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18/03/2019

Toujours et encore, ce débat sur la place du français... en France

Les faits : les organisateurs du Salon du Livre 2019 à Paris ont cru intelligent, moderne, astucieux, attractif (vis-à-vis des éditeurs non francophones)… de baptiser certains espaces « littérature Young Adult », « Live » ou « Bookroom ». Quelle bêtise ! quel snobisme crasse !  Quelle insulte à Gary, Kundera, Ionesco, Becket et tant d’autres, plus encore qu’à Chateaubriand et Hugo !

Ni une ni deux, une pétition sur le site du Monde a rassemblé les protestations légitimes de plus d’une centaine d’auteurs et d’intellectuels.

Ni trois ni quatre, l’inévitable Gaspard Koenig, pourfendeur vigilant de tout ce qui n’est pas purement « libéral », s’est fendu d’un article dans Les Échos (6 février 2019) pour clamer courageusement « Non au nationalisme linguistique ».

Ce sémillant jeune homme convoque la linguiste Henriette Walter et Léon Tolstoï pour dénoncer les affreux souverainistes qui demandent aux Ministres responsables de « renforcer la protection des Français les plus jeunes face aux agressions de l’uniformité linguistique mondiale » et pour prôner, en deux mots comme en cent, le laisser-faire et la fuite en avant chers aux néo-libéraux. 

Son argumentation, archi-classique, tient en peu de phrases :

  1. L’anglais a absorbé dans le passé quantité de mots français (et alors ?)
  2. Le français, dans son passé prestigieux (à l’âge classique), a été lui-même dominateur et envahissant (Tolstoï aurait rédigé en français des passages entiers de Guerre et Paix). Je peux ajouter que « Crime et châtiment » est parsemé d’expressions « en français dans le texte ». Et alors ?
  3. Notre réaction est un aveu de faiblesse : « Quand on a confiance en soi, en sa capacité créative comme en sa destinée nationale, on ne redoute pas les influences étrangères ». Fort bien ; appliquons cette recette à tous les combats (féminisme, antiracisme, écologie, etc.) et attendons qu’ils aient suffisamment confiance en eux : rien ne changera tant qu’ils n’auront pas triomphé !
  4. Le globish n’est qu’une « monnaie linguistique universelle » commode et les Anglais sont les plus à plaindre du lot car ils entendent chaque jour leur langue massacrée… (je verse une larme pour tous les Anglais dépités et je ne commente pas cet argument sans intérêt)
  5. La lecture et le marché du livre reculent (ça, c’est vrai) ; « il faudrait peut-être trouver des moyens ingénieux de moderniser les formes éditoriales plutôt que de combattre des moulins à vent avec une plume d’oie » ; des moyens ingénieux ? lesquels ? on n’en saura pas plus, sauf que c’est « ce que font des start-up audacieuses » ! On est sauvé car des start-up s’occupent de la question… 

Reste la conclusion, opportuniste autant que bizarre : « Sous ses allures sympathiques, cette pétition participe de l’actuel repli souverainiste (…). Oui à la littérature française ; non au lepénisme linguistique ».

Allez, restons-en là ; c’est assez de publicité donnée à des arguments maintes fois rabâchés et toujours aussi peu convaincants.

Mon mot de la fin à moi sera le suivant : mais pourquoi donc doit-on toujours se battre pour cette évidence qu’en France, on parle et écrit en français ?

11/03/2019

Grand débat : et la politique linguistique ?

Le « Grand débat » lancé en France par l’exécutif sous la pression du mouvement des Gilets jaunes (plutôt immobiles sur les ronds-points que « marcheurs » !) et sans doute pour gagner du temps et essouffler la protestation aux allures parfois insurrectionnelles, s’est transformé nolens volens en un ensemble de débats en parallèle, généralistes ou spécialisés.

Les médias ont créé le leur (Marianne, Les Échos, Médiapart par exemple), de même que l’association de consommateurs Que Choisir. Et c’est sans compter sur les fameuses 42 propositions des Gilets jaunes (en ligne sur le site de Médiapart), à l’origine de la remise en cause globale du système néo-libéral forcené dans lequel nous vivons depuis trois décennies ni sur les innombrables pétitions publiées dans Change.org et WeMove.org !

Le « Grand » débat autoproclamé se sert donc pas à grand-chose ; il suffit de « traverser la rue » pour récolter quantités de propositions à creuser, à instruire, à mettre en chantier et à appliquer, soit sous forme réglementaire, soit sous forme législative (que nos parlementaires travaillent dessus plutôt que de continuer subrepticement à dérouler leur programme libéral et oligarchique), soit sous forme référendaire.

Incidemment les 42 propositions ne contiennent aucune allusion raciste ou sexiste, mais au contraire quelques mesures que l’on peut considérer comme généreuses à destination des demandeurs d’asile, des migrants et des immigrés.

42, c’est déjà beaucoup, il y avait de quoi travailler sans forcément faire tout ce battage, politique et médiatique ni cette tournée en province du Président de la République devant des publics choisis, qui s’apparente à une nouvelle campagne électorale et qui me fait penser à celle de Catherine de Médicis (ma mémoire me trahit… était-ce pour rabibocher les Français et reprendre la main après les atrocités des guerres de religion ?). Seule justification recevable de cette incursion dans la France profonde : les Gilets jaunes représentent évidemment une minorité, même si leur action revendicative pacifique est soutenue par la majorité. On peut donc comprendre que M. Macron ait voulu entendre « d’autres sons de cloche ». Mais alors, que dire de tant de mesures récentes qui ont été prises sous la pression de minorités ? 

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En ce qui concerne l’objet de ce blogue, pas une allusion à la langue française, à sa défense et son illustration dans toutes ces propositions, sauf au détour de la proposition 21 « pour une réelle politique d’intégration » qui demande « des cours de langue française, d’histoire de France et d’éducation civique, avec une certification à la fin du parcours ». 

La semaine dernière, dans une rue près de Cambronne (XVème arrondissement de Paris), j’avisai deux échoppes côte à côte : celle d’un vendeur d’automobiles à essence et gazole, « DS store », et celle d’un fameux distributeur, « Carrefour city »… Pourquoi donc ces enseignes en anglais ? Où sont ces clients ne comprenant que l’anglais qui en ont besoin au risque de ne pas trouver les commerces en question ? Pourquoi cette référence obsessionnelle au modèle américain ? Pour faire comme dans les séries télévisées ? 

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Voici donc mes propositions, en complément de la n°21 : 

LBÉ 1 : interdire sur tout le territoire national les enseignes dans une langue autre que le français (dérogation possible, sur justificatif de « pittoresque nécessaire » pour le tourisme, entre autres, pour quelques enseignes en langue régionale). 

LBÉ 2 : interdire aux entreprises et annonceurs s’adressant aux clients en France, qu’ils soient français ou non, des slogans en anglais (du genre « Motion and Emotion » de Peugeot…). Il n’y a qu’à regarder quelques séquences de publicité à la télévision, pour constater qu’ils sont devenus la norme.

LBÉ 3 : interdire les publicités audio- et télé-visuels en anglais (est-ce L’Oréal ou Dior qui a fait passer récemment une publicité entièrement en langue anglaise ?). Modifier pour ce faire le cahier des charges du BVP et des chaînes.

LBÉ 4 : interdire les marques à l’orthographe ou à la syntaxe anglaise (par exemple « Captur » pour le premier cas et « Île de France Mobilités » pour le second).

LBÉ 5 : imposer la clause Molière (malgré l’Union européenne et la Commission), à savoir « tous les travailleurs en France doivent maîtriser un minimum de français », en particulier sur les chantiers du bâtiment et des travaux publics. 

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Certains diront, à la lecture de ces cinq mesures, « encore des interdictions »… Sans doute mais leur justification est double :

  • Sortir de la soumission volontaire au modèle américain ;
  • Épargner à nos enfants des difficultés supplémentaires dans l’apprentissage de leur langue (il y en a déjà suffisamment).

07/03/2019

Nouvelles du front (linguistique) IX

« Pouvoir » et « permettre » jouent des mécaniques pour savoir lequel dominera l’autre. Je ne parle pas ici du « pouvoir » macronien ni encore moins de la génération « j’ai le droit » !

Je fais simplement référence à cette façon pléonasmatique qui se répand comme une traînée de poudre chez les politiques et les journalistes (et aussi chez les gens que ces derniers interrogent) et qui consiste à empiler les verbes « pouvoir » et « permettre ». On entend ainsi à longueur de journée : « Avoir les moyens de pouvoir assurer… », « Afin de pouvoir permettre… », « Pour permettre de pouvoir décoller sans problème » (un pompier sur BFM-TV), « La capacité de pouvoir » (un biologiste sur France Inter, le 21 janvier 2019), « Ça me permettrait de pouvoir demander… », « Être en mesure de pouvoir demander… », « de pouvoir faire en sorte de… » (Benoît Hamon sur France Inter, le 17 janvier 2019), « C’est impossible de pouvoir arrêter… ». Langue tarabiscotée, phrases à rallonge, mots empilés sans raison… On ne nous épargne rien !

Autre tic verbal dévastateur : « ce qui » et « ce qu’il », à cause de l’euphonie sans doute, sont sans cesse employés l’un pour l’autre. J’ai déjà mentionné ce travers dans « Le bien écrire ». Le 8 février 2019, j’ai entendu sur BFM-TV : « Ce qui est important de retenir… », confusion complète entre « Ce qu’il est important de retenir » et « Ce qui est important à noter » !

L’emploi hasardeux des prépositions continue de faire des ravages : « pallier à » (que les jeunes s’obstinent à écrire « palier à »), « impacter sur » (encore notre biologiste sur France Inter), etc.

Les « miss Météo » et « monsieur Météo » usent et abusent de Proust (sans le savoir ni le vouloir) en nous menaçant d’orages (ou d’éclaircies) « du côté de Versailles » « du côté du Massif central »… Connaissent-ils si mal notre géographie ? On comprend qu’il soit difficile de garantir un orage à Versailles même mais il serait simple de dire « autour de Versailles » ou bien « dans la région de Versailles » ou encore « dans le Nord des Yvelines » !

Et pour terminer, un dernier tic des politiques français : la formule « pardon de vous le dire » employée à tous bouts de champ dans les interventions (par exemple, Benoît Hamon le 17 janvier 2019 sur France Inter).