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13/12/2023

"Ciné-club" (François Sauvay) : critique III

Ami lecteur, tu aimerais sans doute que je t’indique les histoires que j’ai préférées dans « Ciné-club » ? 

Franchement, on a un peu de mal à se mettre dans le livre parce que la première histoire parle de prestidigitation, de Meliès, du théâtre Robert Houdin, des studios Electrix à Marly le Roi (sic), d’un film en DVD, vrai ou faux... On ne voit pas où tout cela mène. Mais, a posteriori, n’est-ce pas une métaphore de ce qu’est le cinéma, qui nous fait croire à des réalités, alors qu’il ne montre que des images et ne nous raconte que des histoires inventées. Et après tout, commencer par l’illusion, et en France, berceau du cinéma, n’est-ce pas simple justice ? 

Dès l’entrée en scène de Verona Stanger, actrice à succès de Olympic Movies, ça y est, on est de l’autre côté (de l’Atlantique) et même en Californie. On ne sait pas qui raconte son histoire... Le lien, ténu, avec le prologue français, tient à ce « petit journaliste français » qui vient enquêter sur « La fidèle image », le grand succès cinématographique de Verona. Et déjà, il y a ce jeu de miroirs et de retours en arrière, qui retiendra notre attention jusqu’au bout. Qui est la vedette de ce chapitre ? Verona ou bien celui qu’elle a embauché comme homme à tout faire, une fois retirée des plateaux, et qui, lui-même, en vint à publier une « vie imaginaire » de Verona ? Ne disons rien de la chute de la nouvelle, digne de Stanilas-André Steeman ou de Maurice Leblanc (ah ! Raoul d’Andrésy...). 

Le chapitre « Le fils unique » voit entrer en scène le père de Renoncourt, conseiller de la production, qui chasse les bondieuseries et ne jure que par les Évangiles synoptiques (à savoir ceux de Matthieu, Marc et Luc, aux nombreuses similitudes, et que l’on peut donc considérer « ensemble », de façon synoptique). C’est là l’histoire d’un film considéré comme excellent qui ne sortit jamais sur les écrans et dont les copies furent détruites dans un incendie... 

« Le chemin du thé » introduit à la fois la revue « Ciné-club » et le cinéma japonais, à travers le journal de l’assistant du réalisateur Fukima. Peu intéressant, sauf pour les passionnés de cinéma... donc très crédible : un vrai faux-journal ! J’ai bien aimé la poésie toute japonaise de la fin (bon, je ne connais pas la poésie japonaise mais c’est comme cela que je la vois quand je pense aux cerisiers et au Fuji-Yama...) : « Bientôt la nouvelle année, et avec elle de nouvelles promesses. Des flocons de neige épars volettent dans l’air. Je me suis assis sur les marches du sanctuaire, avec mon carnet et mon crayon. Tout à l’heure, nous filmerons des pans de montagne blanche, des cerisiers nus, la silhouette de dentelle givrée des temples. Je respire l’air glacé comme un antidote. Je me demande si je poursuivrai ce journal ». 

Le « Casque colonial » est l’une des nouvelles les plus longues. Elle permet à notre auteur d’imaginer un scénario de film aux rebondissements innombrables et aux scènes pittoresques (en Afrique, où la belle Natacha, qui rejoint son mari, croise sur le bateau le jeune et séduisant Sainty). Ce scénario en fait est celui du film « Le Casque colonial », exhumé par hasard et attribué au réalisateur disparu Stanley Foster. L’intrigue amoureuse repose très classiquement sur des billets doux (et plus que ça !) perdus et retrouvés mais qui n’arrivent pas à destination au bon moment. En passant, décernons la mention « très passable » à la phrase « Pourquoi Foster aurait-il été tourné un film en Afrique ? », alors que l’on préfèrerait lire « Pourquoi Foster serait-il allé tourner un film en Afrique » (deux fautes : un passif hors de propos et un participe passé itou). Cela étant, quelle virtuosité dans le pastiche et quelle imagination ! 

La nouvelle « Judas », qui traite du film « L’encre et la poudre » porte au paroxysme le jeu des miroirs, des retours en arrière, des enchevêtrements entre réalité et cinéma (sachant que la réalité en question est elle-même inventée par notre auteur !), au point que l’on doit parfois revenir en arrière pour s’y retrouver dans la chronologie et les patronymes ! Quant au metteur en scène, il se découvre subitement dans l’un des personnages imaginés par son scénariste, et pas le plus aimable.

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