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29/03/2015

Anathème latin

Je pensais en avoir fini avec ma longue série sur les dégâts causés par les "modernistes" et les "pédagogistes" et par leur obsession à éliminer l'étude du latin et du grec des programmes de l'Éducation nationale, quand, en ouvrant le Marianne du 27 mars 2015, je tombai sur l'éditorial enflammé de Joseph Macé-Scaron (je devrais dire "l'éditorial au lance-flammes"…) intitulé "L'aversion latine".

Ce titre m'a tellement plu que j'en ai inventé un autre, son cousin.

Et que nous dit Macé-Scaron ?

Que la civilisation française est redevable depuis très longtemps à "ces exercices spirituels laïcs que furent le thème latin et la version grecque". Et lycée de Versailles d'ailleurs.

Que cette très ancienne pratique a subi depuis quelques années, "une déconstruction en règle, une attaque mortelle, dévastatrice". On a envie d'écrire : "une attaque subite aussi bien que mortelle"...

Et de décliner les "illusions" qui selon lui ont présidé à cette démolition : faire étudier les langues anciennes serait l'habillage d'un projet de domination des classes populaires, notamment de celles issues de l'immigration (ces idéologues ont mal lu Bourdieu, assure-t-il). Mais non ! c'est non seulement préparer à la citoyenneté française mais aussi permettre d'accéder directement et précocement à l'universel. Et il faudrait ne jamais "dépayser les élèves" ; or "inculquer la culture et opérer une transmission vivante, c'est forcément dépayser".

Pericles.jpgIci arrive dans sa chronique, de façon étonnante, le même argument et le même effroi que ceux que j'avais écrits dans mon billet du 28 mars 2015 : "Le latin apparaît ringard, et déjà le français est présenté par nos élites comme la plus vivante des langues mortes" !

Selon Hannah Arendt, "l'éducation, par nature, est vouée à être conservatrice, puisqu'il s'agit de faire entrer les élèves dans un monde beaucoup plus vieux qu'eux". Même argument que Philippe Bilger.

Il termine par la facette politico-idéologique de la question : "Pendant des années, au nom d'un modernisme fétichisé et d'un libéralisme dérégulé (NDLR : pléonasme ?), la Droite n'a fait qu'accompagner le mouvement général vers le décervelage planétaire, prélude à la figure du consommateur universel".

"Le latin et le grec ne servent à rien ? Mais c'est justement ce qui fait leur prix ! Il n'y a pas de biens plus précieux aujourd'hui que ceux qui échappent à la grande marchandisation du monde".

Et sur ces sujets, ne nous faisons pas d'illusion, les Américains ne sont pas nos alliés. Leur credo, c'est celui de l'École de Chicago, à savoir l'ultra-libéralisme à leur profit. Seuls les pays latins pourront peut-être nous aider. Et Mme Fioraso, qui, avant de partir, nous a fait le cadeau de l'autorisation pour les Universités françaises d'enseigner en anglais, fait bien partie des fossoyeurs du "conservatisme culturel" qui est pourtant indispensable.

Cette fois, tout est dit, non ?

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