27/09/2015
Critiquer un livre...
Qu'est-ce que la critique d'un livre ?
La plupart du temps, parce que nous ne sommes pas des spécialistes de littérature, c'est simplement dire qu'on l'a aimé, pour telles ou telles raisons (sachant que vos raisons ne seront sans doute pas celles de vos interlocuteurs), donnant ainsi à d'autres l'envie de le lire...
Plus rarement, c'est dire qu'on ne l'a pas aimé - et là, vos raisons sont très importantes car il est délicat - et même contestable - de dire qu'un livre est mauvais… Tout au plus ne vous a-t-il pas plu… Il plaira peut-être à d'autres : vous n'aimez pas les récits de voyage, d'autres adorent ; vous n'aimez pas les structures de récit originales, d'autres en raffolent ; je n'ai pas pu terminer "Femmes" de Philippe Sollers, d'autres s'en sont-ils délectés ?, etc.
Dans les deux cas, ce n'est pas raconter l'histoire ni paraphraser l'auteur, encore moins déflorer la fin !
On peut toujours décrire le "genre" du livre (récit, réflexion, fantastique, psychologique, roman d'amour ou d'aventure), présenter l'écrivain, rattacher son ouvrage à une "école", le comparer à d'autres...
On peut aussi l'analyser ou en contester les thèses, sans rien en révéler hormis par allusions, en s'adressant par anticipation à ceux qui l'auront lu et reviendront ultérieurement à votre critique...
La vraie critique littéraire est affaire de spécialiste ; elle s'attache non seulement à l'histoire mais aussi à la construction, au style, au vocabulaire, au savoir-faire et à la maestria de l'auteur. On joue alors dans une autre catégorie (Antoine Compagnon, Cécile Ladjali et alii).
Et nous voici donc ramenés à la question fondamentale : qu'est-ce qu'un bon livre ? et à son corollaire : qu'est-ce qu'un bon écrivain ?
Contrairement à Guillaume Musso (voir mon billet à ce sujet), je ne considère pas qu'un livre est là seulement pour nous distraire et passer un bon moment !
Bien sûr un bon livre doit nous "embarquer" et nous "tenir" jusqu'à la dernière page ; les premières phrases et les dernières sont de ce fait fondamentales. Mais il doit aussi nous dépayser, nous faire découvrir des paysages ou des comportements humains, nous émouvoir par des destins hors du commun et des histoires d'amour qui pourraient nous arriver, nous charmer par des images poétiques, un vocabulaire précis et même recherché, et des phrases au balancement classique (des "périodes"…), nous étonner par une construction originale (par exemple à la Faulkner, Vargas-Llosa ou Durrell)...
Bref le mélange est complexe et l'alchimie subtile de ce qui fait un bon livre...
Au total, sans qu'il soit toujours possible d'en donner des raisons objectives ni exhaustives, les deux critères pertinents ne sont-ils pas : m'a-t-il été impossible de m'arracher de ce livre avant la fin ? vais-je le garder, dans l'idée de le relire un jour ou l'autre ?
Si l'on répond oui aux deux questions, c'est un bon livre.
L'excellent Pierre Magnan s'était retiré dans une petite maison à Forcalquier à l'approche de la vieillesse, avec seulement vingt-cinq livres, les meilleurs, ceux qui avaient compté dans sa vie, et qu'il relisait sans cesse.
On peut ajouter un troisième critère : a-t-on envie de le recommander à un tiers ?
09:35 Publié dans Littérature, Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
23/09/2015
La civilisation du spectacle (Mario Vargas-Llosa)

Il y a longtemps (juillet 1999), j'avais commencé "La Guerre de la fin du monde" (1981) de Mario Vargas-Llosa, écrivain péruvien né en 1936. Ce livre est l'épopée d'une sorte de Bolivar au Brésil, à la mode sud-américaine que j'adore (Garcia-Marquez, Carpentier…). J'en avais interrompu la lecture à l'époque pour je ne sais plus quelle "urgence littéraire" mais il figure toujours dans ma liste d'attente ("Un jour, je l'aurai…" disait une publicité des années 2000). Passons.
Dans son édition du 26 juin 2015, l'hebdomadaire Marianne consacrait une interview par Hubert Artus du Prix Nobel de littérature 2010 à propos de ses deux nouveaux livres : un essai La civilisation du spectacle et un roman Le héros discret.
Le premier fait penser, et ce n'est sans doute pas un hasard, à La société du spectacle de Guy Debord.
Voici quelques extraits de l'entretien.
"(Il soutient que) la culture au sens traditionnel de ce mot est sur le point de disparaître et que le monde est engagé dans un irréversible processus de décadence intellectuelle et spirituelle".
Sa réponse ? "(Combattre) avec fermeté, en respectant le droit et la loi mais sans faire aucune concession sur les valeurs fondatrices que sont la liberté, la diversité, l'égalité homme-femme, le respect des croyances… L'Occident doit en être fier et les utiliser dans sa réponse au défi. L'utopie religieuse est ce qui remplace l'utopie communiste de nos jours. Mais l'islamisme sanguinaire, extrême, n'aura jamais la force qu'avait le communisme : celui-ci avait un esprit idéaliste de changement, une dimension de rêve… Comme toutes les sociétés ouvertes et libres, l'Occident est vulnérable mais je ne pense pas qu'il va être détruit".
"La fonction de la littérature reste la même : utiliser l'expérience de la réalité pour créer une vérité différente, grâce à laquelle nous comprendrons mieux le monde où nous vivons. Créer une dualité qui enrichit nos rêves et nos désirs.
La littérature doit aussi demeurer pédagogique, pour que cet espace entre monde réel et monde littéraire devienne celui de la distance critique. La critique, voilà ce qui a toujours été le moteur des transformations de nos sociétés. C'est une réussite de la civilisation occidentale et des sociétés démocratiques. Et la littérature est la meilleure expression de cet esprit, non ?".
"La culture du divertissement abolit la distance critique et participe non à la disparition mais au dépérissement de la culture du livre. À son remplacement par une culture de l'image, qui est superficielle et passagère.
L'esprit critique allait de pair avec la culture des idées, de la parole, et il est aboli.
… Seules comptent la frivolité, l'image, les gestes et l'apparence".
"Les intellectuels ont aujourd'hui perdu leur prestige ; plus personne ne s'intéresse à leur avis. Et ils ne contribuent pas à relever l'utilité et le rôle des idées dans la vie publique. Ça conduit soit à la barbarie, soit au contrôle technologique de la société".
Cette dernière réflexion pénalise le reste de la démonstration, même s'il est question de "certains intellectuels qui acceptent de devenir des clowns"… Car Vargas Llosa est lui aussi un intellectuel. Ses avis intéresseront-ils les gens, en particulier les plus jeunes ? Arrivé à un certain âge, ne devient-on pas obligatoirement un conservateur, chantre du "c'était mieux avant" et du "la culture n'est plus ce qu'elle était" ?
Au demeurant, je partage ses idées sur les dégâts de cette civilisation du divertissement et du clinquant (en France : Hanouna, Arthur, Nagui, Delarue et comparses) et sur la nécessité de réagir et de défendre nos valeurs.
18:23 Publié dans Actualité et langue française, Écrivains, Littérature, Vargas-llosa Mario | Lien permanent | Commentaires (0)
21/09/2015
Découvrons Guillaume Musso
Dans le billet "Que valent les best sellers ?", il était question de Guillaume Musso, écrivain français que je n'ai pas lu mais qui vend des millions de livres à travers le monde (en 2013, à 38 ans, il en avait vendu seize millions et avait été traduit en 36 langues).
J'ai retrouvé récemment une revue d'entreprise qui l'avait interviewé en juin 2013 et cet article me l'a rendu sympathique.
Né à Antibes en 1974, ancien professeur de sciences économiques et sociales en Lorraine, enseignant à Valbonne pendant cinq ans, il explique ainsi, en toute modestie, son processus de création littéraire : "Il y a un premier niveau de lecture purement divertissant. On tourne les pages en entrant dans l'histoire comme dans un bon film. puis un deuxième niveau, où je parle de sujets qui me touchent au moment de l'écriture"… "J'ai toujours été fasciné par la douleur que les hommes étaient capables de s'infliger en étant constamment tourmentés par les regrets d'hier ou en imaginant ce que pourrait être demain. Trop souvent, on attend de se retrouver le dos au mur pour comprendre que seul le moment présent compte"… "J'accepte les choses sur lesquelles je n'ai pas de prise. Et je me bats pour celles que je peux faire évoluer".
Ses infuences : le cinéma américain, Alfred Hitchcock, Stephen King, Richard Matheson, René Barjavel, Jean-Christophe Grangé, la série "La quatrième dimension"...
"Depuis L'appel de l'ange, j'écris des romans à suspense psychologique, où un personnage ordinaire est embarqué dans la spirale de l'aventure. Mes trois derniers livres m'ont apporté de nouveaux lecteurs (NDLR : j'aurais dit "m'ont amené…"), plutôt masculins d'ailleurs, qui ne s'autorisaient pas à me lire avant, pensant que je n'écrivais que des romances, voire des bluettes ou des histoires fantastiques".
Le journaliste de la revue lui dit : "Votre écriture est très visuelle, les chapitres sont courts, l'action avance vite".
"J'aime travailler tous les jours, de 9h à 19h30, dans un lieu différent de mon appartement… J'écris dix mois de l'année sur douze. Un cycle scolaire est découpé et organisé…".
"Le seul contrat implicite que je me fixe est d'essayer d'écrire chaque fois des histoires qui vont offrir à mes lecteurs quelques heures d'évasion et de dépaysement".
Au total, un type sûr de lui, avec des idées simples et saines, imprégné du mythe américain et donc en phase avec l'époque, plutôt "écrivain professionnel" que "écrivain maudit", qui s'estime heureux et poursuit son petit bonhomme de chemin (un roman par an), sans rien demander à personne ni se prendre pour Balzac, plutôt sympathique en somme...
Ses romans les plus connus : "Skidamarink" (le premier en 2001), "Et après…" (2004), "L'appel de l'ange", "Demain" (2013) et le dernier "L'instant présent" (2015).
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Écrivains, Littérature, Musso Guillaume | Lien permanent | Commentaires (1)


