20/07/2015
Le grand Jacques
Laissons Natacha quelque temps, pour revenir à l'air du temps : l'été, la chaleur, les vacances, la France profonde...
À cette époque, dans les hauts lieux de la culture estivale, se tiennent de prestigieux festivals : Vienne, Avignon, Nice, Marciac...
Mais, dans les plus petits villages, les plus reculés, ceux qui sont au bord de la disparition, on peut entendre, non pas les ténors du haut du pavé bien sûr, mais de très honnêtes interprètes, qui jouent souvent... gratuitement !
Dans un "foyer rural" rénové à coup de subventions régionales et européennes - comme quoi l'aménagement du territoire, ça existe encore - je suis allé écouter l'autre soir un chanteur-guitariste, excellent chanteur, guitariste modeste mais efficace, interpréter le répertoire du grand Jacques Brel.
Quel régal ! Accompagné d'un jeune accordéoniste très à l'aise mais désinvolte, le seul professionnel maintes fois primé du duo - dixit le chanteur - ce dernier nous a gratifiés de deux heures et demie de mélodies immortelles, au service d'une langue précise, pittoresque, chaleureuse et sombre, devant un public attentif et taiseux, un public de gens simples, plus tout jeunes, qui malgré tout, étaient une cinquantaine à avoir déserté la salle commune où trône leur téléviseur, pour un soir de chanson française...
Un peu avant, un peu après, j'avais pu voir à la télévision justement, le somptueux feu d'artifice du 14 juillet que la Mairie de Paris avait offert à ses administrés avec l'argent des contribuables (cette petite pique est hors sujet mais ça fait du bien). J'ai bien vu que la bande-son, c'est-à-dire les morceaux choisis pour accompagner les fusées multicolores, était faite pour "accrocher" tous les publics, de 7 à 77 ans, et toutes origines... Mais quand même, pourquoi une majorité de titres en anglais ? Est-ce que, aux États-Unis, une telle manifestation patriotique aurait donné la plus petite place à des musiques qui ne seraient pas du crû ? Bien sûr que non ! Nous avons de gros progrès à faire dans le chauvinisme et l'autonomie culturelle.
Tiens, du même tonneau : le nouvel outil proposé par Spotify, le diffuseur de musique en ligne concurrent de Deezer, permet de caractériser les goûts musicaux "par région"... Peu importe que les Parisiens écoutent préférentiellement du rap et les Bretons autre chose. Ce qui m'a frappé, c'est que les abonnés français du diffuseur suédois écoutent majoritairement de la musique anglo-saxonne, qu'elle soit accompagnée ou non de paroles (qu'ils ne comprennent pas, de toute façon).
Pourquoi ces publics vivent-ils à côté de leur culture ?
Est-ce que ça peut durer longtemps comme cela ?
Natacha, reviens !
09:46 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
19/07/2015
Natacha et moi (VII) : la transmission
"La littérature de jeunesse court toujours le risque, par-delà quelques réussites magnifiques, et quelques authentiques chefs d'œuvre, de n'être qu'une occasion de plus pour les adultes de renoncer à leur rôle de passeurs, qui consiste à faire don aux jeunes générations des références et des récits qu'ils ont eux-mêmes hérités de leurs pères. À chacun ses lectures, à chacun ses références, et la transmission s'arrête ; les jeunes jamais ne s'approprieront le monde. Passée l'adolescence, ces jeunes ne lisent plus ou restent à jamais figés dans la distraction régressive de l'heroic fantasy. Mais les livres qui leur parlent de l'homme, de la société, du réel, ils ne les ouvriront jamais" (page 114).
"À travers l'évocation de cette Europe sans racines que nous édifions, de cette dette abyssale que nous creusons, et de ces ressources naturelles que nous épuisons, il (Nathanaël Dupré La Tour) dresse un portrait de l'Occident oublieux de son histoire et de ses mythes, et qui, même dans son école, a voulu effacer sa propre mémoire" (page 123).
"La mort de l'école républicaine et le triomphe du consumérisme s'accompagnent d'un réensauvagement de la société et d'un isolement des individus par la perte de leur mémoire collective. Le flux des séries américaines et des jeux vidéo mondialisés qui abreuvent une majorité d'enfants les coupe peu à peu de la culture et des modes de vie qui caractérisaient ce pays, mêlant l'idéal républicain et la haute civilité" (page 167).
C'est bon de voir écrits - et de quelle façon ! - les mots et les raisonnements que l'on a toujours portés. On est au moins deux dans ce pays, Natacha et moi.
On lui a reproché d'être "réactionnaire" (au moins sur certains sujets) et je suppose que l'on pourrait dire la même chose de certaines de mes prises de position... Elle a récusé ces critiques et revendiqué, à la suite de Nathanaël Dupré La Tour, un autre jeune homme de 35 ans, mort prématurément, le qualificatif de "conservateur", non pas au sens de la politique américaine mais au sens de "préserver", de "protéger", de "transmettre", "d'assurer la continuité", de "passer le relais".
Et transmettre quoi ? les valeurs de la société américaine, vieille de deux siècles seulement et enrobées depuis cinquante ans de libéralisme économique, de consommation à outrance, de publicité et... de violence ?
Certainement pas ! celles d'un vieux pays de deux millénaires, qui a fait naître les philosophes du siècle des Lumières, a fait sa Grande Révolution et a confié son école aux Hussards de la République.
11:24 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
18/07/2015
Natacha et moi (VI) : libertés individuellles
"... ce vers quoi nous glissons peu à peu : la transformation de la France en une démocratie libérale à l'anglo-saxonne, non pas laïque mais tolérante, fondée sur la conquête des droits individuels et non sur la détermination du bien commun à travers des valeurs partagées" (page 243).
"... le lien social aura été écorné et la communauté nationale fragilisée. Et nous aurons abandonné un peu plus de notre histoire, de notre culture, fondée sur une référence lointaine à la République romaine et à sa virtus, sur l'équilibre entre les revendications individuelles et la primauté de l'intérêt collectif, pour devenir des individus solitaires, reliés par leur capacité à consommer et à multiplier les procédures judiciaires pour défendre leurs supposés intérêts" (page 244).
07:43 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)