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17/03/2015

Parler et écrire, lire et écouter : journée de la langue française dans les médias

Selon une étude de l’ARCEP datée de début 2013, il y a deux ans donc, un adolescent français envoie en moyenne 83 textos par jour, soit 2500 par mois. Et les 16-17 ans sont équipés d’un téléphone mobile à 95 % (Journal des activités sociales de l’énergie, février 2013).

 

Le Centre national des libraires vient de réaliser une enquête sur la lecture : 90 % des Français disent lire mais ils lisent de moins en moins : en moyenne 14 livres sur papier et 2 sur support numérique par an (personnellement je n’ai jamais pu dépasser 24 livres par an).

Pourquoi lisent-ils moins ? à cause de la concurrence de loisirs nouveaux comme les jeux vidéo, internet, les réseaux sociaux, surtout dans la classe d’âge 15-24 ans…

Les femmes lisent plus, pour s’évader avant tout : romans, livres pratiques. Les hommes pour apprendre ( !) : histoire et bande dessinée.

 

Hélène Carrère d’Encausse, interrogée à l’occasion de la journée de la langue française dans les médias, a défendu l’effort de francisation des mots nouveaux et la défense d’une langue belle et élégante.

 

Pour Éric Orsenna, nous avons là un trésor que nous ignorons et les apports des Québécois, des Haïtiens et des Africains enrichissent la langue que nous avons « en partage ». Il plaide pour l’accueil d’expressions comme « je te kiffe » et « j’ai la haine » car, selon lui, le français n’avait pas d’équivalents et elles apportent des nuances intéressantes.

Côté démagogie et perte de temps, France Inter se fait l’écho d’une pétition demandant à la Ministre d’en finir avec la préséance du masculin sur le féminin… Pour Hélène Carrère, il y a une règle, héritée du latin, qui fait qu’en l’absence du neutre, le masculin en tient lieu ; elle conclut que c’est un combat sans intérêt.

 

Patrice Gélinet, conseiller au CSA, est l’instigateur de cette journée de la langue française dans les médias audiovisuels. Il a été confronté à des extraits d’émissions de télévision, en particulier destinées à la jeunesse, qui se caractérisent par une langue "populaire", vulgaire, relâchée, avec des injures et des grossièretés (Énergie 12, Sky Rock, Cyril Hannouna…). Ses réponses ont démontré sa maîtrise de la langue (de bois) : toujours à côté de la question, pas de vague, « dormez en paix, braves gens », le danger qui guette la langue française n’est pas le franglais ni la langue des banlieues mais le purisme de certains qui ne veulent pas la voir évoluer.

Dans sa bouche, Cyril Hannouna serait le nouveau Villon, le nouveau Rabelais…

Quand il veut citer des succès de la terminologie francisée, il ne trouve que « ordinateur » (années 60) et « logiciel-matériel » (années 80)…

Il ne veut pas intervenir sur le fond des programmes des chaînes, n’a pas d’avis sur la langue utilisée par les animateurs…

Bien plus, il considère que les jeunes veulent parler comme ces animateurs-là et que c’est (presque) plus important que l’école.

Il avoue enfin, au bout d’une demi-heure, que la langue est menacée dans deux domaines : les titres des émissions et les publicités.

Ouf, il n’est pas complètement perdu pour notre combat.

Un peu plus tôt dans la journée, Alain Finkielkraut, heureusement, avait fait un vibrant plaidoyer pour la civilisation française et sa langue, en relevant tout ce qu’elle avait à apporter aux « nouveaux entrants ».

14/03/2015

L'erreur d'intitulé

De même que la première phrase d’un roman, le titre d’un livre est déterminant, pour évoquer son thème, son ton, sa tessiture d’une part et pour donner envie de le lire d’autre part.

Régis Debray.jpgRégis Debray vient de publier « L’erreur de calcul » (Les éditions du cerf, 2014), un petit bouquin de 55 pages rageuses et incisives.

Il est très colère, Régis, et quand il est colère, il a la plume assassine. C’est donc au vitriol qu’il brosse le tableau de notre société (occidentale et surtout française) gangrénée par le tout-économique, le tout-financier, le tout-statistique, en deux mots le tout-chiffres et le tout-fric.

C’est « l’erreur de calcul qui nous bouche la vue et s’en prend à nos vies », rien de moins.

Mais pour moi, il y a avant tout une erreur de titre ! Outre qu’il est abscons et décrit finalement assez mal le contenu de son pamphlet, il n’est guère mobilisateur et va orienter les moteurs de recherche vers les manuels d’économie ou de mathématique.

Régis Debray aurait pu tenter d’égaler le coup de Stéphane Hessel avec son incroyable « Indignez-vous », qui a passionné, réveillé et mobilisé dans de nombreux pays.

 

À part ça, la rage et l’efficacité de l’analyse sont là et bien là ; Régis Debray dénonce la disparition des valeurs ou plutôt leur remplacement, jusque dans le vocabulaire : « Chacun s’exprime à l’économie : il gère ses enfants, investit un lieu, s’approprie une idée, affronte un challenge, souffre d’un déficit d’image mais jouit d’un capital de relations, qu’il booste pour rester bankable et garder la cote, en jouant gagnant-gagnant… Il s’émeut d’un paysage qui vaut de l’or… ».

« L’économie est une vulgate, où l’endoctrinement s’appelle explication, laquelle n’est pas une heure d’instruction religieuse par semaine mais une catéchèse quotidienne et cathodique ».

 

Plusieurs fois dans le livre, Régis Debray distingue trois phases marquées par un repère et un personnage emblématique : la religion (Saint Louis), la patrie et la République (Clémenceau) et aujourd’hui l’économie (Monsieur Hollande, comme il dit), avec ses « modèles d’identification » : le Chevalier, le Soldat-Laboureur, le Manageur, et ses contre-exemples : le fanatique, le chauvin, l’affairiste. Et flotte comme un regret, l’ombre du grand homme (De Gaulle).

 

La Défense (du pays), la Culture et l’École ont pour lui été sacrifiées sur l’autel de la modernité économique.

 

« On comprend dès lors le mimétisme nord-américain et que la nouvelle Europe soit un dominion, fondue dans l’Otanie, avec son commandant en chef à la Maison blanche ».

 

« … que les classes dirigeantes mondiales aient un seule lingua franca, celle de l’économie et des finances. L’élite romaine parlait grec, ‘et c’est la Rome impériale qui a hellénisé l’Occident.

L’élite américaine est monolingue, et le globish est notre espéranto ».

 

 

On se régale car Régis Debray a le sens de la formule. Par exemple : « L’illusoire tourne en douce à l’obscène ». Peut-être trop… du coup, le texte a un débit de mitraillette, ça flingue à tout va.

 

Au total, on est revigoré. Dieu soit loué, il y a encore des gens qui râlent et qui protestent, sans retour-ner leur veste (citation !).

 

Allez, je termine par le grand Charles : « Vieille France, accablée d’histoire, allant et venant sans relâche de la grandeur au déclin mais redressée de siècle en siècle par le génie du renouveau ».

10/03/2015

Et ça se dit comment en anglais ?

Dans le Marianne du 27 février 2015, Alexis Lacroix écrit : « Ce n’est pas par hasard si Umberto Eco a immortalisé Barruel dans un récent roman ». C’est amusant car il fait la confusion entre deux formulations très proches : « ce n’est pas un hasard si » et « ce n’est pas par hasard qu’il a fait ceci ou cela ». Cela me ramène à GD, dont je vous ai promis les expressions les plus originales mais j’attends toujours qu’elle reprenne contact avec moi…

 

Dans un Événement du Jeudi de 1996, un Alsacien dialectophone et linguiste – ainsi se définit-il lui-même – s’insurgeait du fait que la revue considérait comme de l’alsacien le mot « molé » dans la phrase « tchava molé quimpette »… et écrivait Neuhof avec deux « f ». Je ne suis qu’un voisin vosgien, donc mon dialecte d’enfance est lorrain – donc roman – et  non pas germanique, mais la phrase en question ne me paraît pas très alsacienne en effet et je sais que Neuhof veut dire « nouvelle cour » et que « Hof » ne prend qu’un seul « f » en allemand. So what, comme disait Miles Davis…

 

Raphaël Confiant, écrivain martiniquais et penseur de la créolité, répondait en novembre 2012 au Journal des activités sociales de l’énergie : « Je ne crois pas que le créole soit une langue particulièrement imagée. Toutes les langues le sont. L’idée que le français que j’utilise est imagé est une idée fausse qui vient de Paris, du centre. En tant que linguiste, je peux vous dire qu’il n’y a pas une langue plus imagée qu’une autre. Simplement, en France, on a créé artificiellement, à partir du XVIIè siècle, avec l’Académie française, une langue coupée du français populaire, lequel est quant à lui très imagé. Cette langue française écrite est effectivement peu imagée, mais ce n’est pas le français réel. Le français, tel qu’il est réellement parlé à Marseille, dans les quartiers, dans les campagnes, est aussi imagé que le créole ».

 

Bon, est-on plus avancé après avoir lu ça ? En fait la seule diversité qui ait bonne presse aujourd’hui serait la diversité « moderne » ; au nom de cela, voudrait-on que la France, nation plus que millénaire – il n’y en a pas tant que cela sur cette planète – renonce à sa propre diversité, pour se fondre dans le paysage et laisser d’autres groupes montrer leur différence ? Haro sur l’Académie, haro sur la Révolution, haro sur les Lumières, haro sur la République, haro sur la liberté d’expression ?

No passaran !

 

J’ai suffisamment pesté contre la mode et le laisser-aller des franglicismes et suffisamment attribué l’origine de leur diffusion au not invented here, c’est-à-dire au fait que les concepts, les nouvelles idées, les nouvelles technologies, les nouvelles pratiques, venaient d’outre-Atlantique, pour ne pas vous parler a contrario des mots nouveaux qui, bizarrement, sont français. Je suis frappé par exemple par les ZAD – zones à défendre – auxquelles il ne manque qu’un À, les Bonnets rouges, les Pigeons… pas la plus petite trace de franglais dans tout cela !

 

Vous autres, mauvaises langues ou mauvais joueurs, me direz que protester, contester et manifester sont des manies aussi vieilles que les Gaulois… Peut-être mais il n’en reste pas moins clair que les luttes du début du XXIè siècle (en France) se disent en français !