23/11/2015
Voulez-vous parler de "la chose" ?
"Mais quand j'ai eu l'idée de cette série, en 2006, je n'étais plus grand-chose à la télévision. Dix ou vingt ans auparavant, quand on considérait que j'y faisais de grandes choses, ça n'aurait pas été la même chose. Les choses étant ce qu'elles sont, devant les jeunes technocrates des chaînes du service public, il faut dire les choses, je n'étais plus qu'un has been. Mon influence, mon prestige dataient un peu, c'était dans l'ordre des choses. "Je ne vois pas bien la chose" disait l'un. "Ce ne sera pas une chose facile à faire" disait l'autre. Bref, refusé. Ce sont des choses qui arrivent. Mais ça m'a fait quelque chose".
Ça pourrait être du Raymond Devos mais non, c'est du Pivot.
Et dans "Les mots de ma vie", il ajoute :
"Le mot chose est un miracle de la langue française. Il peut tout remplacer : des objets, des idées, des souvenirs, des projets, des paroles, des sentiments, des utopies.
Et même le sexe : il est porté sur la chose.
Et même la justice : l'autorité de la chose jugée.
Et même le temps : le cours naturel des choses…".
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22/11/2015
À propos de "De conséquence"
C'est vrai que c'est compliqué, le français...
Bernard Pivot, dans "Les mots de ma vie", consacre un article à la locution (adjectivale !) "de conséquence". Mais l'Académie, dans "Dire, ne pas dire", est plus diserte sur le sujet, tout en disant - ouf - la même chose. Je crois l'avoir déjà mentionné mais répéter n'est pas nuisible (et je n'ai pas le courage de fouiller dans les archives du blogue… Lequel de mes lecteurs trouvera le billet en question ?).
Bon, résumons.
"Conséquence" signifie : effet, contrecoup, résultat, ricochet, prolongement, etc.
"Conséquent" se dit de quelqu'un qui agit "avec esprit de suite" ou d'une chose qui est "dans la suite logique de". Jusqu'ici ça va...
On n'a pas le droit d'employer "conséquent" dans le sens de "important", "considérable". C'est un barbarisme dénoncé par Littré. Bon, d'accord.
Mais là où il faut rester calme, c'est quand on apprend que la locution "de conséquence" signifie "important", "considérable". Par exemple : "un homme de conséquence" est important.
B. Pivot cite Brassens, qui connaissait son français sur le bout des cordes de sa fameuse guitare, dans la "Supplique pour être enterré sur la plage de Sète" :
"Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon !
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon !
Pauvres cendres de conséquence !…"
Ni les uns ni les autres ne parlent de l'adverbe "conséquemment", que j'adore et qui signifie "de manière logique" et "par suite de"...
Il est vrai qu'il reste dans la ligne !
21/11/2015
Une communauté linguistique en marche
Mes lecteurs connaissent Alain Bentolila, linguiste, qui s'est exprimé en particulier sur la réforme très contestée du collège. Ses interventions sont souvent intéressantes, bien que le fond de sa pensée ne soit pas toujours très facile à percevoir.
Ainsi de son article dans le Marianne du 16 octobre 2015, intitulé "La France, une communauté dialogique"...
Il commence comme un prêche "Dans certains discours, barbare et barbarie, sauvage et sauvagerie, se mêlent pour pointer l'Autre du doigt…" et se continue par une dissertation sur le sauvage et le barbare.
Ce n'est que dans la deuxième moitié de son texte que j'ai commencé à saisir le sens et à retrouver des thèmes qui m'intéressent.
"L'identité nationale que nous devons construire, c'est l'appartenance à une communauté linguistique en marche, s'élevant vers une intelligence collective fondée non sur un consensus mais sur un constant dialogue ferme et vigilant".
La communauté dialogique, ce serait donc une communauté qui dialogue ; il faut croire que ce vocabulaire "rhétorique" n'est pas le mien. Personne n'est parfait. Cela étant, une fois qu'on a compris, on ne peut qu'être d'accord avec le fait qu'un dialogue constant, ferme et vigilant est une bonne chose...
La suite devient intéressante :
"Cette intelligence…, vous ne pourrez la construire que si vous êtes prêts à vous battre pour que soit distribué de façon équitable le pouvoir linguistique dans votre pays".
"… faute de quoi nous risquons d'en venir à concevoir ce bien précieux comme un château fort que menacent ldes différences identitaires".
"Le défaut de mots, le refus du dialogue, la quête éperdue de l'uniformité enverra (NDLR : j'aurais écrit "enverront"…) ainsi chacun retrouver les siens dans un cocon douillet de connivence identitaire et les conduira à rejeter ceux qui n'ont pas les mêmes croyances, les mêmes opinions, les mêmes préjugés".
Et voici enfin, après ce très long exorde, la thèse de l'article, qui me va bien : "Nous avons depuis trop longtemps accepté avec une complaisance coupable que le problème inquiétant de l'insécurité linguistique de certains soit balayé par un slogan d'une extrême correction politique : Chacun parle comme il l'entend, chacun écrit comme cela lui chante".
"Si nous voulons donner une chance à l'intégration, il faut que nous défendions mordicus le droit de tous ceux qui vivent en France, d'expliquer, d'argumenter, de convaincre et aussi de comprendre un discours ou un texte, avec autant de bienveillance que de vigilance".
Vive le beau français, clair, efficace, élégant, précis, innovant, sans afféterie inutile ni exigence de pureté extrême.
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