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06/02/2020

Irritations linguistiques LXIII

À la rigueur, on peut tolérer quelques mots anglais bien typés dans un article consacré aux États-Unis, pour faire couleur locale… Ainsi trouve-t-on, dans l’article d’Alain Léauthier (Marianne, 28 septembre 2018) intitulé « Dans l’Amérique des abandonnés », et sans traduction, les mots start-up, heartland, Midwest, Rust Beltet Deep South(comment les éviter ?), main street, blue collars.

Mais comment accepter que l’anglais envahisse tous les secteurs, tous les champs lexicaux ?

À l’heure où l’Académie française s’émeut et s’avise, enfin, d’alerter les pouvoirs publics sur le piétinement sans vergogne de la loi Toubon, on peut entendre un écrivain célèbre comme Daniel Pennac (« Comme un roman ») déclarer à propos de son dernier opus : « Il n’est pas pitchable » (France Inter, 4 janvier 2020, 7 h 50). Et d’ajouter, confinant ainsi au pitoyable : « Comme on dit aujourd’hui », pour montrer que lui aussi, il est moderne et connaît la langue des sachants.

Changeons de secteur et regardons la page d’accueil de Deezer, le site de musique à la demande. Qu’y voyions-nous le 4 janvier 2020 ?

Rubrique « Aujourd’hui, pour vous » : flow, top 2019, un mix avec…

Rubrique « L’actu du moment » : les nouveautés, les titres du moment

Rubrique « Playlistsrecommandées » : throwback pop gold, best blues of all time, pop acoustique, throwback pop, les incontournables du rock

Rubrique « Pour bien commencer 2020 » : chill relax, sport motivation, feel good, réveil en douceur, ménage en musique, rapstarsfuture hits, flip, pop top, bleu blanc hits, apéro, chill tape, jazz now, weekend roadtrip, acoustic snow

Rubriques « Ambiance » : flashback, chill, romance, running and sport, soirée.

Le décompte est clair : sur 30 titres de rubrique, 22 sont en anglais ! Pourquoi diable ? Et comment veut-on que les jeunes Français maîtrisent le français dans ces conditions et s’approprient la culture de leur pays de naissance ou d’adoption ?

Les musiciens eux-mêmes abusent de break, riff, jack

On connaît et on raille facilement la langue approximative employée par les sportifs dans leurs entretiens avec les journalistes et lors de leurs « conférences de presse ». Il n’est pas donné à tout le monde de causer comme Voltaire ou Chateaubriand ; mais pourquoi parsèment-ils leurs interventions de termes comme staff, coach, performer (au sens de réussir une performance)… ?

Une expérience éprouvante commence chaque fois que l’on ouvre les posts (pourquoi ne pas dire « billet » ou « message » ?) du réseau professionnel LinkedIn : pas un qui ne comporte quelques mots d’anglais (quand il n’est pas rédigé directement dans ce sabir). Et c’est sans compter sur les titres et fonctions que s’attribuent les auteurs : systématiquement en anglais. La guirlande de messages et de « faire suivre » est rapidement illisible. Cela mérite une compilation, à laquelle je consacrerai un billet du blogue un de ces jours.

Je suppose que c’est pareil dans Facebook… À quoi rêvent les jeunes filles ? On s’en fiche aujourd’hui… Mais comment causent-elles ? On le sait : franglais !

Que faire ?

Pour moi, une première mesure s’impose, qui s’apparente à une désintoxication et une réappropriation : interdire l’affichage de termes anglais sur la place publique (affiches, enseignes, publicité télévisuelle, etc.) et interdire les noms de baptême en anglais pour les sociétés et les produits vendus en France. Cela forcera les cerveaux de nos créatifs à réinvestir le champ lexical français.

Deuxième mesure : que l’Académie, au lieu de se cantonner aux lamentations et aux signaux d’alerte, agisse de façon positive et anticipatrice : diffusion rapide de termes équivalents en français pour chaque nouveau terme américain qui apparaît, émission régulière sur les chaînes du service public de l’audiovisuel.

Troisième mesure : sensibiliser les apprentis-enseignants à la question du franglais envahissant. Qu’ils apprennent à dire calendrier et non pas agendaou planning, au lieu de s’obstiner sur les majuscules sans accent (ce qui aujourd’hui, n’a plus de sens, vu que les outils bureautiques les intègrent).

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