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28/04/2020

Les mots de la macronie I

L’inventaire a déjà été fait, exhaustif ou non. Michel Onfray, par exemple, en est friand, lui qui manifestement déteste M. Macron (voir sa chaîne michelonfray.com, par abonnement, 50 € par an). On connaît donc : un pognon de dingue, les gens qui ne sont rien, les premiers de cordée (les éditorialistes parlent maintenant avec humour des « premiers de corvée »), la start up nation, la rue qu’il suffit de traverser pour trouver un emploi (du temps où l’on pouvait traverser les rues…), les Gaulois réfractaires, les illettrés, etc. Tout un ramassis de qualificatifs désobligeants, arrogants, vexatoires, au motif d’accélérer l’avènement promis en un certain jour de mai 2017, d’un nouveau monde ! Que tout cela nous apparaît lointain aujourd’hui, et dérisoire…

Le taulier en chef, rallié à la macronie, Édouard Philippe a prononcé dix fois cette formule fréquente dans la bouche des politiques : « C’est la raison pour laquelle », au lieu de dire « C’est pour cette raison ») dans son point de presse sur LCI le 2 avril 2020. Tic de langage...

Les journalistes ne sont pas indemnes du virus de « néologisation à tout crin », loin de là. Ils aiment particulièrement le mot, assez ridicule selon moi, « calinothérapie ». Tout terme à consonance anglaise les ravit, par exemple coronabonds, qui ne sont que des obligations, terme parfaitement connu et compris de tous depuis des lustres.

Pendant ce temps-là, l’anglomanie continue ses ravages dans nos campagnes, là où il y a pourtant très peu de virus. J’ai lu dans Marianne qu’une communauté de communes du Sud s’était baptisée « Ouest Aveyron Communauté ». « Indécrottables » a-t-on envie de crier...

Bien que les macronistes n’y soient pour rien là non plus, on constate l’ignorance généralisée de la valeur des prépositions de lieu comme « où », voir par exemple :« où elle est splendide dedans ». Même ignorance sur le rôle du « y », la plupart du temps affublé d’un qualificatif de lieu qu’en fait il remplace. Pléonasme généralisé !

20/04/2020

Les mots du corona VII

La semaine dernière, j’ai encore fait dans les médias ma moisson de termes franglais liés à l’épidémie. Tiens, à propos du virus, commençons par sa dénomination. On a d’abord eu droit à « coronavirus ». Ce nom, qui s’avérera provisoire, était le premier résultat scientifique dans un océan d’incertitudes : on le rattachait à une famille. Ouf, au moins un élément connu ! Ce nom, outre qu’il ne désignait pas précisément « notre » virus, était long à prononcer. On nous a ensuite parlé de « Covid-19 », un vrai nom de baptême. Et plus ou moins à la même date, on a vu apparaître, sans doute pour les initiés, le terme « SRAS-Cov-2 », création de l’OMS ; ça n’a pas pris pour l’instant… Mais comme dirait l’autre – celui de la Peste – mal nommer les choses, c’est ajouter à la misère du monde. En tous cas, trois qualificatifs pour le même virus, c’est deux de trop. Je pense encore une fois à Lennon et Mac Cartney : « Her name was Magill, and she called herself Lil. But everyone knew her as Nancy ».

À part ça, j’ai entendu sur la chaîne Cnews, le 30 mars 2020, l’expression « test drive » pour désigner ces endroits futurs (et futuristes) où l’on pourra se faire tester sans descendre de voiture, dans la mesure où l’on adore déjà prendre livraison de ses emplettes de cette façon. Le modèle américain avec un peu de sauce sud-coréenne, que demander de plus ?

J’ai déjà parlé du tracking, qui a de beaux jours devant lui.

On a appris, malheureusement, le mot « comorbidité » et c’est hors sujet de ce billet, puisque ni franglais ni incorrect ni saugrenu. Passons…

Les journalistes et chroniqueurs qui commentent des courbes aiment utiliser le mot anglais (d’origine latine sans doute, comme fac simile…) versus, pour indiquer qu’un phénomène varie en fonction d’un autre ou bien que l’on hésite entre les deux branches d’une alternative.

La langue est régulièrement martyrisée sur les plateaux télé, sans que le franglais en soit forcément responsable. L’une des approximations le plus agaçantes est l’emploi de prépositions incorrectes après certains verbes. Ainsi la phrase entendue le 27 mars 2020, à 19 h 30, par la bouche du Porte-parole du Ministère de l’Intérieur : « Les masques FFP2 sont réservés pour les soignants » (au lieu de « aux soignants »).

Jai gardé le meilleur pour la fin. Dans une chronique tout à fait anodine quant à la langue employée, le très policé Yaël Goosz s’est soudain permis cette horreur : « Le Covid est un game changer ». C’était sur France Inter le 17 avril 2020, à 7 h 40. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour prouver sa compatibilité avec le chantre de la start up nation !

16/04/2020

Irritations linguistiques LXV : no sport ?

Montre-moi tes muscles et ta souplesse, je te dirai quelle langue tu parles ! Pendant que nos Académiciens s’émeuvent auprès des Pouvoirs publics de ce que la loi Toubon est contournée ou bafouée tous les jours par l’Administration (et les entreprises publiques), le privé s’en donne à cœur joie. Exemples déplorables dans un centre de maintien en forme (qu’ils appellent « de fitness ») du grand Ouest parisien.

Voici ce qu’on lit dans son planning 2020 en fait de cours de gymnastique : b-board boost, fast bike, bodywork, aqua’dynamic, bodycontrol, hilo (high-low) / step, stretch (étirements), hatha yoga, aquatraining, aqua’jump, hiit, street jazz, aqua’boxing, zumba, aqua’power, gym balance, fit punch, postural ballbody barre, cross training, board & mind, rubberband (élastiques ?), step, boxing (boxe ?), core / internal training, fit bike. Au total, pas moins de 26 termes anglais (et abscons, évidemment), sans compter les abréviations indéchiffrables (fac, trx) ! On a du mal à trouver quelques termes français : abdos-fessiers, méditation, sophrologie, relaxation, barre au sol, soit 15 % environ.

De qui se moque-t-on ? Les organisateurs et animateurs de gym pensent-ils accrocher une touche de modernisme et de sophistication à leur discipline en les affublant de noms anglais ? Ou sont-ils simplement si paresseux et peu créatifs qu’ils importent tous leurs exercices d’outre-Atlantique, noms de baptême inclus ?

On dit souvent que les joueurs de football ont du mal à s’exprimer, qu’ils parlent mal français. Cela ne les empêche pas d’être talentueux ni sympathiques ni généreux. Ainsi du jeune prodige Kylian M’Bappé, qui vient de créer, à vingt et un ans seulement, une fondation pour aider 98 jeunes jusqu’à l’âge adulte. Bravo, même si les fondations semblent pousser autour des gens fortunés comme les champignons après la pluie ; mais comment la baptise-t-il ? Inspired by KM ! De nos jours, en France, une fondation (qui bénéficiera sans doute d’avantages du système fiscal français) créée par un Français, qui doit sa carrière au monde sportif français (même s’il l’eût obtenue pareillement dans un autre pays européen) et sa fortune au public français, et qui se destine à aider de jeunes Français, est baptisée d’un nom anglais ! Qui peut comprendre cela ?

Ce n’est pas tout dans le monde merveilleux du sport hexagonal ! Importé des États-Unis (évidemment), une nouvelle discipline a fait son apparition chez nous et va être autorisée à organiser des combats : le MMA, à savoir le mixed martial art. Selon l’article de Bruno Rieth dans le Marianne du 29 novembre 2019, ce mélange de plusieurs techniques (karaté, jiu-jitsu brésilien, kung fu, pancrace, vale tudo, lutte, boxe, kick-boxing, self defense) est né en 1993 et a longtemps été considéré comme du free fight (sic). Même pas peur… de ne pas traduire !

C'est bien Winston Churchill qui professait : no sport ?