10/06/2016
Émerveillements V
Voici un article du Figaro sur l’orthographe :
« Ne vous fiez pas à quelqu'un qui fait des faute d'orthographe
par Quentin Périnel, mis à jour le 27/05/2016 à 09:37
Il y a mille façons possibles de se tromper. Et cela nous décrédibilise.
La faute d'orthographe dans le titre est volontaire, et devait impérativement attirer votre attention ! L'heure est grave. J'encourage solennellement tous les lecteurs à être intransigeants. Le constat est alarmant : pas moins de 90 % des mails envoyés par des entreprises à leurs clients contiennent au moins une faute d'orthographe, selon une étude de l'institut de formation professionnelle Demos. Ce laxisme coûte plusieurs millions d'euros par an aux entreprises. Erreur sur le participe passé, sur la conjugaison, sur l'accord du pronom… il y a mille erreurs possibles ! Y compris la fameuse erreur d'inattention qui peut être impardonnable. J'ai reçu pas plus tard qu'hier un mail dont l'objet comportait la mention « Communiquer de presse »... Je ne vous cache pas qu'il a terminé sa course à la corbeille, sans même être lu.
Pourquoi autant de fautes d'orthographe et de syntaxe dans nos mails ? Ne nous voilons pas la face. Certains sont simplement médiocres, complètement nuls. Leurs erreurs ne se limitent pas aux mails, on les trouve aussi sur les cartes postales, les publications Facebook, les listes de courses et cetera… Mais si l'on se concentre uniquement sur les mails pro, la principale cause du péché orthographique c'est de vivre constamment dans l'instantanéité, dans l'urgence, dans un monde où l'on doit absolument répondre le plus rapidement possible. Elle est loin la glorieuse époque où n'importe quel manager avait sa propre assistante qui était aux aguets, et qui écrivait au mot près absolument TOUT, en prenant bien soin de se relire une bonne dizaine de fois. Désormais, c'est l'anarchie !
Je vous pose la question : peut-on vraiment faire confiance à quelqu'un qui fait des fautes d'orthographe ? Évidemment, s'il s'agit de votre petite sœur ou de votre épouse qui vous laisse des post-its roses plein de tendresse, déposés sur la table de la salle à manger… ce petit défaut est largement pardonnable !
En revanche dans un cadre strictement professionnel… Recruteriez-vous un candidat dont la lettre de motivation comporte cinq fautes par ligne ? Croiriez-vous sur parole un consultant – pourtant payé très cher – dont les slides sont similaires à une dictée écrite par le plus mauvais élève d'une classe de CM2 ? À l'évidence, non.
Si les fautes d'orthographe se banalisent, il ne faut en aucun cas les prendre à la légère. C'est un vrai fléau qui vous décrédibilise. Les fautes d'orthographe sont d'une laideur infâme ! « Un devoir criblé de fautes d'orthographe ou de syntaxe, c'est comme un visage abîmé par des verrues », a joliment dit Bernard Pivot. Si vous vous sentez concerné par ce fléau, de grâce, faites un effort… ».
Et le chroniqueur de faire un petit sondage auprès des lecteurs : « Faite-vous confiance à quelqu'un qui fais des faute d'orthographe ? (mail pro, SMS, etc.) Merci !
Résultat sur 772 votes :
60 % Non. C'est impardonnable.
40 % Oui. Rien de grave".
Toujours sur LEFIGARO.fr, cet article consacré au deuxième rapport du projet Voltaire :
« 70 % des employeurs ne sont pas satisfaits du niveau en orthographe des étudiants
par Fanny Lauzier, publié le 26/05/2016 à 18:32
SONDAGE - Le dernier baromètre du projet Voltaire publié ce jeudi 26 mai 2016 rappelle que les recruteurs attachent une grande importance à l’orthographe des candidats.
Avec Internet et le développement du mail, l’orthographe prend une place de plus en plus importante. Le Projet Voltaire, certificat d’orthographe, publie son deuxième baromètre réalisée à partir des statistiques des utilisateurs de l’application, utilisée par de nombreux établissements de l’Enseignement supérieur. Une étude sur l’incidence de l’orthographe sur la recherche d’emploi est aussi publiée, réalisée à partir de la thèse de Christelle Martin-Lacroux, de l’Université de Toulon.
- D’abord, 81 % des entreprises considèrent l’absence de maîtrise de l’orthographe comme un obstacle pour retenir la candidature d’un cadre. Et 71 % des recruteurs affirment que les fautes d’orthographe sur les réseaux sociaux leur feront perdre des points.
- Et les recruteurs se montrent sévères vis-à-vis des étudiants : 70 % des employeurs considèrent que le niveau des étudiants en compétences orthographiques, lexicales et grammaticales est moyen, voire faible.
Veillez donc à bien relire vos commentaires, posts et publications sur les réseaux sociaux avant de les partager...
- Les femmes sont meilleures en orthographe
Projet Voltaire s’est également intéressé au niveau d’orthographe des Français. Premier enseignement du baromètre : les femmes sont plus douées et persévérantes que les hommes. En effet, 45 % des femmes maîtrisent les 140 règles d’orthographe courantes, contre 41,5 % des hommes. Elles sont aussi plus déterminées dans leur remise à niveau que les hommes puisque 41 % d’entre elles sont arrivées au bout du dernier niveau d’entraînement de Projet Voltaire, contre 33 % des hommes.
- Les trois règles les moins maîtrisées
Les trois-quarts des Français (76 %) peinent à faire la différence entre « à l’attention de » et « à l’intention de », tandis que seulement 70 % des Français maîtrisent les terminaisons «iions» et «iiez» à l’imparfait. Ils sont également 69 % à faire la confusion entre « vous dîtes » et « vous dites ».
- Les trois règles les plus difficiles à apprendre
S’agissant des règles les plus difficiles à apprendre, la palme revient indéniablement au temps du futur et du conditionnel. Vient ensuite la conjugaison du participe passé avec l’auxiliaire avoir, suivi par le choix du temps après la conjonction «si».
Les Français sont nombreux à confondre le futur et le conditionnel. ©Projet Voltaire ».
Les lecteurs de ce blogue ne seront pas étonnés de ces résultats ! Ils ne sont que la confirmation de ce qui y est écrit depuis deux ans… Mais la bonne nouvelle, c’est que la prise de conscience est là, le sursaut également, et que les étudiants qui ont méprisé l’orthographe sont rattrapés par la patrouille, à l’embauche.
06/06/2016
"Le sanglot de l'homme noir" (Alain Mabanckou) : critique (2/2)
Dans « Le sanglot de l’homme noir » Alain Mabanckou parle de la place des Noirs, en Europe et en Amérique, de leur comportement face à l’histoire, de leurs relations avec les Blancs et entre eux, de la binationalité, de l’identité nationale, de l’attrait de l’Europe pour les Africains (je précise en passant que pour lui, l’Afrique, c’est l’Afrique noire ; il n’évoque que très rarement le Maghreb, pourtant francophone, et jamais l’Afrique du Sud), du sort de l’immigré, de la diversité, du droit du sol, du commerce triangulaire (ironie de l’histoire, il commence ses études à Nantes !), de la francophonie (voulue ou subie)… le tout en 175 pages denses et néanmoins alertes.
Et il raconte ses études de droit économique et social à Nantes, puis à Dauphine, passe très rapidement sur les dix ans passés à Suez-Lyonnaise des Eaux pour arriver à son recrutement comme professeur de littératures francophones en Californie : « Si j’ai accepté d’aller enseigner aux États-Unis, c’est parce que je ne me couperais pas pour autant de cette langue d’écriture qui est la mienne : le français. J’ai exigé d’enseigner en français – ce qui est toujours le cas à ce jour. J’ai aussi souhaité enseigner, outre les auteurs africains, certains auteurs français que j’apprécie. Il se trouve que j’allais, bien malgré moi, devenir l’ambassadeur d’une culture et d’une langue que j’avais reçues par la colonisation. En enseignant les textes d’écrivains africains d’expression française, j’avais pour mission indirecte de veiller à la diffusion de la langue auprès des étudiants américains » (pages 113-114).
Enfant unique d’une famille « compliquée » mais aimante, Alain Mabanckou est quelqu’un qui recherche et prend des positions modérées, équilibrées, objectives… sur le colonialisme, la négritude, l’immigration, son pays d’accueil (la France), les Français, sur son pays natal (le Congo), sur la littérature et sur la langue. Concernant ce dernier point, il s’insurge, dans le chapitre « La littérature à l’estomac », sur un courant « africaniste » qui prêche l’abandon du français, langue du colonisateur, en tant que langue d’écriture. Et son argument est double : ce qui compte avant tout, c’est le talent (« Si dans le terme écrivain francophone, l’adjectif francophone est de trop pour certains, peut-être faudrait-il commencer par être écrivain tout court ») (page 138) ; et ensuite, pour lui « Il y a longtemps que la langue française est devenue une langue détachée de la France et que sa vitalité est également assurée par des créateurs venus des cinq continents » (page 137).
Après avoir lu un roman et deux essais d’Alain Mabanckou, je me demande s’il n’excelle pas, surtout, dans l’analyse des idées – ce qui légitime sa position de professeur de littérature – et si ses essais ne sont pas plus intéressants, pour un lecteur français ou européen, que ses romans où les thèmes récurrents restent pour nous exotiques et magiques. Je vais essayer de confirmer cela en lisant un autre roman, « Lumières de Pointe-Noire ».
07:30 Publié dans Écrivains, Essais, Francophonie, Littérature, Livre, Mabanckou Alain | Lien permanent | Commentaires (0)
04/06/2016
Irritations linguistiques XXVII : franglais journalistique, Hauts de France, conteneur et raccord
Chaque jour, presque chaque chronique journalistique, nous apporte son lot de sujets d'irritation, de découragement et de commisération.
Dernier avatar en date : la revue de presse d'Hélène Jouan, sur France Inter, le 26 mai 2016. Voici deux perles de cette chroniqueuse :
- "Si Nicolas Beytout est le seul à outer...". "Outer" semble être une création de la dame ou, à tout le moins, un néologisme des "gens de Paris qui sont modernes", construit à partir de "out" (au dehors), sur le modèle de "outing" apparu pour qualifier la "déclaration publique" d'homosexuels connus pour autre chose que leur homosexualité et la révélant à cette occasion. Pour la dame, "outer" servirait donc à dire "s'exprimer", voire "se lâcher" ou carrément "exploser", "laisser parler sa rage"... Tout ça pour ça ?
- "Ils veulent hacker 2017...". Même punition (pour nous) : Hélène Jouan ne connaissant ni le mot "pirater" (pourtant guère correct...) ni le mot "préempter" (pourtant à la mode chez les technocrates) ni tout simplement les mots "confisquer", "dénaturer", "confisquer", "manipuler", etc., elle invente "hacker", en référence aux pirates informatiques qui déchiffrent les codes d'accès et font du dégât dans les sites internet et les systèmes d'information des entreprises multinationales.
Bien embêtée par la mission impossible de trouver un nom fédérateur associant la Picardie (région historique et géographique), le Nord (qui ne veut rien dire) et le Pas de Calais (département justifié géographiquement mais non historiquement), la nouvelle grande région présidée par M. Xavier Bertrand s'est trouvé un nom : les Hauts de France... évitant ainsi le piège de la frustration de telle ou telle composante. Certes mais c'est rigolo de se dire que ladite région a comme département proche, un qui a tout fait pour ne plus s'appeler la "basse" Normandie. C'est bien connu, il est préférable de faire partie de la haute !
Le Nouvel Observateur a trouvé ce nom incohérent (la vaste plaine de la région est en réalité la plus basse de France en altitude et n'est en amont de rien du tout), la Voix du Nord et le Parisien ont donné la parole à des historiens et troubadours picardisants, les uns promouvant "le Nord" (rappelez-vous Michel Galabru dans les Ch'tis, morceau d'anthologie), les autres "Picardie" tout simplement. Tous rappelant que l'Oise, historiquement, appartient plutôt à l'Île de France, berceau de la nation.
Retour à France Inter... Le 27 mai, j'entends parler de "container". Je croyais que cela avait disparu (comme hardware et software !) grâce à la proximité formelle et sémantique de "conteneur" : même longueur, même phonétique, même sens, même étymologie. Mais qu'est-ce qui peut donc pousser ces journalistes à utiliser encore "container" ? Moi, je sais ! Ce sont des snobs qui pensent, les pauvres, que la légère consonance anglaise rehausse le niveau et l'intérêt de leur discours.
Il y a une expression qui m'intrigue et m'amuse : "ça fait raccord", "c'est raccord avec ceci ou cela". D'où cela peut-il bien venir ? Quelle en est la motivation cachée ? Montrer l'importance de l'intégration, du nivellement, de la soumission, de l'absence d'aspérité, du "pas de vague"... ? J'attends des suggestions et des avis !
07:34 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)