08/03/2015
I font pas dans la dentelle
Le monde de la mode et du luxe est, comme d’autres, drogué au franglais. Voici par exemple la publicité que je viens de voir ; pas besoin que je vous fasse la liste des mots anglais, elle parle d’elle-même :
et ils ont le culot de conclure par « savoir-faire français » !
Marianne, dans son numéro du 27 février 2015, décerne un bonnet d’âne à Peugeot, en citant Le Parisien qui indiquait que le plan de reconquête mis au point par la direction de PSA portait le « joli nom » de Back in the race et qui précisait entre parenthèses : « de retour dans la course en anglais »… Non, corrige Marianne, « de retour dans la course », c’est la traduction française d’une expression anglaise choisie par un groupe dont la direction française pense mondialisation à l’anglo-saxonne. Et j’ajoute : « avant de la penser à la chinoise ? ».
À la station Jacques-Henri Lartigue du tramway T2, j’ai vu l’autre fois l’enseigne improbable d’une « pizzerie »… Quel est donc ce personnage iconoclaste et lucide qui a francisé le nom de son restaurant ? Je lui dis bravo, tout en faisant remarquer que ce n’est pas l’italien aujourd’hui, n’en déplaise à Henriette Walter, qui menace l’intégrité du français, mais bien l’anglais. Et la dernière fois que j’ai vu un sursaut de cet ordre dans le domaine du commerce, c’était la disparition de l’horrible garden center au profit du joli « jardinerie ». Vive les Italiens, les pizzaïolo et les jardiniers !
Le domaine musical n’est pas plus vertueux ; non content d’avoir adopté l’insipide dénomination des notes et accords à l’anglo-saxonne (C, D, E… 5b pour quinte diminuée, etc.), il use et abuse des background vocals, riffs et autres chorus. Les piano et moderato résistent encore, pour combien de temps ? Les musiciens, par ailleurs, parlent aussi mal que leurs congénères. J’ai par exemple entendu un professeur de saxophone dire : « un morceau où y a pas de soufflant dedans », au lieu de « dans lequel il n’y a pas de soufflant ».
07:30 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
05/03/2015
Délivrez-nous du mal (financier)
Une association d’idées, très libre, me fait passer de Julien Green, évoqué dans le billet d’hier et obnubilé par la question du bien et du mal, à la finance…
On peut y voir une préoccupation morale, voire politique…
En l’occurrence, c’est encore une fois une question linguistique !
Les langages spécialisés (langue des métiers, des marins aux maçons, en passant par les ébénistes) ont leur légitimité et leur importance car des concepts et des gestes spécialisés réclament des mots spécialisés. Malheureusement, il n’y a même pas besoin que ces métiers s’étiolent pour que leur langue propre disparaisse ; on préfère généralement utiliser un vocabulaire impropre, imprécis, faute de connaître les mots justes.
Mais la finance, il me semble, s’est distinguée par la manie d’utiliser des mots impropres pour nommer des phénomènes somme toute assez banals, la plupart du temps pour « sonner » anglais et donc faire prétendument plus savant.
J’ai déjà parlé du verbe « anticiper » ; en français, il signifie « prendre les devants », « préparer une action en imaginant ce qui va se passer » ; or les analystes et journalistes financiers l’utilisent dans le sens de « s’attendre à », « être quasiment sûr que ». Sans raison valable, me semble-t-il.
Autre exemple, tout aussi énervant, et qui a fait florès dans les fameux projets européens (Eureka, BRITE and co) : « délivrer », calque de l’anglais « deliver ».
Dans un entretien, Olivier Baduel (Médi-action) parle ainsi de « délivrer une performance supérieure à notre indice de référence… ».
Dans les projets, on s’échine aussi fréquemment à ne pas rater l’échéance des fameux deliverables…, quitte à les appeler « délivrables ». Dans le meilleur des cas, on parle de « livrables », au moins c’est concis. Mais « livraisons » existe depuis toujours !
Et à propos de finances, une pensée amicale et solidaire pour les Grecs...
07:30 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
01/03/2015
L'art de la préposition (II)
Je vous avais dit le 6 février dernier que l’art de la préposition se perdait (comme les claques d’ailleurs, dans certains cas, mais c’est une autre histoire…).
Maintenant que j’ai l’œil, mon oreille repère quantité d’aberrations. Il n’y a pas que les prépositions, il y a aussi l’accord approximatif des pronoms relatifs et interrogatifs. À la radio, je veux bien croire que les gens interrogés ont le trac et construisent leurs phrases au jugé ; on raille souvent les footballeurs mais il n’y a pas qu’eux (en fait, si, il y a la queue…).
Donc ce matin-là, 27 février 2015, qu’est-ce que j’entends sur France Inter (à France Inter ? dans France Inter ?) ?
Une dame nous explique que, dorénavant, on fabrique « une crème brûlée dans lequel on trouve une huile essentielle ». Tout cela pour dire que les arômes artificiels vont être remplacés par des extraits de plantes. La Drôme est montée dans ce train très « nature » et « bio ». (Après avoir fait une réclame éhontée pour les Yvelines, il est bien normal que je mette en valeur d’autres départements, avant qu’ils ne disparaissent).
À Paris, pas d’huile essentielle mais beaucoup d’hydrocarbures ; ou plus exactement, de résidus très peu naturels de combustion d’yceux. AirParif tire la sonnette d’alarme et s’étonne que les Pouvoirs publics ne fassent pas respecter la loi (NDLR : pas étonnant, il faudrait brusquer les acharnés de la bagnole et ceux qui ne veulent pas entendre parler d’hybride ni d’électrique, pas assez viriles…). Son directeur déclare ainsi, à une heure de (très) grande écoute : « L’ozone pose des problèmes sur la santé ».
Voilà, c’est assez pour un dimanche, non ?
07:30 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)