17/07/2015
Natacha et moi (V) : l'idéal républicain
"Il y a une infinité de nuances dans la façon de concevoir la République... Mais il n'est pas de républicain qui ne croie à la res publica, à la chose commune, comme appartenant à tous les citoyens ; ce qui induit l'idée que chacun agit et choisit en fonction du bien commun. Il n'est pas de républicain qui ne croie à la nécessité des vertus républicaines pour mener l'action politique et partager l'espace social, vertus qui ne se résument pas à la jouissance de droits mais correspondent à un idéal de vie selon des valeurs rigoureuses. Car en tout républicain sommeille un Caton, autant qu'un Périclès ; la sobriété des vertus romaines le dispute au strict respect de la séparation entre espace public et espace privé comme garantie de la liberté individuelle et de l'égalité des citoyens entre eux" (page 116).
"Les sociétés occidentales, fondées sur la pulsion consommatrice attisée par la publicité, la mise sous le nez de chacun de ce qu'il ne pourra pas posséder, frappées parallèlement par un chômage et une désindustrialisation qui détruit en premier lieu les emplois les moins qualifiés, ces sociétés-là ont tout pour se retrouver prisonnières d'une impasse : celle qui consiste à voir s'affronter les intransigeants et les angélistes, ceux qui considèrent que chacun n'a que ce qu'il mérite et ceux qui sont prêts à excuser même l'absence de la plus élémentaire morale, laissant croire du même coup que tous les pauvres sont par essence voleurs ou pourraient le devenir. Cet affrontement signe la mort de notre pacte républicain" (page 200).
"... des notions de morale et de dignité humaine, notions qui émanent de la pensée des Lumières et de la philosophie d'Emmanuel Kant qui a sous-tendu toute la conception française de la République, notamment à travers l'école" (page 238).
"Le contrat social, on le sait depuis Hobbes, repose sur l'abandon par les citoyens d'une part de leur liberté en échange de la protection de l'État, qui possède le monopole de la violence légitime" (page 251).
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16/07/2015
Natacha et moi (IV) : aïdos et modes de vie
Dans "Ce pays qu'on abat", Natacha Polony revient plusieurs fois sur quelques grandes idées, qui devraient selon elle constituer la base des comportements et des ambitions de notre société et qui en même temps représentent une sorte de paradis perdu de notre civilisation : l'aïdos, les libertés individuelles et la transmission.
"Il est une vertu que les Grecs appelaient l'aïdos, et que l'on pourrait traduire à la fois par honneur, dignité, pudeur et honte. C'est en quelque sorte la dignité que l'on conquiert dans le regard d'autrui. Notons qu'une telle vertu implique - ô horreur - que l'on soit soumis au jugement moral de ses contemporains. Voilà sans doute la vertu qu'il nous faudrait apprendre à cultiver, et à transmettre à nos enfants" (page 89).
Elle cite le philosophe Cornelius Castoriadis : "Une société montre son degré de civilisation dans sa capacité à s'autolimiter". En France, à part le Comité d'éthique qui vise effectivement à interdire certaines pratiques même si la science les rend possibles et aussi la loi Littoral qui protège tant bien que mal nos côtes des appétits immobiliers, on voit bien que rien n'est "autolimité" par la société ni même soumis au vote du peuple : la mondialisation par exemple est subie par beaucoup de gens sans qu'ils l'aient jamais explicitement choisie ; de même la désertification rurale, les panneaux publicitaires envahissants, les téléphones mobiles, le tout-voiture, les lignes de train "secondaires" qui disparaissent... Le progrès dicte lui-même, dans une sorte de toboggan sans cesse, les évolutions de nos modes de vie. La loi elle-même, par l'entremise de nos députés (élus par nous, il est vrai) rattrape périodiquement ces évolutions en les avalisant.
Voici ce que dit Natacha Polony : "L'acceptation ou non de la mondialisation telle qu'elle est organisée aujourd'hui, c'est-à-dire considérée comme une fatalité imposée aux peuples au nom du réalisme et dont le résultat est la destruction brutale, non seulement du modèle européen - et plus particulièrement français - de protection des individus, mais également l'éradication des modes de vie, des produits, des spécificités culturelles, bref, des terroirs au sens le plus large du terme, en ce qu'ils constituent un patrimoine et une civilisation" (page 19).
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15/07/2015
Natacha et moi (III) : voyage, savoir et latin
"De même que le voyage, au sens où l'aimaient les poètes, a cédé le pas au déplacement, qui n'est que le passage d'un lieu à l'autre, et dont la réussite résidera donc dans la rapidité avec laquelle il sera effectué, de même, dans la tête de nos chers enfants, qui sont les futurs adultes de nos sociétés si avancées, le savoir est un outil qui permet de progresser dans les études, et donc dans les échelons de la hiérarchie sociale.
Mais le fait qu'il faille certaines connaissances précises pour pouvoir prétendre être un professionnel digne de ce nom, semble échapper totalement à une proportion non négligeable d'entre eux. Seul le diplôme compte, son contenu non...
... Mais le savoir, nous l'avons oublié, transforme celui qui se l'approprie. Je ne demande pas à un honnête homme de savoir le latin, écrivait Saint-Marc Girardin, un célèbre critique mort en 1873, il me suffit qu'il l'ait oublié. Et que voulait-il dire, sinon que la fréquentation du latin avait changé celui qui, certes, pouvait avoir oublié les déclinaisons et le vocabulaire, mais dont l'esprit resterait modelé par cette langue, ses structures, sa rigueur, et l'incommensurable humanité de ses auteurs ?
Celui qui a oublié le latin est un peu plus riche d'humanité que celui qui ne l'a jamais appris, mais qui pourra , au besoin, s'il devait s'y coller par nécessité, consulter quelque notice sur Wikipedia ou ailleurs" (page 88).
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