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14/03/2020

Les mots du corona II

La diffusion du virus s’accompagne-t-elle d’une flambée du franglais et des fautes de français ? Bien sûr que non… encore que… !

Voici M. J.-M. Le Guen, conseiller de Paris, qui emploie le mot containmentdans une envolée ayant pour but de dire tout le bien qu’il pense de la stratégie gouvernementale en matière de lutte anti-virale ; sans doute voulait-il parler du confinement ? (C News, 10 mars 2020). Bizarre comme « confusion volontaire », alors que le mot confinement est largement présent dans les médias et n’avait jusqu’à maintenant jamais fait l’objet d’une franglisation… Il y a sans doute une loi cachée : plus un discours est banal, obscur ou peu convaincant, plus les mots anglais se bousculent dans l’esprit du locuteur. Peut-être est-ce un effet du trac, à ranger dans la même catégorie que l’omniprésent « du coup » (au lieu de « de ce fait » ou de « en conséquence de quoi »)…

Voici (« le vent qui se lève et gémit dans le vallon… ») le Président du Comité d’éthique qui reconnaît que ce fut une erreur de ne pas prendre on boardles médecins généralistes dans la lute contre l’épidémie, pour dire qu’il aurait fallu les mettre à contribution ou les « embarquer » dans l’aventure.

Voici M. Emmanuel Macron qui, relatant les piètres résultats de sa vidéo-conférence avec ses homologues européens du 10 mars 2020, déclare sur un ton martial que « l’enjeu, c’est les masques ; l’enjeu, c’est les gels hydro-alcooliques ». Quel contresens ! Un masque ou un gel, dans le contexte d’une épidémie, ne peuvent pas être des enjeux ! Tout au plus sont-ce des moyens, des outils, des protections, des accessoires importants, etc. Un enjeu, c’est à un autre niveau ! L’enjeu, c’est ce qui est en jeu ; c’est ce qui va se produire ou non si l’on ne fait rien. Donc, dans les efforts actuels pour maîtriser l’épidémie, l’enjeu, c’est tout simplement la santé des Français ! Rien de moins.

Le Président de la République n’est pas le seul à utiliser n’importe comment le mot « enjeu », à la place d’objet, d’objectif, de moyen… Et pour la même raison que tout le monde : le souci de donner du poids à son discours, d’en rajouter par rapport à une langue déjà emphatique et prétentieuse, de dramatiser le propos, de « faire spécialiste » et de faire sérieux.

09/03/2020

Les mots du corona I

Chaque événement, chaque découverte, chaque mode, chaque nouveauté en bref, nous apporte son lot de néologismes (ce qui est bien normal) et de franglicismes (ce qui est la plupart du temps injustifié et nuisible à la clarté des choses).

L’épidémie de coronavirus n’échappe pas à la règle…

Pourquoi donc l’excellent Directeur général de la santé, M. Jérôme Salomon, s’obstine-t-il à parler, lors de chacune de ses interventions télévisées, de cluster pour désigner les groupes de personnes atteintes dans une région par le virus ? Mystère ! On connaissait le mot cluster en informatique, c’était déjà pénible mais c’était « confiné » (!) aux échanges entre spécialistes des serveurs et des réseaux. Pourquoi diable l’importer dans le domaine de la santé et de la vulgarisation médicale qui plus est ?

C’est tellement saugrenu et peu compréhensible que les journalistes eux-mêmes, qui ont pourtant un tropisme avéré pour le franglais – et même un brevet supérieur de franglais pour certains d’entre eux – le traduisent systématiquement par « foyer », terme explicite et imagé, facile à comprendre !

Mais il n’y a pas que les mauvaises nouvelles habituelles (sur le front de la langue). Le même Directeur général fait référence, pour ses statistiques de suivi de l’épidémie, à l’organisme « Santé publique France », dont l’intitulé obéit – pour une fois, c’est plutôt rare – aux règles de la syntaxe française : le déterminé d’abord, le déterminant ensuite. Cela nous change de l'insupportable France Télécom (à l’époque, ils auraient dû choisir Télécom France ou alors, tout honte bue, French Telecom ; les Allemands avaient été moins ignorants avec leur Deutsche Telekom !).

05/03/2020

Irritations linguistiques LXIV

Au nombre des irritations linguistiques (quotidiennes en l’occurrence), il y a bien sûr – comment n’y ai-je pas pensé plus tôt – l’horrible « un espèce de rideau », au lieu de « une espèce de rideau ». On peut d’ailleurs se demander comment, dans cette société que d’aucuns qualifient de « féminisée », dans un sens péjoratif, tandis que d’autres réclament à corps et à cris, surtout à cris, la transformation de l’orthographe et de la syntaxe pour mettre le féminin en avant, le mot « espèce » a bien pu perdre le « e » absolument déterminant de son genre.

Tiens, à propos des demandes hystériques de féminisation, citons cette brève de Marianne (6 décembre 2019) qui, sous le titre « Olympe de Gourdes » raille Rebecca Amsellem qui a lancé une pétition pour dénoncer le logo soi-disant « hypersexualisé » des JO 2024 à Paris. Ne pensent-elles qu’à ça ?

Sophie Marceau (Elle).jpg

Les mêmes ou d’autres ont lancé une plateforme numérique pour suggérer des noms féminins pour les futures stations de métro du Grand Paris. Les noms en question devraient être ceux de « femmes inspirantes ». Pourquoi pas, en effet ?

Complètement différent est le cas de « pas de souci » : ici pas d’incorrection mais simplement un « tic verbal » qui, à force d’être rabâché et entendu ad nauseam, est vraiment horripilant, d’autant que, sur le fond, cette expression semble manifester une bonne humeur et une disponibilité totale qui ne peuvent pas être constamment sincères…

Je terminerai ce billet par le sempiternel « celles et ceux », qui n’est malheureusement pas l’apanage de l’actuel Président de la République française, qui en use et abuse, il est vrai, mais que chaque homme politique semble considérer comme une expression incontournable propre à montrer son engagement dans la quête de l’égalité entre les hommes et les femmes.