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17/04/2015

Non, France Inter, tes programmes musicaux ne font pas oublier tes émissions !

Le comble du chic - et qui évite de donner un avis sur les trois semaines de grève à l'antenne - consiste à dire que les morceaux de musique passés à longueur de journée à la place de "l'intégralité de nos programmes habituels" étaient tellement excellents que les auditeurs, enamourés, en oubliaient la grève.

Patrick Cohen 2.jpgNon, mille fois non ! En ce qui me concerne, j'ai surtout entendu d'innombrables "raps" en anglais et peu de chanson française. Au point que, souvent, j'ai coupé le sifflet à France Inter, de guerre lasse...

 

 

 

 

 

Tel n'est pas l'avis de Valérie Sasportas, qui, dans le Figaro du 27 mars 2015, ne tarit pas d'éloge sur ce qu'elle appelle "la playlist" de la radio en grève.

Et de prétendre que le programme de base, prévu pour toute interruption d'antenne quelle que soit sa cause, comporte très exactement "35 titres internationaux, 35 francophones et une dizaine provenant d'internet". Je ne connaissais pas ce dernier chanteur, on en apprend tous les jours.

Il y a, comme dans la stratégie nucléaire, une gradation de la riposte : si l'interruption se prolonge, on a droit à une liste de disques (!) "gold, standard et de succès Inter". Vous voyez ce que c'est un disque gold ? Et un disque standard ? Pas moi...

Enfin, si la station est au fond du trou, les programmateurs (humanoïdes) ont le droit de balancer leurs pépites à eux.

Il paraît que les auditeurs ont adoré… (sur les réseaux sociaux, évidemment).

Voici donc mes conclusions, après instruction du dossier (ci-dessus) :

1) France Inter était bien au fond du trou ;

2) les programmateurs ont eu la bride sur le cou ;

3) ils n'aiment que le rap de Detroit.

FRANCE INTER.jpgQuant au Figaro, qui vole au secours de ce déni de service public (concernant la chanson, cela veut dire une majorité de chansons francophones), sa position me fait penser à une allégation célèbre comme quoi "dorénavant, en France, quand il y a grève, on ne s'en aperçoit pas".

Ça va même plus loin, du style "à quoi sert donc de payer les émissions de France Inter, si une simple suite de morceaux pendant des heures contente le peuple ?".

Donc je résume : "ça plaît, ouste !".

16/04/2015

On massacre (enfin ?) l'orthographe anglaise

J'ai déjà signalé les ravages qu'avait faits cette manie de choisir des acronymes prononçables, voire mnémoniques.

À la Libération, SNCF et EDF, s'ils signifiaient évidemment quelque chose, ne se prononçaient pas (sauf lettre par lettre) et surtout n'évoquaient rien.

Notre époque a changé tout cela : quand on baptise un projet de recherche européen, on choisit par exemple PACE, que l'on prononce à l'anglaise "paye-ss" (et non pas "paa-tché" à la latine) et cela évoque le rythme (pacemaker) aux anglicistes et peut-être "la paix" aux latinistes, mais alors sans raison...

Donc l'acronyme moderne :

- se prononce comme un mot ;

- ce mot évoque quelque chose, plus ou moins lié à l'objet désigné, et plus ou moins volontairement ;

- et continue à se décliner lettre par lettre en tant qu'initiales décrivant l'objet.

La manie acronymisante a ainsi "massacré" quantité de mots français, dont on ne sait plus, à force, s'ils prennent un "n" ou deux "n", un "l" ou deux "l", etc.

Mais les meilleurs gisements s'épuisent (il y a belle lurette par exemple que les potentiels noms de marque en cinq lettres, qui soient prononçables sans être des noms communs, sont déposés !).

Et là, je rigole parce qu'on s'attaque maintenant, en France, à l'anglais !

SNCF.jpg

 

 

La SNCF vient ainsi de lancer son application HAPI, service d'idées "culture et tourisme" pour sortir en Île de France.

Bien sûr, cela ne choquera pas les Américains, qui écrivent "night", "nite"… mais les Anglais à parapluie, chapeau melon et bottes de cuir, si.

Pour nous, c'est pas si grave, puisque, grâce à Mme Belkacem et à l'enterrement du latin et du grec, nos enfants seront fortiches en angliche.

 

 

15/04/2015

La lecture, la démoralisation et les barbares

Il y a, ne serait-ce que chez l'hébergeur hautETfort, des dizaines et des dizaines de blogues. Et, bien sûr, des milliers accessibles sur la Toile… Beaucoup d'entre eux, et c'est rassurant, ne traitent pas de l'actualité ni de la crise ni du néolibéralisme ni du numérique ni du logement ni de la paupérisation des campagnes… mais de sujets dits "inutiles" : la littérature, la poésie, la philosophie, la musique...

Je me demande si, comme moi, leurs auteurs se posent régulièrement la question de la vanité du projet qui consiste, bon an mal an, à résister au rouleau compresseur de la mondialisation, à l'uniformisation des goûts et des couleurs, aux périls divers qui menacent notre art de vivre, et à "rêver" à un monde amical alors qu'il est partout de plus en plus violent (et pas uniquement physiquement)...

Rendant compte du livre de Christian Godin "La démoralisation - La morale et la crise" (éditeur Champ Vallon) dans le Marianne du 27 mars 2015, Alexis Lacroix soulignait "les signes fragiles d'un sursaut. Il fait de notre rapport à la lecture, cet exercice de concentration solitaire qui a porté depuis Gutengerg les plus belles conquêtes de la modernité, l'un des critères de l'alternative. L'un des pôles de la résistance".

"Et si, pour vaincre la crise, on recommençait… par le livre ?".

Peut-être… mais c'est aussi faire l'autruche car les barbares sont aux marches de l'empire.

En effet, dans le même numéro du même magazine, on trouve, sous la plume d'Hervé Nathan, un article démoralisant (nous y revoilà) sur l'invasion de tous les pans de notre économie - et donc de notre vie personnelle - par les géants du numérique : Google (la publicité), Uber (les taxis), AreBnB et Booking.com (les hôtels), Apple (la musique), Amazon (les livres et les petites cuillères…). Des gourous autoproclamés comme Nicolas Colin préviennent que "Le numérique dévore en réalité tous les secteurs de l'économie. Dans le tourisme, les banques, les télécommunications, et demain dans l'automobile, les services urbains ou la santé, des entreprises locales soumises à leur pouvoir de marché. À mesure que le numérique s'étendra à toute l'économie, les marges des différents secteurs se délocaliseront à l'étranger, disparaîtront du PIB des grands États, privant ainsi les pouvoirs publics de recettes fiscales".

Et j'ajoute que, une fois le TAFTA adopté en douce, au mépris des règles démocratiques, les États qui mettraient des bâtons dans les roues de ce train lancé à toute vapeur, seront traînés par lesdits prédateurs devant un tribunal d'arbitrage, tout ce qu'il y a de "privé".

Dire que, aux débuts triomphants de cette "nouvelle économie" comme on disait à l'époque (en 1999-2000), je rigolais quand j'entendais que notre vie allait être bouleversée ; je ne voyais absolument pas en quoi… Maintenant, je vois.

À noter que tous ces géants sont américains ! Question de culture "numérique", de langue, d'esprit d'entreprise ? Je ne sais pas. Les Chinois, eux, se contentent pour l'instant de dupliquer à leur mode, pour leur propre usage (mais dans un pays de plus d'un milliard d'humains) les nouveaux outils (messagerie, moteur de recherche, etc.).

Je signale aussi, en passant, que nous, on n'arrive pas à exiger de pouvoir utiliser nos "é" et nos "œ" sur internet mais que les Chinois, eux, font causer mandarin à leurs ordinateurs… Où est l'astuce et de qui se moque-t-on ?

Quant à nos patrons, les grands et les petits, et nos gazelles et autres jeunes pousses, on les entend à longueur d'année se plaindre du Code du travail, de la fiscalité, des freins aux licenciements, des normes et des règles paralysantes ; certains, les plus gros, sont très forts pour s'augmenter ou, à défaut, se faire augmenter, dans des proportions indécentes… Mais d'innovation, de créativité, de prise de risque, de révolutions technologiques, de découverte de nouveaux usages, point. Imiter les Américains, monter dans des trains en marche, oui...

Revenons à notre sujet...

Cela a-t-il encore un sens de broder chaque matin sur la belle ouvrage en matière d'écriture, alors que les barbares sont à la porte ? N'y a-t-il pas de combats plus urgents et plus nécessaires ? Sans doute.

Et plus fatigants aussi !

La question reste ouverte ; cela m'a fait un billet, celui de ce matin...

PS. Je dois quand même parler des deux phénomènes mis en exergue par Christian Godin dans son livre : l'individualisme forcené et la brutalité des rapports humains qui va avec, piteux résultat de trente année de néolibéralisme à la Milton Friedman ; et l'allure "homme pressé", "homme qui court tout le temps", de la plupart de nos contemporains (l'artisan n'a pas le temps, le buraliste n'a pas le temps, le SAV au bout du fil n'a pas le temps, et le cadre n'en parlons pas !).