24/02/2015
Le prix des "fôtes" (II)
L’entreprise, elle, ne l’entend pas de cette oreille : elle sélectionne via les lettres de motivation et elle accable les « mauvais en orthographe » (un journaliste « web » aurait été licencié de ce fait). D’après une étude anglaise de 2011, une seule faute sur un site de vente en ligne conduirait à une baisse de 50 % des achats, à cause du manque de confiance, de la décrédibilisation, suscités dans l’esprit des internautes (j’ai du mal à y croire…). La journaliste y voit des millions d’euros de pertes potentielles chaque année.
Mais il y a des entreprises pour lesquelles, sans nul doute, la correction dans l’expression écrite est un enjeu stratégique, une obligation. L’émission cite un cabinet qui travaille sur la réputation dans les réseaux sociaux (e-réputation en franglais) et y communique pour le compte de ses clients. On y montre le responsable du recrutement en train de dénombrer les fautes dans les lettres de motivation des candidats à une offre d’emploi et en déduire le sort à réserver à ces candidatures… je me suis vu à sa place !
Côté franglais, ce responsable a des progrès à faire : il parle de « communication digitale », de « répondre en live » et de « problèmes avec les mails »… Nobody’s perfect !
Autre royaume pour inculquer le bon français : les centres d’appel situés en France car ils voient un avantage concurrentiel dans la maîtrise d’un français impeccable, face à leurs concurrents délocalisés.
On trouve en librairie des bouquins de méthode pour les traumatisés du français…
Et certains ont mis au point des cours particuliers « gestuels », c’est-à-dire essayant de faire mémoriser les cas difficiles à l’aide de trucs et de postures. La promesse est « zéro faute au bout de deux jours ». On peut y croire…
Avant de terminer ce billet, je veux mentionner le projet Voltaire, dont j’ai déjà parlé dans ce blogue. Les concepteurs de cet outil informatique d’apprentissage et d’évaluation sont partis de la communication par mél. dans l’entreprise et se veulent pragmatiques. Ils se sont concentrés sur 140 règles et ne prétendent pas enseigner le beau français (par exemple, ils ne s’occupent pas du passé simple, qu’ils considèrent comme passé de mode – le jeu de mots est de moi –). Leur grille, tout à fait dans l’air du temps, à la mode américaine, distingue trois niveaux : 500 pour les commerciaux, ingénieurs et techniciens, assistants et secrétaires ; 700 pour les chefs de service, avocats, notaires et assistants de direction ; 900 pour les experts, relecteurs, correcteurs, formateurs, coachs.
On voit à quel niveau sont placés les ingénieurs et quelle ambition on leur donne… pas étonnant quand on voit qu’un élève-ingénieur peut obtenir 385 points lors de sa première évaluation !
Je me demande quelle note j’aurais…
Ah, j’allais oublier : si vous voulez voir l’émission en rediffusion sur le site de France Télévisions, le reportage est entre 34 min 07 et 1 h 04.
Et merci à MAG qui me l’a signalée, alors que je n’étais pas devant mon poste !
07:33 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
23/02/2015
Le prix des "fôtes" (I)
Consécration ? Exigence d’humilité ? Consternation ?
Je ne savais pas trop quoi penser, le 19 février 2015, devant « Envoyé spécial », l’émission de France 2 consacrée ce soir-là à l’orthographe ; plus précisément, aux dégâts individuels et collectifs de la méconnaissance ou de l’allergie à l’orthographe : n’était-ce pas le triomphe et la mise sur la place publique de mon obsession depuis des décennies, à savoir respecter l’orthographe, promouvoir une langue correcte, simple et pertinente, en un mot défendre le français ?
Mais, par ailleurs, ce n’est pas moi que France 2 a choisi d’interroger et l’émission montre bien que les places sont prises, sur le marché des « censeurs » et des « docteurs » en orthographe…
Je vous ai déjà parlé du site « bescherelletamère » (c’était à propos des huit fautes trouvées dans le livre de Valérie Trierweiler) ; eh bien, nous pouvons mettre dorénavant un visage et un nom derrière ce site ; c’est Sylvain Szewczyk, il a vingt-deux ans, c’est un chasseur de coquilles et de fautes d’orthographe, encore un peu potache (voir la mise en page et les légendes de son site). Il a eu la même idée que moi : photographier les fautes qui s’étalent sur les affiches et dans les magasins. La source du mal selon lui : « Les gens ne relisent pas ». Il paraît que l’éditeur du fameux Bescherelle l’alimente en manuels qu’il dédicace à ses « victimes »… Bienvenue au club, Sylvain !
Autre vedette : un ancien lauréat de la Dictée de Pivot, champion de France d’orthographe ; son dada ? corriger les dictionnaires ! Et il en trouve des coquilles et des définitions cocasses… Il fallait oser s’attaquer aux œuvres d’Alain Rey et consorts !
Et ce jeune homme d’animer des stages en entreprise pour remettre des salariés sur le droit chemin, à l’aide d’un logiciel (ORTHOtélé). Six mois de formation pour dix salariés coûtent 11000 € à l’entreprise. Il met en garde contre les correcteurs orthographiques utilisés les yeux fermés (Il prétend que le sien corrige la phrase « On est boucher de père en fils », de la façon suivante « On est bouché de père en fils »…).
78 % des Français disent faire des fautes ; outre la souffrance liée au fait de « ne pas savoir », cela ajoute des difficultés, s’il en était besoin, dans la recherche d’un emploi.
L’école semble s’être fait une raison des fautes à la pelle dans les devoirs, a abandonné la dictée, jugée « traumatisante » et a renoncé à compter un point par faute, de peur de mettre zéro tout le temps.
En 1987, les élèves de CM2 faisaient en moyenne 10,7 fautes (par devoir ? par mois ?) ; vingt ans plus tard, ils en commettaient 14,7 !
07:37 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
22/02/2015
Incongruités
Les gens ne savent plus choisir les prépositions et ne savent plus construire un comparatif. Exemple :
La publicité – le matraquage – pour les cures thermales, sur France Inter, 18 février 2015, 13 heures : « C’est deux fois plus efficace… par rapport au traitement par les médicaments », au lieu de « plus efficace que le traitement… ».
Il paraît que la justice s’apprête à statuer sur le souhait de certains parents d’appeler leur fille « Fraise » ou « Nutella »… Consternant au premier abord mais au moins ces noms ressemblent à du français, ce qui n’est pas le cas de dizaines de prénoms que l’on entend aujourd’hui dans la rue et dans les médias !
Un groupe de « personnalités » et d’organismes (FCPE, etc.) a publié dans le Libération du 16 février 2015, un appel « Refondons l’école », qui a mon sens n’apporte rien que des vœux pieux et des déclarations – naïves et démagogiques – de bonnes intentions. Mais ces gens bien sous tous rapports veulent « l’implication effective des élèves à des activités qui font sens pour eux… ». Double faute, Monsieur l’Arbitre ! D’abord, « l’implication à » relève d’une syntaxe inconnue ; ensuite « faire sens » est du franglais de bas étage : en français, on dit « qui a (aurait) du sens pour eux » ; ce n’est pas plus long, pourquoi s’en priver ?
C’est comme le sempiternel « il est en charge de… », au lieu de « il est chargé (responsable) de… » ou bien « il a la charge de… ».
Vu au rayon surgelés d'un supermarché : "sachet microondable" !
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (1)