14/01/2016
Alain Mabanckou au Collège de France

Alain Mabanckou, romancier francophone, essayiste et enseignant en Californie, né en République du Congo, prix Renaudot 2006, vient d'être nommé, à 49 ans, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire de création artistique (les Arts incluant la littérature) pour l’année 2015-2016.
Cette chaire couvre un vaste domaine ; en voici les titulaires depuis 2005 :
- Tony Cragg - Les objets parlent (2013-2014)
- Karol Beffa - Musique : art, technique, savoir (2012-2013)
- Gilles Clément - Jardins, paysage et génie naturel (2011-2012)
- Anselm Kiefer - L'art survivra à ses ruines (2010-2011)
- Jacques Nichet - Le théâtre n'existe pas (2009-2010)
- Pierre-Laurent Aimard - Paramètres et dimensions de l’interprétation musicale (2008-2009)
- Pascal Dusapin - Composer : Musique, paradoxe, flux (2006-2007)
- Christian de Portzamparc - Architecture : figures du monde, figures du temps (2005-2006)
Le nouveau cours, intitulé « De la littérature coloniale à la littérature négro-africaine », commencera fin mars 2016. En voici le programme :
http://www.college-de-france.fr/media/alain-mabanckou/UPL...
J’ai déjà parlé de M. Mabanckou dans ce blogue ; relire le billet du 20 mai 2015 : http://lebienecrire.hautetfort.com/archive/2015/05/21/bra...
A. Mabanckou, formé à Brazzaville et à Paris (DEA de droit des affaires !), n'en est pas moins sévère avec la France, avec ses élites littéraires et avec sa (supposée) condescendance envers les autres littératures francophones.
Il dit aussi "Si vous voulez comprendre Paul Claudel, il est intéressant de lire les poèmes de Léopold Sédar Senghor" et souligne l'apport de l'univers de la littérature africaine (qu'il appelle "littérature négro-africaine") dans le concert de la mondialisation.
N'est-ce pas une belle illustration de la francophonie : des convictions, des revendications, des rancunes sans doute mais tellement de points communs (dont la liberté d'expression) entre francophones d’origine très diverses ?
Qui bene amat bene castigat !
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Écrivains, Francophonie, Littérature, Mabanckou Alain, Roman | Lien permanent | Commentaires (0)
11/01/2016
Comment peut-on être français ?
« Il n'y a qu'en France, ou aux États-Unis, que l'on croit que les « valeurs » conditionnent l'existence d'un peuple, alors que la langue, la culture ou la familiarité avec une région sont bien plus importantes.
À cet égard, il est insupportable que nous ayons à subir, à tout propos, le chantage inculte de Manuel Valls et consort sur les « valeurs de la République ».
Qui sont ces gens pour nous dire ce que nous devons être ? Ne savent-t-ils pas que la France a précédé la République et qu'on a été Français avant d'être républicain ? Les plus grands écrivains français, de Balzac à Saint-Exupéry en passant par Baudelaire et Giono, n'étaient pas républicains et leur renommée est néanmoins universelle.
Être Français n'est, ni plus ni moins valeureux qu'être Italien ou Américain, il n'y a pas lieu d'en avoir honte, ni d'en tirer une fierté déplacée. Je suis Français si mes parents le sont ou si je le suis devenu par la naturalisation ou le droit du sol, voilà pour la réalité effective, mais aussi si je me sens lié à ce pays et impliqué par lui, voilà pour la réalité affective. Ce lien peut être très incarné, l'amour des paysages de France ou plus cérébral, l'amour de la langue. Il peut être religieux ou historique. Mais ce qui compte avant tout est d'être concerné.
Or certains sont moins concernés par la France que consternés par ce qu'elle représente à leurs yeux. Ils sont les citoyens d'un pays qu'ils n'aiment plus et que parfois ils abhorrent. Mais après tout, nul n'est obligé d'être Français. Pourquoi ces gens ne renoncent-ils pas à une nationalité qui n'a pas de sens à leurs yeux ? Ce n'est pas que ces gens soient contre la solidarité nationale ; au contraire, ils la réclament à cor et à cri, mais ce cri est utilitaire, voire alimentaire.
Et puis il y a ces hexagonaux qui ne prisent plus un pays indigne d'eux. Eux sont universels ou citoyens du monde. La France est trop limitée pour ces esprits dont la pensée rayonne depuis New York à New Delhi. Mais pourquoi s'en soucient-ils autant alors ? Pourquoi ne renoncent-t-ils pas à vouloir que la France, qui ne les mérite décidément pas, leur ressemble ? Cette morgue étayée depuis tant d'années explique aussi le score massif du FN.
Face à cette situation dramatique les Français doivent renouer un lien affectif avec un pays, la France, qui n'est pas un territoire administratif ou une idéalité abstraite. C'est ce lien sensible qu'il faut assumer, sans chauvinisme ni haine de soi et qui n'implique nullement de tourner le dos à l'Europe ou au vaste monde. « Je ne serais pas plus homme pour être moins français » écrit Malraux.
Non la France n'appartient pas à tout le monde, contrairement à ce que prétend Danielle Mitterrand, mais à ceux qui s'en sentent les responsables parce qu'ils en sont les héritiers ».
C’est l’avis de Paul-François Paoli, chroniqueur littéraire au Figaro et essayiste (Article publié dans le Figaro Vox, le 16 décembre 2015). Son dernier essai « Quand la gauche agonise » paraîtra le 25 janvier 2016 aux Éditions du Rocher.
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Essais, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
07/01/2016
La fille avec des baskets… sans baskets
« Y a des matins où je pense à elle
Je réfléchis dans mon lit
Je finis toujours par me dire
Que même si elle est cinglée
C'est la fille la mieux que j'ai rencontrée.
Elle est tout entière, elle suit son instinct
Elle peut demain se jeter dans un lac
Ou se retrouver dans un hold-up
Mais s'il fallait la tirer d'n'importe où
Je crois bien que je serais au rendez-vous ».
Je l’aimais bien, Michel Delpech…
Ce chanteur populaire, souriant, aimable, qui a accompagné nos années 70, était un auteur de qualité ; ses textes étaient ciselés, sur des sujets de société et d’actualité qui nous concernaient tous et qu’il traitait sous l’angle approprié. Et il écrivait ses chansons en français, même quand il nous parlait de Dylan à l’Île de Wight.
On n’a pas dit assez, par ailleurs, que les compositeurs comme Roland Vincent avec qui il travaillait lui fournissaient de jolies mélodies entrainantes et bien orchestrées.
Le succès, inversement proportionnel au mépris des esthètes élitistes, lui avait tourné la tête et son divorce a fait le reste : dépression, dérive… Il avait réussi à prendre le dessus et à revenir sur les planches, jusqu’à ce que la maladie, au bout de trois années terribles, l’achève, à presque 70 ans.
« Ma pauvre Cécile,
J'ai soixante-treize ans.
Je fais de la chaise longue
Et j'ai une baby-sitter.
Je traînais moins la jambe
Quand j'étais chanteur ».
Un mot encore sur la fille avec des baskets… Que dire, sur la forme, de la phrase : « C'est la fille la mieux que j'ai rencontrée » ? Eh bien, qu’elle est correcte ! En effet, rappelez-vous, quand le superlatif relatif se réfère, même implicitement, à d’autres personnes (et non pas à d’autres états de la même personne), la locution « le plus » s’accorde ! Donc « la mieux » est correct. Je n’en dirais (ou dirai) pas autant de la fin du refrain : on croit entendre « je serai au rendez-vous », ce qui est manifestement incorrect, vu la relative au conditionnel passé (« s’il fallait »).
Terminons par ce superbe hymne à la République, qui en a bien besoin :
« Elle est née dans le Paris 1790
Comme une rose épanouie
Au jardin des fleurs de lys.
Marianne a cinq enfants
Qu'elle élève de son mieux
Marianne a maintenant
Quelques rides au coin des yeux.
Dieu ! Mais que Marianne était jolie
Quand elle marchait dans les rues de Paris
En chantant à pleine voix :
Ça ira, ça ira... toute la vie.
Dieu ! Mais que Marianne était jolie
Quand elle embrasait le cœur de Paris
En criant dessus les toits :
Ça ira ! Ça ira ! Toute la vie »
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Chanson, Musique | Lien permanent | Commentaires (0)


