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03/10/2015

"Immortelle randonnée" de Jean-Christophe Ruffin : critique (III)

Compostelle 2.jpg

 

C'est le principal intérêt du livre : nous donner la réponse de l'Académicien à cette question que nous nous posons tous "Mais pourquoi donc marcher aussi longtemps, sous la pluie ou le soleil ?". Pour le reste, son livre se lit vite et ne laisse pas de souvenir impérissable. Il fait penser, dans la catégorie des récits de voyage, à "Longue marche", sans doute à cause de son style simple, journalistique et prosaïque. Rien de commun avec l'élitisme sympathique de son collègue de l'Académie dans "Transsibérien" (voir mon billet du 1er octobre 2015). Pas d'étalage de culture, pas d'enthousiasme esthétique, c'est l'ouvrage de tout un chacun.

 

 

Sur la forme, peut mieux faire !

page 99 : "C'est un bonheur rare…" et quelques phrases plus loin "… est une volupté rare".

page 105 : "On se sent soulagé de les quitter et d'avancer vers la pointe de sable qui s'avance entre mer et rivière". On ne relit pas ses épreuves à l'Académie ?

La phrase "Si je me permets ici une confidence, je dirais que ce paradoxe est celui de toute ma vie" (page 136) est bancale parce que la concordance des modes et des temps n'est pas respectée.

"C'est un état qui se traduit par quelques signes extérieurs et surtout un nouvel état d'esprit" (page 139) : un état qui se traduit par un nouvel état, n'est-ce pas mal dit ? Ou alors c'est une tentative maladroite pour faire un jeu de mot ?

La première fois qu'on lit cette phrase, page 168, "Prêtres incompétents, alcooliques parfois, fornicateurs peut-être, quand ils se recrutent parmi ces pauvres pasteurs de campagne semblent pouvoir être sinon absous, du moins jugés avec clémence", on ne la comprend pas. Il manque au moins une virgule entre "campagne" et "semblent", qui souligne la fonction de sujet du verbe "semblent" que joue "Prêtres incompétents…".

La dernière partie du livre correspond à la dernière partie du Chemin de Compostelle, dite le "Camino Frances", qui est la plus fréquentée, et par des "pèlerins" arrivés en bus ou en avion, qui sont pour les "vrais", de vrais touristes.

Jean-Christophe Ruffin en profite pour retrouver son épouse, dont je ne dirai rien pour ménager la surprise de la découverte aux futurs (hypothétiques) lecteurs. C'est à ce moment qu'il se livre avec le plus de délectation à son autocritique, voire à son auto-dénigrement, s'accusant de plusieurs défauts avec humilité ; la rançon du cheminement solitaire, sans doute.

Il écrit par ailleurs quelques belles pages :

"Le marcheur est, selon la formule de Victor Hugo, un géant nain. Il se sent au comble de l'humilité et au faîte de sa puissance. dans l'état d'aboulie où l'ont plongé ces semaines d'errance, dans cette âme délivrée du désir et de l'attente, dans ce corps qui a dompté ses souffrances et limé ses impatiences, dans cet espace ouvert, saturé de beautés, à la fois interminable et fini, le pèlerin est prêt à voir surgir quelque chose de plus grand que lui, de plus grand que tout, en vérité. cette longue étape d'altitude fut, en tous cas pour moi, le moment sinon d'apercevoir Dieu, du moins de sentir son souffle" (page 207).

"C'est ainsi que les humains d'aujourd'hui, après le long détour des monothéismes, en reviennent parfois à des éblouissements spirituels qui leur font incarner le divin dans les objets de la nature : les nuages, la montagne, les chevaux. Le pèlerinage est un voyage qui soude ensemble toutes les étapes de la croyance humaine, de l'animisme le plus polythéiste jusqu'à l'incarnation du Verbe. Le Chemin réenchante le monde. Libre à chacun, ensuite, dans cette réalité saturée de sacré, d'enfermer sa spiritualité retrouvée dans telle religion, dans telle autre ou dans aucune. Reste que, par le détour du corps et de la privation, l'esprit perd de sa sécheresse et oublie le désespoir où l'avait plongé l'absolue domination du matériel sur le spirituel, de la science sur la croyance, de la longévité du corps sur l'éternité de l'au-delà. Il est soudain irrigué par une énergie qui l'étonne lui-même et dont, d'ailleurs, il ne sait pas très bien que faire" (page 209).

Au total, un livre facile à lire, avec quelques réflexions intéressantes et surtout cette explication progressive, bien amenée, au fil de l'avancée, de ce qu'apporte le cheminement vers Compostelle.

Alors, mes trois critères ?

oui, le livre maintient l'intérêt du lecteur jusqu'au bout

non, je ne le recommanderais pas à des tiers (sans le déconseiller néanmoins)

et non, je ne le garderai pas.

 

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