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25/08/2015

Vacances (II)

"Aussi loin que je me souvienne, il y a le ciel et les tilleuls. Ceux-ci avaient été, me disait-on, plantés sous Henri IV par le ministre Sully. Énormes et rassurants, ils ombrageaient la place de l'église, abritaient mes jeux de petit citadin en vacances...

Sous les tilleuls se tenaient chaque été la fête et la foire du village. Une fois, il y eut une couleuvre qui fut tuée à coups de pioche. Une autre, c'était une vache échappée du troupeau qui vint se frotter contre l'écorce des arbres. Et puis brusquement, aux alentours du 15 août, ça arrivait.

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Les graines des tilleuls tournoyaient comme des hélices, descendaient en spirale ; au bout de quelques jours elles jonchaient la place. Quand tombait la première, lente, silencieuse, c'était pourtant comme une déflagration et je savais, le cœur serré, que les vacances filaient vers leur fin, que nous avions commencé de descendre la pente douce de l'été" (page 27).

Bien sûr, je citerai mes sources, dans un prochain billet.

 

24/08/2015

Vacances (I)

"L'ennui est devenu l'ennemi public numéro 1 ; tous les moyens sont bons pour l'arrêter. C'est regrettable car il nous enseigne la patience nécessaire pour accueillir la joie.

Les vacances nous permettent de retrouver ce temps plein dont nous dépouille la frénésie ordinaire, qui nous voue à la fragmentation ; d'être cet homme cher à Walter benjamin qui un après-midi d'été, s'abandonne à suivre du regard le profil d'un horizon de montagnes ou la ligne d'une branche qui jette sur lui son ombre et respire l'aura de ces montagnes, de cette branche. Cet homme-là sait que les vacances aiguisent son regard et lui enseignent la liberté" (page 36).

 

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"Les dunes de sable s'effondrent sous la pied ; le sentier coupe à travers champs, se perd sous les hautes herbes où s'engourdit la marche. Il faut désapprendre les allées ratissées qu'empruntent nos vies au cordeau : en vacances, le temps est nu. Le cri aigre des goélands, la rumeur stridente des cigales submergent la fureur des métropoles. L'air plus vif rompt les entraves que la routine posées sur nos âmes. Le ciel se rapproche de nous. Nous voici libres. Ce brusque affranchissement nous grise et nous effraie ; la belladone se mêle aux trèfles et aux sainfoins. Tapis au cœur du temps comme dans une combe, nous faisons le gros dos sous la lune et reprenons peu à peu possession de nos corps qu'ébrèchent les travaux et les jours.

Loin du béton, dans cette vacance qui nous rend à nous-mêmes, quelque chose doit arriver. L'impérieux besoin d'y inscrire comme sur une page blanche un amour, un souvenir, nous saisit. Le grain du monde crisse sous nos mains. le bois craque ; les sources chantent. des odeurs fortes montent de la terre trempée d'averses. Cloîtrés dans nos demeures tapissées d'écrans, soumis au règne de l'immédiat, nous ne savons plus regarder ni sentir ; nous perdons l'habitude d'écouter, de goûter et de toucher" (page 34).

Bien sûr, je citerai mes sources, dans un prochain billet.

 

 

23/08/2015

Les belles de Beaubourg

À AL.

"Les belles de Beaubourg, pareilles à des fleurs qui marchent, pavoisent le parvis du Musée national d'art moderne, éclosent par centaines sur la place Georges Pompidou. Elles entrent dans l'été comme dans leur bain. Elles arrivent de partout : de la rue Quincampoix, de la rue Saint-Martin ; de la rue Rambuteau, de la place du Châtelet.

Médusé, je me tiens au centre du monde. Je contemple ces contingents d'amazones épandus sur la ville.

Elles quittent leurs appartements bourgeois ou leurs chambres de bonnes, franchissent les porches des immeubles et montent les escaliers du métro, glissent en douceur dans la gueule de juillet.

L'été est déclaré ; ses guerrières passent à l'abordage. Un baril de rhum ne suffirait pas pour étancher la soif qu'elles me ravivent au corps. Le ciel de Paris descend dans ma gorge. Le soleil pétille.

...

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Je persiste à piquer d'adverbes les cheveux défaits ou coiffés à la diable de ces princesses dépenaillées, à frôler du bout des lettres leur peau qui s'ensoleille. Elles déclinent indifférentes l'alphabet du désir.

Celle-ci, aux hanches pleines, aux jambes bien galbées, semble une naïade de pierre échappée de la fontaine des Innocents, faite chair pour charmer les mortels ; cette autre, le pas vif, lunettes d'écailles sur le nez, sort des Archives nationales : Aphrodite en Converse" (page 30).

Bien sûr, je citerai mes sources, dans un prochain billet.