Cela se pratiquait déjà mais il est certain que désormais le français est exclu du COMEX, ne serait-ce que par le nombre d’étrangers autour de la table. La langue du business est définitivement l’anglais et, en termes de management, les expressions anglo-saxonnes sont d’une rare précision ; elles concrétisent  des concepts sans contre-sens ».

On en a la nausée !

Ce brillant dirigeant semble ignorer que :

1)   il y a beaucoup d’étrangers qui comprennent et parlent le français ;

2)   le mot anglais « definitely » ne se traduit pas par « définitivement » (voir mon billet « Dis pas ci dis pas ça », à la lettre D) ;

3)   contrairement à ce qu’il pense, c’est le français qui est d’une rare précision et qui, en particulier, dans le domaine diplomatique, est le moins sujet à ambiguïté.

Louis Schweitzer nous avait déjà fait le coup de l'anglais au CA de Renault et du franglais à tous les étages. 

Quand cette caste de patrons arrêtera-t-elle son entreprise (!) de démoralisation, de démission, d’autoflagellation, d’imitation béate, de soumission au modèle américain, de bradage de la culture française (qui opère aussi dans la direction des hommes) ?

 

Les Échos la Chine.jpg

Tant pis pour eux ! Ce sont les Chinois qui prendront la relève !