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09/03/2020

Les mots du corona I

Chaque événement, chaque découverte, chaque mode, chaque nouveauté en bref, nous apporte son lot de néologismes (ce qui est bien normal) et de franglicismes (ce qui est la plupart du temps injustifié et nuisible à la clarté des choses).

L’épidémie de coronavirus n’échappe pas à la règle…

Pourquoi donc l’excellent Directeur général de la santé, M. Jérôme Salomon, s’obstine-t-il à parler, lors de chacune de ses interventions télévisées, de cluster pour désigner les groupes de personnes atteintes dans une région par le virus ? Mystère ! On connaissait le mot cluster en informatique, c’était déjà pénible mais c’était « confiné » (!) aux échanges entre spécialistes des serveurs et des réseaux. Pourquoi diable l’importer dans le domaine de la santé et de la vulgarisation médicale qui plus est ?

C’est tellement saugrenu et peu compréhensible que les journalistes eux-mêmes, qui ont pourtant un tropisme avéré pour le franglais – et même un brevet supérieur de franglais pour certains d’entre eux – le traduisent systématiquement par « foyer », terme explicite et imagé, facile à comprendre !

Mais il n’y a pas que les mauvaises nouvelles habituelles (sur le front de la langue). Le même Directeur général fait référence, pour ses statistiques de suivi de l’épidémie, à l’organisme « Santé publique France », dont l’intitulé obéit – pour une fois, c’est plutôt rare – aux règles de la syntaxe française : le déterminé d’abord, le déterminant ensuite. Cela nous change de l'insupportable France Télécom (à l’époque, ils auraient dû choisir Télécom France ou alors, tout honte bue, French Telecom ; les Allemands avaient été moins ignorants avec leur Deutsche Telekom !).

05/03/2020

Irritations linguistiques LXIV

Au nombre des irritations linguistiques (quotidiennes en l’occurrence), il y a bien sûr – comment n’y ai-je pas pensé plus tôt – l’horrible « un espèce de rideau », au lieu de « une espèce de rideau ». On peut d’ailleurs se demander comment, dans cette société que d’aucuns qualifient de « féminisée », dans un sens péjoratif, tandis que d’autres réclament à corps et à cris, surtout à cris, la transformation de l’orthographe et de la syntaxe pour mettre le féminin en avant, le mot « espèce » a bien pu perdre le « e » absolument déterminant de son genre.

Tiens, à propos des demandes hystériques de féminisation, citons cette brève de Marianne (6 décembre 2019) qui, sous le titre « Olympe de Gourdes » raille Rebecca Amsellem qui a lancé une pétition pour dénoncer le logo soi-disant « hypersexualisé » des JO 2024 à Paris. Ne pensent-elles qu’à ça ?

Sophie Marceau (Elle).jpg

Les mêmes ou d’autres ont lancé une plateforme numérique pour suggérer des noms féminins pour les futures stations de métro du Grand Paris. Les noms en question devraient être ceux de « femmes inspirantes ». Pourquoi pas, en effet ?

Complètement différent est le cas de « pas de souci » : ici pas d’incorrection mais simplement un « tic verbal » qui, à force d’être rabâché et entendu ad nauseam, est vraiment horripilant, d’autant que, sur le fond, cette expression semble manifester une bonne humeur et une disponibilité totale qui ne peuvent pas être constamment sincères…

Je terminerai ce billet par le sempiternel « celles et ceux », qui n’est malheureusement pas l’apanage de l’actuel Président de la République française, qui en use et abuse, il est vrai, mais que chaque homme politique semble considérer comme une expression incontournable propre à montrer son engagement dans la quête de l’égalité entre les hommes et les femmes.

06/02/2020

Irritations linguistiques LXIII

À la rigueur, on peut tolérer quelques mots anglais bien typés dans un article consacré aux États-Unis, pour faire couleur locale… Ainsi trouve-t-on, dans l’article d’Alain Léauthier (Marianne, 28 septembre 2018) intitulé « Dans l’Amérique des abandonnés », et sans traduction, les mots start-up, heartland, Midwest, Rust Beltet Deep South(comment les éviter ?), main street, blue collars.

Mais comment accepter que l’anglais envahisse tous les secteurs, tous les champs lexicaux ?

À l’heure où l’Académie française s’émeut et s’avise, enfin, d’alerter les pouvoirs publics sur le piétinement sans vergogne de la loi Toubon, on peut entendre un écrivain célèbre comme Daniel Pennac (« Comme un roman ») déclarer à propos de son dernier opus : « Il n’est pas pitchable » (France Inter, 4 janvier 2020, 7 h 50). Et d’ajouter, confinant ainsi au pitoyable : « Comme on dit aujourd’hui », pour montrer que lui aussi, il est moderne et connaît la langue des sachants.

Changeons de secteur et regardons la page d’accueil de Deezer, le site de musique à la demande. Qu’y voyions-nous le 4 janvier 2020 ?

Rubrique « Aujourd’hui, pour vous » : flow, top 2019, un mix avec…

Rubrique « L’actu du moment » : les nouveautés, les titres du moment

Rubrique « Playlistsrecommandées » : throwback pop gold, best blues of all time, pop acoustique, throwback pop, les incontournables du rock

Rubrique « Pour bien commencer 2020 » : chill relax, sport motivation, feel good, réveil en douceur, ménage en musique, rapstarsfuture hits, flip, pop top, bleu blanc hits, apéro, chill tape, jazz now, weekend roadtrip, acoustic snow

Rubriques « Ambiance » : flashback, chill, romance, running and sport, soirée.

Le décompte est clair : sur 30 titres de rubrique, 22 sont en anglais ! Pourquoi diable ? Et comment veut-on que les jeunes Français maîtrisent le français dans ces conditions et s’approprient la culture de leur pays de naissance ou d’adoption ?

Les musiciens eux-mêmes abusent de break, riff, jack

On connaît et on raille facilement la langue approximative employée par les sportifs dans leurs entretiens avec les journalistes et lors de leurs « conférences de presse ». Il n’est pas donné à tout le monde de causer comme Voltaire ou Chateaubriand ; mais pourquoi parsèment-ils leurs interventions de termes comme staff, coach, performer (au sens de réussir une performance)… ?

Une expérience éprouvante commence chaque fois que l’on ouvre les posts (pourquoi ne pas dire « billet » ou « message » ?) du réseau professionnel LinkedIn : pas un qui ne comporte quelques mots d’anglais (quand il n’est pas rédigé directement dans ce sabir). Et c’est sans compter sur les titres et fonctions que s’attribuent les auteurs : systématiquement en anglais. La guirlande de messages et de « faire suivre » est rapidement illisible. Cela mérite une compilation, à laquelle je consacrerai un billet du blogue un de ces jours.

Je suppose que c’est pareil dans Facebook… À quoi rêvent les jeunes filles ? On s’en fiche aujourd’hui… Mais comment causent-elles ? On le sait : franglais !

Que faire ?

Pour moi, une première mesure s’impose, qui s’apparente à une désintoxication et une réappropriation : interdire l’affichage de termes anglais sur la place publique (affiches, enseignes, publicité télévisuelle, etc.) et interdire les noms de baptême en anglais pour les sociétés et les produits vendus en France. Cela forcera les cerveaux de nos créatifs à réinvestir le champ lexical français.

Deuxième mesure : que l’Académie, au lieu de se cantonner aux lamentations et aux signaux d’alerte, agisse de façon positive et anticipatrice : diffusion rapide de termes équivalents en français pour chaque nouveau terme américain qui apparaît, émission régulière sur les chaînes du service public de l’audiovisuel.

Troisième mesure : sensibiliser les apprentis-enseignants à la question du franglais envahissant. Qu’ils apprennent à dire calendrier et non pas agendaou planning, au lieu de s’obstiner sur les majuscules sans accent (ce qui aujourd’hui, n’a plus de sens, vu que les outils bureautiques les intègrent).