09/02/2015
Dis pas ci, dis pas ça (XXIV)
Au mot « sublimer », vous constatez donc que l’on arrive à la lettre S, l’Académie nous livre cette tirade que je recopie, ne sachant pas comment faire mieux : « Les mots perdent leur force s’ils sont mal employés. La publicité recourt volontiers à l’emphase et donne ainsi l’impression de n’avoir pas confiance dans les mots ordinaires, à moins que ce ne soit dans les produits qu’elle vante et qu’elle se croit obligée de parer des plumes du paon ». Tout est dit ; c’est la subversion made in Quai Conti.
J’adore les nuances et les connotations. Le français est idéal pour cela. Voyons les deux phrases suivantes :
« C’est le plus jeune conseiller qui a été élu maire » (la relative est à l’indicatif) et « C’est le plus jeune conseiller qui ait été élu maire » (la relative est au subjonctif). Dans la première, on constate que c’est le plus jeune qui a été élu ; dans la seconde, on souligne qu’on n’a jamais élu un conseiller plus jeune comme maire.
Le subjonctif dans la phrase relative, d’une façon générale, sert à indiquer la virtualité, la réalisation non certaine : « Connaissez-vous quelqu’un qui puisse m’aider ? » et a contrario « Je connais quelqu’un qui peut vous aider ».
Dans la correspondance, on écrira « pour faire suite à » lorsqu’on se réfère à une lettre qu’on a écrite soi-même antérieurement ; et on écrira « en réponse à » dans les autres cas.
« Je reviens de suite » n’a pas de sens car « de suite » signifie « l’un après l’autre ». On dira « Je reviens tout de suite ».
07:30 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
06/02/2015
L'art de la préposition (I)
L'art de la préposition se perd...
C'est surtout que les confusions sont permanentes. Je ne reviens pas sur l'omniprésent "Samedi, je viens sur Paris". Car le langage courant multiplie à plaisir l'emploi des mauvaises prépositions. Par exemple, entendu ce matin à la radio : "Votre étude va aboutir sur la révision de…", au lieu de "va aboutir à la révision de…". Je pense que c'est à cause de la confusion avec "déboucher sur".
On a eu une collègue, GD, qui s'était spécialisée, involontairement, dans ces confusions… Mais chez elle, cela concernait surtout les proverbes et expressions toutes faites. C'en était cocasse. ICB avait rempli un cahier de ces perles, qu'elle m'a confié en débarquant du projet. Je vais vous en faire profiter un de ces matins. GD, si jamais tu me lis, ne m'en veux pas ! C'est seulement pour rire un peu (et non pas "juste pour rire"). Et de toutes façons, peu de gens, à part ICB et moi, savent qui tu es et a contrario savent quelle "perle" tu étais...
Lu dans le Journal de Michel Crépu, dont j'aurai l'occasion de reparler : "Comme si le roman venait exploser le cadre philosophico-religieux, où Dostoïevski s'obstine à faire tenir sa conception de la Russie". Comme je le répète à mes étudiants : "exploser" est un verbe dangereux mais transitif. Mais il y a pire, venant d'un Directeur de la Revue des Deux Mondes : cette façon de remplacer la construction "dans lequel" par le banal "où".
Cela devient une manie : Pierre Rabhi, sur France Inter le 28 janvier 2015, avec Patrick Cohen : "un livre sur comment on peut faire évoluer l'agriculture…". Il lui suffisait de dire : "un livre sur la façon (ou sur une des façons) de faire évoluer l'agriculture".
Allez, ne nous morfondons pas ! Donnons la parole à cet agrobiologiste d'origine algérienne :
07:39 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (1)
05/02/2015
Dis pas ci, dis pas ça (XXIII)
Bizarrement, la « solution de continuité » est une rupture, une discontinuité. Car « solution », ici, vient de « destruction », « désagrégation » (aujourd’hui on dirait dissolution). Donc, une fissure est une solution de continuité dans un objet. Et si l’on dit que , dans une politique, il y a une solution de continuité, c’est qu’on y cherche en vain la continuité !
Cette possibilité de confusion me fait penser à une autre, d’un autre genre : celle qui est attachée au mot « modèle ». Les journalistes ont pris l’habitude de nous rebattre les oreilles avec le « modèle français », le « modèle anglo-saxon », le « modèle d’affaire » (business model), le « modèle économique ». Un jour l’un de mes amis, qui n’est pas lecteur de ce blogue, hélas pour lui, excédé par le « modèle français » entendu à la radio, m’a dit : « On se trompe complètement ; la France n’est pas un modèle, loin de là ; on est à la traine sur quantité de sujets ! ». C’est que la nouvelle acception du mot « modèle » signifie mécanisme, organisation de fonctionnement, dispositif, ensemble de règles, etc. et n’a rien à voir avec le fait d’être exemplaire.
J’aurais dû parler des vœux avant fin janvier… j’arrive trop tard. Mais c’est la faute à la lettre S, qui n’arrive qu’après R et Q.
Un vœu est, concernant la cérémonie de début d’année, un souhait. On ne peut donc pas souhaiter ses vœux ! On présente ses vœux à son patron et on lui souhaite le meilleur, la réussite, le rebond de l’action, un résultat largement positif, etc.
Comme ça fait longtemps que je n’ai pas pesté contre le franglais, eh bien, je vais me rattraper. La génération Y aime bien « speeder », « se speeder », « être speed ». Rappelons simplement (et non pas « juste ») qu’en français, nous disposons de « se presser », « se dépêcher », « s’empresser », « grouiller » ou « foncer » si l’on veut s’approcher de l’argot, « faire diligence » si l’on veut faire élégant ou suranné…
07:30 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)