29/07/2015
Natacha, Hannah et moi (IX) : l'éducation
À la page 254 de "Ce pays qu'on abat", Natacha Polony consacre une chronique du Figaro à Hannah Arendt, "philosophe ultracontemporaine" et "philosophe de l'école et de la culture, celle qui a le mieux décrit le processus qui allait aboutir à la destruction de la transmission dans les sociétés occidentales". Voici ce qu'elle écrit.
"Dans la Crise de l'éducation, il est question de la responsabilité de ces adultes qui doivent assumer le monde pour le transmettre à leurs enfants. Des enfants qui naissent dans un monde toujours plus vieux qu'eux, un monde qui les a précédés. Ils sont la force de la nouveauté, mais l'éducation est ce qui les rattache au monde ancien. Elle est donc, par nature, conservatrice. Elle enseigne un contenu et non pas des méthodes. Et surtout, elle repose sur une séparation entre espace privé et espace public, et sur une forme de sanctuarisation à l'écart des agitations du présent. Le contraire absolu de cette école utilitariste que nous ont conçue les réformateurs de droite et de gauche, une école fondée sur l'ancrage dans la vie, dans le présent, sur l'enseignement de compétences et non de connaissances, et sur le développement par l'élève de ses propres capacités.
Bienvenue dans le cauchemar d'Hannah Arendt, bienvenue dans l'école française de 2013 (NDLR : et que dire de celle de 2015 après la réforme de Najat Belkacem...).
L'école telle que nous l'avons conçue, associée aux loisirs de masse, et notamment à la toute-puissance des écrans, aboutit exactement à cet affaiblissement du langage qui interdit à chacun de s'extraire d'une pensée par slogans ou par mots-valises"...
Pour une des dernières fois (car j'ai terminé son livre), voici une photo de la Belle (au Salon du chocolat, allez savoir pourquoi...) :
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28/07/2015
Natacha et moi (VIII) : langues régionales
Le 25 janvier 2014, sous le titre "Ces langues qui font la France", Natacha Polony prenait position, de façon argumentée et convaincante, pour les langues régionales (breton, alsacien, occitan), à l'occasion de la révision éventuelle de la Constitution permettant d'intégrer la charte européenne au droit français.
Le préambule de sa chronique du Figaro nous apprend que l'article 2 de la Constitution que je cite souvent "Le français est la langue de la République" ne date que de la loi Toubon de 1994... Je croyais que ça datait de 1958 !
Voici ses arguments :
- "le bilinguisme précoce développe la capacité à apprendre d'autres langues". Je le crois. J'ai reçu en entretien un jeune Français qui avait appris le néerlandais et le français dans son enfance, puis l'espagnol et qui s'était intégré sans difficulté au Brésil lors d'une mission de développement. À mon étonnement (admiratif), il avait répondu : "Quand on parle trois langues, apprendre une quatrième est assez facile, surtout le portugais"...
- "les écoles bretonnes et basques obtiennent d'excellents résultats (scolaires), grâce à la conjonction de méthodes plutôt classiques et d'une motivation accrue des parents". Je le crois volontiers.
- "le bilinguisme précoce ne fonctionne que par immersion". En effet, apprendre le breton grâce à des grands-parents qui le parlent en permanence, n'a rien à voir avec apprendre par exemple l'anglais au collège quelques heures par semaine...
- "apprendre l'anglais ou le chinois, qui sont des langues étrangères, n'aurait pas la même signification. Et c'est là que ce qui se joue devient politique et met en jeu la nation". Je suis d'accord : on apprend les langues étrangères par nécessité (pour commercer, voyager, comprendre, construire des partenariats, etc.) mais en apprenant une langue régionale, celle de ses aïeux, on assure une permanence, une fidélité au patrimoine, on entretient la flamme.
- "rien à voir avec l'idée qu'il faudrait enseigner davantage l'arabe au nom de la diversité. les jeunes immigrés qui viennent en France ont vocation à faire "leur", ce pays, ses mœurs et sa culture". Évident, passons.
- "la défense du français et la défense des langues régionales relèvent d'un même combat, celui pour la culture et la civilisation". Bien sûr, dans l'absolu, on ne peut qu'être d'accord, l'argument va droit au cœur... mais c'est raisonner "à moyens infinis", c'est-à-dire comme si on pouvait défendre à la fois le français (dans l'économie mondialisée) - tâche déjà surhumaine - et les langues régionales.
Et là, franchement je n'y crois pas. Celui qui qui enfourchera le cheval de la promotion de sa langue régionale n'aura plus de temps, d'énergie ni d'argument pour chevaucher en même temps celui de la défense du français.
D'ailleurs les experts de la francophonie nous ont déjà fait le coup : "on ne défend pas que le français ; on défend le multilinguisme !". On a vu ce que donne cette stratégie.
Je suis donc très perplexe face à cette question...
Et suis donc tout autant séduit par les arguments des opposants à la ratification de la charte européenne :
- est-il vraiment urgent de lancer ce genre de débat quand l'économie française est au bord du gouffre ?
- sans compter son éducation nationale...
- et ses affres identitaires et a contrario communautaristes (n'est-il pas urgent au contraire de multiplier les initiatives consensuelles, celles qui rassemblent au lieu de diviser ?) ;
- l'urgence n'est-il pas que les jeunes Français - de toutes origines - recommencent à apprendre correctement le français, avant de leur ajouter de nouveaux défis ?
- et tant qu'à apprendre une autre langue, ne vaut-il pas mieux que ce soit l'allemand (première langue maternelle en Europe, langue de nos premiers clients et premiers fournisseurs) ou l'espagnol ou l'anglais, voire le chinois ou le japonais ?
En plus il y a langue régionale et langue régionale : autant il me paraît utile (si on en a les moyens) de préserver le breton et le basque, langues à nulle autre pareilles, autant il me semble vain de préserver l'alsacien, si proche de l'allemand son voisin. Autant apprendre l'allemand, non ?
J'ajoute un argument - spécieux, il est vrai - : est-on obligé, dans ce domaine comme dans d'autres, d'adopter, de faire rentrer au chausse-pied, toutes les inventions plus ou moins démagogiques ou bienpensantes des diverses institutions européennes ?
Non, mille fois non.
Rien de tel, pour se reposer de ces tortures intellectuelles, qu'un beau visage... alors régalez-vous :
21/07/2015
Sacré Charlemagne (I)
Aujourd'hui, le billet va paraître bien tard car le soleil tapait très fort et l'eau de la piscine frôlait les 30 degrés...
Aujourd'hui, les écoliers sont en vacances et l'école de Charlemagne est fermée...
Mais pas celle de Mme Belkacem, qui continue à faire des remous. Ainsi, dans le Marianne du 26 juin 2015, bien après le passage en force par décret, pouvait-on lire un long article au lance-flammes d'Éric Conan intitulé "Sauvons l'école".
Quels en sont les idées-forces ? Oh, ce que nous avons tous compris depuis pas mal de mois (d'années pour certains)...
Le niveau baisse depuis trente ans, malgré les efforts faits pour le camoufler, et les inégalités augmentent.
Les résultats du bac sont de plus en plus mauvais mais les instructions sont de bidouiller les notes à la hausse, au nom du sacro-saint objectif de 90 % de réussites.
Les "experts en pédagogie" de la rue de Grenelle, qui semblent inamovibles et persévèrent dans l'erreur, sont mis en cause, ainsi que la loi d'orientation de Lionel Jospin, qui voulait "mettre l'élève au centre de l'école" (là où, dans toutes les entreprises, les plans stratégiques veulent mettre le client ; ça fait beaucoup de monde au centre, décidément...).
L'affaire commence à tourner vinaigre et se transforme en une polémique gauche-gauche...
Le nombre d'heures de cours de français s'est effondré en trente ans...
Les 36 établissements les plus "méritocratiques", pour la plupart privés, se caractérisent par un trait commun : l'autorité...
À part ça tout va bien...
Dites donc... Natacha n'est pas loin !
Bronzez heureux, Français !
21:11 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)