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23/03/2020

Les mots du corona III

Il y a ceux qu'aucun événement ne semble pouvoir faire changer : Nicolas Demorand sur France Inter, par exemple, qui continue à utiliser podcast et podcaster, alors même que l'on ne sait plus très bien ce qu'était un "pod". C'est un défi à René Étiemble !

Et les innombrables "posts" des réseaux sociaux qui usent et abusent du franglais : "délivrer le service" et "assurer le support" par exemple sur LinkedIn...

Sur les chaînes d'information en continu, les spécialistes du monde médical se succèdent, parlent et répondent aux questions inquiètes des journalistes. Un professeur de virologie se présente comme appartenant à "Sorbonne Université", alors que l'Université de la Sorbonne est connue et renommée sous ce nom depuis le Moyen-Âge ! (Cnews, 14 mars 2020).

En passant, un mea culpa : j'ai fait la guerre au mot "drastique" que je croyais franglais et que je remplaçais mentalement par "draconien"... À tort ! Car "drastique" vient du grec drastikos, qui signifie énergique. Mon petit Larousse illustré de 1991 en donne la définition suivante : très rigoureux, draconien (sic !). Et pour "draconien", il dit : du grec Dracon, législateur, d'une rigueur excessive. Donc si l'on suit le Larousse, les mesures de confinement seraient "draconiennes" car imposée par une autorité légale, tandis que, pour économiser la nourriture, on s'imposerait un régime drastique ?

Dans les médias, il y a aussi les inévitables bien-pensants et tourneurs autour du pot. Par exemple, sur Cnews encore, le 14 mars 2020, Mme Najeate Belahcen, qui nous parle de "personnes allophones", pour ne pas prononcer le mot "étrangers" (peur panique de stigmatiser, sans doute) et "d'enfants en situation de handicap" pour ne pas dire "handicapés", "autistes" ou autres, ce qui serait plus clair.

Ah, j'oubliais : "allophone" désigne ceux dont la langue maternelle n'est pas le français (on en entend beaucoup dans le Transilien, en particulier, qui sont au téléphone et que l'on ne comprend pas).

 

16/03/2020

Sous l'actualité, le franglais

En ce début mars de l’an 2020, l’actualité nous apporte, avec les jours plus longs, les premières couleurs sur la végétation et bientôt les pollens, la créativité débridée de certains en ce qui concerne le vocabulaire.

Les trois exemples qui suivent ont été glanés sur France Inter, aux heures de grande écoute.

Préférant oublier la désastreuse soirée de remise des Césars (et on la remercie), la critique de cinéma de la radio nous incite à aller voir à la Cinémathèque des films restaurés (très bien…) et s’enthousiasme pour le making of.

Une journaliste signalant qu’une évolution du congé parental serait à l’étude par le Gouvernement, évoque un parental act possible ! (France Inter, 4 mars 2020, 8 h 15).

Enfin, dans un reportage sur la production à marche forcée de gel alcoolique pour enrayer l’épidémie de coronavirus, un journaliste constate : « La chaîne fonctionne H24 » (au lieu de « 24 heures sur 24 »). (France Inter, 4 mars 2020, 13 h 10).

Quand au site « La fourchette », il devient The fork… et le fait savoir.

Where do we go ?

14/03/2020

Les mots du corona II

La diffusion du virus s’accompagne-t-elle d’une flambée du franglais et des fautes de français ? Bien sûr que non… encore que… !

Voici M. J.-M. Le Guen, conseiller de Paris, qui emploie le mot containmentdans une envolée ayant pour but de dire tout le bien qu’il pense de la stratégie gouvernementale en matière de lutte anti-virale ; sans doute voulait-il parler du confinement ? (C News, 10 mars 2020). Bizarre comme « confusion volontaire », alors que le mot confinement est largement présent dans les médias et n’avait jusqu’à maintenant jamais fait l’objet d’une franglisation… Il y a sans doute une loi cachée : plus un discours est banal, obscur ou peu convaincant, plus les mots anglais se bousculent dans l’esprit du locuteur. Peut-être est-ce un effet du trac, à ranger dans la même catégorie que l’omniprésent « du coup » (au lieu de « de ce fait » ou de « en conséquence de quoi »)…

Voici (« le vent qui se lève et gémit dans le vallon… ») le Président du Comité d’éthique qui reconnaît que ce fut une erreur de ne pas prendre on boardles médecins généralistes dans la lute contre l’épidémie, pour dire qu’il aurait fallu les mettre à contribution ou les « embarquer » dans l’aventure.

Voici M. Emmanuel Macron qui, relatant les piètres résultats de sa vidéo-conférence avec ses homologues européens du 10 mars 2020, déclare sur un ton martial que « l’enjeu, c’est les masques ; l’enjeu, c’est les gels hydro-alcooliques ». Quel contresens ! Un masque ou un gel, dans le contexte d’une épidémie, ne peuvent pas être des enjeux ! Tout au plus sont-ce des moyens, des outils, des protections, des accessoires importants, etc. Un enjeu, c’est à un autre niveau ! L’enjeu, c’est ce qui est en jeu ; c’est ce qui va se produire ou non si l’on ne fait rien. Donc, dans les efforts actuels pour maîtriser l’épidémie, l’enjeu, c’est tout simplement la santé des Français ! Rien de moins.

Le Président de la République n’est pas le seul à utiliser n’importe comment le mot « enjeu », à la place d’objet, d’objectif, de moyen… Et pour la même raison que tout le monde : le souci de donner du poids à son discours, d’en rajouter par rapport à une langue déjà emphatique et prétentieuse, de dramatiser le propos, de « faire spécialiste » et de faire sérieux.