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05/09/2015

Mes auteurs de l'été 2015

Mathieu Belezi est né à Limoges et a fait des étude de géographie. Il a enseigné et voyagé, puis décidé en 1999, de se consacrer à l'écriture. En 2004, il est parti vivre dans le sud de l'Italie.

Frédéric Martinez est né en 1973. Il a publié une demi-douzaine d'ouvrages.

Umberto Eco est enseignant à Bologne. Il est né en 1932. Il a écrit des romans, dont plusieurs à succès (Le Nom de la Rose, le Pendule de Foucault) et de nombreux essais.

Natacha Polony est agrégée de lettres modernes. Elle est journaliste, spécialiste des questions d'éducation, chroniqueuse au Figaro et dans des émissions de télévision. Elle est née à Paris en 1975.

Cécile Ladjali est née en 1971 à Lausanne. Elle est agrégée de lettres modernes, docteur ès lettres, enseignante et écrivain.

Benoît Duteurtre est en 1960 à Sainte Adresse, à côté du Havre (revoyez les Impressionnistes). Il est musicien et journaliste.

Et, en ce moment, je lis :

Bernard Pivot, né dans le Beaujolais et resté fidèle au vin, le créateur et animateur bien connu d'Apostrophe et de Bouillon de culture, le propagandiste talentueux des fameuses Dictées, président de l'Académie Goncourt, pour "Les mots de ma vie", dont j'aurai l'occasion de reparler.

et

Christophe Ono-dit-Biot, né au Havre (lui aussi) en 1975 et agrégé de lettres (lui aussi).

Au total, des écrivains contemporains, peu connus (mis à part Umberto Eco et Bernard Pivot), et qui ne sont pas non plus des habitués des "romans de plage".

Cela étant fait, je feuillette le bouquin de Pivot et je vois la liste des écrivains qu'il a reçu dans sa première émission littéraire : Henri Thomas, Dominique Rolin, Anne Philipe, Maurice Grévisse, Alexandre Zinoviev, Christine de Rivoyre, François-Régis Bastide, Philippe Soupault, Yves Navarre, Ernesto Sabato, Serge Gainsbourg (?), Érik Orsenna... Vous connaissez, vous avez lu ?

Je lis toujours, à la fin de certains folio, la liste des auteurs publiés dans la collection :Paolo Rumiz, Colin Thubron, J. Maarten Troost, Sylvain Tesson, Martin Amis, Xun Si, Philippe Bordas, Dermot Borger, Nicolas Fragues, etc., etc. ; il y en a des pages et des pages, qui entourent Albert Camus et Marguerite Yourcenar, des écrivains qui ont publié et n'ont peut-être pas été lus... Vous les connaissez, vous en avez lu ?

Le Marianne du 6 juin 2015 signalait les premiers romans "de rentrée" (sic !), écrits par Boualem Sansal, Yasmina Khadra, Mathias Enard, Thomas B. Reverdy, Tristan Garcia, Martin Amis (tiens encore cet Anglais, sulfureux paraît-il), Ryan Gattis... et annonçait les nouveaux opus Amélie Nothomb, Frédéric Beigbeder, Yasmina Reza, Simon Liberati, Christine Angot, et aussi Toni Morrison, Jim Harrison, David Grossman, Nick Hornby, Richard Ford... Vous connaissez, vous les lisez ?

Tout cela pour dire que la pyramide des écrivains a une base extrêmement large, avec au sommet les immortels (qui en général ne sont pas Académiciens) et tout en bas, une myriade d'auteurs qui resteront inconnus et seront lus par hasard par une poignée de lecteurs.

Et nous tous, qui avons peut-être des choses à dire et à écrire, et qui ne seront jamais publiés.

C'est un peu comme les années-lumière qui séparent le débutant au saxophone et Charlie Parker...

Dans le billet de demain, je vous parlerai d'une catégorie d'écrivains bien particulière : les auteurs de "romans de plage",  ceux qui vendent des millions d'exemplaires et qui sont étrillés par la critique.

 

02/09/2015

Mes lectures de l'été 2015 (III) : L'été 76

J'ai déjà parlé longuement des livres "Ma bibliothèque" de Cécile Ladjali et de "Ce pays qu'on abat" de Natacha Polony et dit tout le bien que j'en pensais.

Mon avant-dernière lecture de l'été, c'était justement "L'été 76" de Benoît Duteurtre. Ici, la structure est "linéaire", c'est-à-dire que l'histoire - autobiographique - est racontée chronologiquement. Elle concerne une tranche de la vie de l'auteur (les années 1976 et 1977), pendant laquelle il est sorti de l'adolescence et a pris des options pour sa vie future (abandonner l'idée d'être médecin et se consacrer à la musique et au journalisme).

Le parcours de B. Duteurtre m'a touché parce qu'il passait ses vacances d'enfant dans les Vosges sur les hautes chaumes, révérait Jean Giono (Que ma joie demeure, Le chant du monde) et appréciait Jules Verne,  Arsène Lupin, Boris Vian, puis Léo Ferré, Led Zeppelin et Pink Floyd. Tout(e) une époque !

 

Hautes chaumes Vosges.jpg

 

Il y a trois thèmes essentiels dans son livre : sa découverte de la contestation (en l'occurrence gauchiste) à travers Hélène, cette jeune fille de deux ans son aînée, sa découverte de l'amour platonique (du moins pour Hélène car deux fins de phrases sibyllines à la fin du livre éveillent des doutes sur son goût inconditionnel pour les femmes) et la découverte de sa passion pour la musique, très éclectique en l'occurrence (de Debussy à Deep Purple).

Rien à dire sur son style d'écriture ; il est simple, correct, sans effets particuliers. J'ai noté l'orthographe de  la phrase "quelqu'un… qui pourrait m'ouvrir tout grand les portes du succès" (page 74). Mon (fameux) résumé d'orthographe indique que "tout" s'accorde toujours devant une consonne (Voir mon billet du 18 juillet 2014 "Tout, tout est fini entre nous"). L'ennui, c'est que les adjectifs employés adverbialement, comme ici "grand" qui peut se lire "grandement" ou "largement" sont invariables (H. Berthet donne comme exemple "Des arbres haut perchés"). L'affaire est donc complexe. Mon intuition m'aurait néanmoins fait écrire "toutes grandes"… L'un de mes lecteurs a-t-il une opinion ? Ou alors j'écris à l'Académie !

Deux ou trois passages - hors narration - sont excellents : en premier lieu, l'analyse des 30 glorieuses et de la crise issue de la restriction du pétrole, et le sentiment que chacun a de vivre entre deux époques (tout le chapitre 7, page 64).

Au total, un livre agréable à lire, qui vaut surtout par son témoignage sur une époque et sur une tranche de vie d'un adolescent dont nous avons été proches, quelques années avant ou après, mais qui ne restera pas dans nos mémoires.

B. Duteurtre a écrit aussi "Le voyage en France" en 2001, qui a eu un certain retentissement. Une prochaine lecture ?

 

01/09/2015

Mes lectures de l'été 2015 (II) : Numéro zéro

Revenons donc à la question : un auteur qui a indiscutablement de la maîtrise et du style, est-il un "bon" écrivain ?

J'ai lu ensuite ("sans transition" selon la formule consacrée) le "Petit éloge des vacances" de Frédéric Martinez, dont j'ai donné de larges extraits dans plusieurs billets récents. Dans un genre complètement différent de celui de M. Belezy, il y a là aussi de la maîtrise et "un sujet". Sur le thème fort peu original du jeune homme étourdi par les affriolantes jeunes beautés qui passent devant ses yeux dans les rues de Paris, il réussit à concocter un mélange enivrant d'impressions sensuelles et de souvenirs tendres, que l'on dévore d'un coup. Bien sûr, là encore, il faudrait lire un autre livre du même auteur, et il n'y a que l'embarras du choix car il a déjà beaucoup écrit.

"Autre séquence, autre scène", je pars à l'abordage du dernier opus d'Umberto Eco, le sémiologue, historien et professeur italien, célèbre pour son "Nom de la Rose". Il s'agit de "Numéro zéro" (Grasset, 2015). L'exorde est plutôt fade : un homme s'inquiète de ce qu'il n'y a plus d'eau au robinet dans son appartement… et rapidement, U. Eco nous entraîne dans son récit à cent à l'heure : sous couvert d'une histoire d'espionnage classique, il règle quelques comptes avec l'université et surtout, il nous livre ses réflexions sur le journalisme, sur le vrai et le faux et sur les mœurs politiques de l'Italie de 1992 et d'ailleurs.

 

Umberto Eco.jpg

 

Par exemple, il fait expliquer par son narrateur la façon de procéder des grands journaux anglo-saxons : "Une fois les guillemets mis (NDLR : pour citer un témoin d'un événement déniché dans la rue), ces affirmations deviennent des faits car c'est un fait qu'Untel a exprimé telle opinion… L'astuce, c'est de mettre entre guillemets d'abord une opinion banale, puis une autre opinion, plus raisonnée, qui reflète celle du journalisme… Le problème, ce sont les guillemets - où et quand les mettre". À la suite de quoi, U. Eco fait faire des "exercices" à ses journalistes, à partir d'événements inventés. C'est édifiant...

Dans Numéro zéro, il y a un peu de 1984 (les manipulations) et un peu de Jean-Christophe Grangé aussi (les Loups gris de Turquie) mais avec l'érudition d'U. Eco (voir le chapitre "Mercredi 15 avril" dans lequel il brode avec brio sur les "chevaliers de Malte", les faux et les vrais, à tel point qu'on ne sait plus si c'est de l'histoire ou de l'imagination). On pense aussi, dans le genre "faux documentaire" et "description d'une machination", à Tunc et à Nunquam de Laurence Durrell.

Il y a aussi pas mal d'humour (les petites annonces que préparent les journalistes du Numéro zéro sont désopilantes) et une histoire d'amour en fond sonore.

Au total, un livre qui se lit agréablement mais qui me paraît tout de même "alimentaire" pour Eco.