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23/01/2015

Dis pas ci, dis pas ça (XVII)

J’hésite à vous reparler de « pallier ». Le livre de l’Académie ne dénonce que son emploi incorrect sous forme intransitive : « Pallier aux défaillances » au lieu de « Pallier les défaillances ». Cette erreur, fréquente, est étonnante parce que la tendance, sous l’influence de l’anglais, est à la simplification, au gommage des aspérités du français ; or transformer un verbe transitif en un verbe intransitif est plutôt se compliquer la vie… Cela vient sûrement d’une confusion avec d’autres verbes comme « remédier (à) ». Or « pallier » vient du latin « palliare » qui signifiait « couvrir d’un pallium (un manteau) », c’est-à-dire dissimuler.

Mais il ne mentionne pas la faute d’orthographe, bien plus fréquente, qui fait écrire le verbe « pallier », comme le « palier » d’un immeuble… Agaçant.

Au lycée, on nous interdisait d’écrire « par contre ». L’Académie indique que cette interdiction vient de Littré, qui lui-même s’était rangé à l’avis de Voltaire… Mais de nombreux excellents écrivains ont utilisé « par contre ». Et André Gide faisait remarquer que si une femme disait « Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la guerre ; en revanche, j’y ai perdu mes deux fils », cela choquerait… Et tout cela pour éviter d’utiliser « par contre »… La règle est donc d’employer un autre adverbe (« en revanche ») chaque fois que c’est possible et que cela ne conduit pas à une ambiguïté.

Plus subtil : le nom « Personnel » est un pluriel ! Car c’est un nom collectif qui désigne un ensemble d’individus. Il est donc fautif de dire « L’ensemble des personnels de la tour W. » ; c’est tout simplement « L’ensemble du personnel », voire « Le personnel de la tour W. ». Évidemment, s’il y a deux ou plusieurs catégories distinctes d’individus, on écrira « Les personnels civil et militaire des armées ».

Il y a encore quelques mots à revoir à la lettre P mais comme ce sont, selon moi, des pépites, je les garde pour un prochain billet (ce qui ne veut pas forcément dire, le suivant !).

21/01/2015

Dis pas ci, dis pas ça (XVI)

À la lettre O, l’Académie fait du Francis Blanche sans le savoir.

Petit rappel pour les plus jeunes : dans les années 60, les humoristes pataphysiciens Francis Blanche et Pierre Dac avaient fait se plier de rire la France entière avec leur feuilleton radiophonique « Signé Furax », série avant la lettre, déjantée et surréaliste à souhait, dans laquelle des envahisseurs prononçaient de travers l’adverbe « indubitablement » : « indibutablement ».

Beaucoup plus tard, on a entendu des gens dire « rénumérer » au lieu de « rémunérer », de la dyslexie sans doute…

Nos Académiciens, eux, ont entendu « omnibuler » au lieu de « obnubiler ». Qui donc connaît ce paronyme ?

La météo à regarder au fond.jpg

 

 

(la photo, c’est pour rappeler à tous que la météo, qui se termine par le son « Ooooh… », est un sujet à regarder au fond… des yeux).

 

 

 

Naturellement, on bannira de son langage l’horrible « opportunité » dans le sens de « occasion » ou de « possibilité » ! « Opportunité » en français est lié à « opportun » : l’opportunité d’une décision, c’est le fait qu’elle tombe bien, elle convenait au moment, au lieu ; elle a été prise à propos.

L’occasion, c’est autre chose ; c’est une circonstance particulière ; souvent opportune d’ailleurs, au sens où cela va nous favoriser : « c’est l’occasion ou jamais ».

20/01/2015

Dis pas ci, dis pas ça (XV)

Revenons au français recommandé par les Immortels.

À la lettre M, après le fameux « magistère » dont j’ai parlé dans un billet précédent, encore un truc bizarre : un article consacré au verbe « maturer » mais rien sur l’adjectif « mature ». Le livre de l’Académie prétend que « maturer » s’emploie, sous l’influence de l'anglais to mature, pour dire « mûrir », « croître », « se développer ». Ah bon ? moi, je ne l’ai jamais entendu. D’ailleurs, mon traitement de texte me le souligne en rouge… Peut-être que les Académiciens ont simplement répondu à une question posée sur le site internet… Et de rappeler que « maturer » ne doit s’employer que pour le tabac dans ses manufactures.

En revanche, j’entends souvent « ce sujet est maintenant mature », au lieu de, tout bêtement, « ce sujet est mûr ». Mais l’Académie n’en dit mot.

Addendum du 27 janvier 2015 : "mature" figure bien, dans le sens de "mûr", dans mon dictionnaire Hachette 1991 et dans mon Larousse de 1989, mais pas dans le Grand Larousse en deux volumes de 1921… C'est donc bien ce que me suggérait mon intuition : c'est un emprunt récent à l'anglais, inutile. Sans doute nos contemporains français, qui aimeraient qu'il y ait qu'un mot différent pour chaque chose et chaque concept, renâclent-ils à qualifier une personne de la même façon qu'une poire. D'autant, que pour les poires, la différence entre "mûr" et "blet" est ténue !

 

La météo en mini-jupe.jpgAttention à « météo » qui est employé de plus en plus à la place de « le temps qu’il fait ». En fait, de plus en plus de personnes, quand elles disent « regarde donc la météo » ne veulent pas qu’on regarde par la fenêtre le temps qu’il fait mais qu’on regarde un bulletin météorologique sur internet ! La confusion n’est donc peut-être pas là où l’on croit. Et « météo » remplace neuf fois sur dix « météorologique » parce que ce dernier est long, multisyllabique et surtout comporte plusieurs « o » à la suite, ce que G. Grente proscrit (cf. mon billet du 7 janvier 2015 sur l’harmonie du style). Dans le cas d’espèce, on n’y peut rien.

Et puis la météo, c'est tellement agréable à regarder... 

Nous l’avons déjà dit : la négation est marquée par « ne » et non pas par les « pas », « guère », « point », « mie », « goutte », qui l’accompagnent. Il faut donc éviter absolument des phrases comme « J’y vais pas » ou « Je sais pas ». Mais n’est-il pas déjà trop tard, ne serait-ce qu’à cause des textos qui incitent à aller vite ? Les Espagnols, eux, ont no se.

Lié à cela, il y a l’expression incorrecte « S’est-il décidé ou pas ? ». Il faut dire « S’est-il décidé ou non ? ». Et j’ajouterai ceci, plus ou moins issu de la logique mathématique : « ne » et « ou » font « ni » (négation d’une conjonction).

Est-il utile de rappeler qu’utiliser news (« t’as des news ? ») n’a aucun intérêt car nous avons « des informations » ou « de l’info » ? En revanche, il n’est peut-être  pas inutile de rappeler que news est du singulier en anglais…

Mais, au fait, j’ai déjà rendu compte de la lettre N le 25 décembre 2014, comme il se doit, le jour de Noël ; et vous ne me disiez rien !

C’est à croire que personne ne suit…

En tous cas, suiveurs ou pas, vous avez été 104 hier à visiter le blogue.

Merci à tous.