10/08/2015
Francophonie (II) : la francophonie est une utopie
Dans le Figaro du 19 mars 2015, cette chronique de Michaëlle Jean, Canadienne d'origine haïtienne, transitoirement de nationalité française par mariage, gouverneur du Canada (c'est-à-dire vice Reine !) pendant cinq ans et secrétaire générale de la francophonie depuis le 30 novembre 2014.
D'abord un rappel du "programme" du XVème sommet des chefs d'État et de gouvernement de Dakar : "Sortir des millions de francophones de l'extrême pauvreté, investir dans le capital humain, garantir une meilleure exploitation des ressources et intégrer durablement les économies du Sud dans la finance mondiale". Des mots, toujours des mots, qui prennent la suite de milliers d'autres mots, avec probablement aussi peu d'effets concrets. Mais que peuvent-ils faire d'autre ?
Ensuite ses mots à elle : "Il faut réinstaller la francophonie au centre du monde. La mondialisation actuelle, sous couvert des profondes transformations qui traversent les sociétés, tend à gommer les spécificités culturelles. Or la francophonie prône des identités multiples dans un monde qui garantit la liberté d'être soi-même et l'obligation d'accepter l'autre dans son altérité".
À sa place, par prudence et humilité, j'aurais écrit "qui garantisse", le subjonctif introduisant un peu de réalisme en regard des vœux pieux de la déclaration d'intention...
Ce sont les Américains (et un peu les Allemands) qui doivent bien rigoler s'ils lisent de pareils propos, eux qui ne s'occupent, même dans leurs élans les plus généreux, que de leurs intérêts particuliers. D'autant qu'en nous espionnant, ils ont aussi en même temps les versions "hors micro" de ces rêves éveillés. Donc rien à craindre de leur part : tant que les Français et leurs partenaires francophones inoffensifs s'occupent de leurs bons sentiments, tout va bien dans la mondialisation heureuse. Milton Friedmann sourit dans sa tombe...
Enfin, elle en vient au fait, c'est-à-dire à la langue, ce qui nous intéresse essentiellement dans sa fonction : "La mondialisation actuelle tend à consacrer la tout-puissance d'une langue dominante. Or la francophonie réaffirme l'utilité d'une langue française pleinement vivante et la reconnaissance des cultures qui s'y rattachent".
Voilà, on n'en saura pas plus, sauf que cet objectif n'est pas, pour elle, une utopie, qu'il peut être atteint "même dans le contexte de restriction budgétaire qui touche toutes les institutions internationales" et que "cela rend la tâche encore plus exaltante".
Eh bien, moi, j'ai peur pour la francophonie avec de tels dirigeants, de tels programmes et une telle naïveté !
07:00 Publié dans Actualité et langue française, Histoire et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
09/08/2015
Sacré Charlemagne (IV) : Pédagogistes !
"Depuis trente ans, cette école centenaire qui doit tant aux valeurs de gauche, est le seul service public à avoir été à ce point soumis à une réforme permanente, au nom d'une doxa pédagogiste dominante à gauche, à laquelle la droite, intimidée, s'est pliée".
"La dernière étape - de droite - de ce long sabotage fut constituée du très médiocre socle commun de connaissances, avalisé par le gouvernement de François Fillon décrétant la culture discriminatoire dans les concours".
"L'élève ne s'ennuie plus à apprendre, on le divertit. La loi de 1989 lui a reconnu le droit d'expression dans une école devenue lieu de vie et espace démocratique. Le prof doit l'aider à exprimer ses opinions déjà géniales plutôt que l'aider à les former. Les propos débiles (entendus à la télé) ou archaïques (entendus dans sa famille) mis au même niveau que les savoirs communs éprouvés, vraie base de l'autonomie et de l'exercice de la liberté….
(NDLR : Avec la réforme du collège de Mme Belkacem), les enseignants doivent aider l'élève à manifester sa sensibilité et à questionner le monde. La langue française ne s'apprend plus - la grammaire n'est pas un dieu - mais doit faire l'objet d'une observation de l'élève-maître qui doit lui-même en dégager les régularités et en formuler les règles".
"Les effets de cette politique hostile aux savoirs et à la transmission ont pu être longtemps niés parce que ses promoteurs, survivant à tous les ministres, avaient maquillé ses résultats logiques".
"Notes supprimées en classe et relevées aux examens. Redoublements interdits. Recommandation officielle de ne plus faire lire à haute voix les élèves en classe, pour ne pas les humilier, etc.".
L'auteur de ses lignes, Éric Conan, du journal Marianne (dossier dans le numéro du 26 juin 2015), ne cite pas ses sources. Mais elles auraient pu être écrites par Natacha Polony (voir ma série de billets à son sujet en juillet 2015).
Laurent Lafforgue, médaillé Fields en mathématique, avait déjà dit en 2005 que "notre système éducatif public est en voie de destruction totale à cause des experts de ministère de l'Éducation".
Qui sont ces experts inamovibles ? les Meirieu, Baudelot, Establet, Dubet, Wieviorka, Pennac.
Et Éric Conan de conclure : "En une génération s'est effondré un système encore considéré comme l'un des meilleurs du monde au début des années 80, à l'époque où Najat Belkacem s'apprêtait à entrer au collège".
Luc Ferry, puis Vincent Peillon, ont reconnu que "les résultats des élèves français sont de plus en plus mauvais" et, comble de tout, les inégalités sociales se sont renforcées !
Mathématiquement, la baisse de niveau des élèves à partir des années 80, se retrouve chez ceux qui sont devenus enseignants… Un rapport de l'Inspection générale de l'Éducation nationale relevait ainsi en 2013 : "En primaire, la majorité des maîtres ne disposent pas des cadres théoriques minimaux, ce qui ne leur permet pas d'être lucides quant à leur pratique" (sic !) et il leur manque "des compétences importantes que la formation ne leur offre pas". Ce que confirme, par exemple, les incroyables fautes d'orthographe dans la correction de la copie d'un de ses enfants, signalées par ICB (cf. mon billet à ce sujet).
La réforme du collège, dont j'ai relayé dans ce blogue les innombrables adversaires, procède d'un processus orwellien : le système ne marche pas, on continue dans le même sens. Forcément, ce sont toujours les mêmes "experts" qui tirent les ficelles dans l'ombre !
08/08/2015
Sacré Charlemagne (III) : c'est le français qu'il faut défendre
Dans le Marianne du 26 juin 2015, Pierre Nora, historien et académicien (et accessoirement compagnon d'Anne Sinclair) a pris la plume pour apporter son point de vue sur l'état de l'Éducation nationale et plus précisément sur le mouvement en cours de défense des langues anciennes, en l'occurrence surtout le latin.
Que dit-il ? En substance que l'on peut appréhender l'antiquité latine (sa culture, sa littérature, son art de vivre, etc.) sans forcément apprendre le latin comme une langue que l'on aurait à parler ou, du moins, qui nous servirait à lire les auteurs antiques "dans le texte". Il faut absolument que la jeunesse étudie nos bases culturelles mais pas forcément le latin en tant que tel, parce que cela demande de connaître la grammaire. Or, on ne lui apprend plus la grammaire...
Pour Pierre Nora, la priorité est donc d'apprendre le français !
"Un enfant qui ne dispose, à l'entrée du collège, que de 300 mots, par rapport à son voisin qui en maîtrise 1000, est condamné d'avance. Aucun avenir scolaire ni intellectuel ni social. Les discussions autour de la réforme du collège et des programmes ne sont que du vent tant qu'on n'aura pas pris à bras-le-corps le seul problème qui compte et détermine tout le reste : la lecture, la grammaire, le vocabulaire et l'orthographe, l'expression écrite et orale...
Défendons d'abord le français !".
Au point de délabrement où l'on en est, je pense qu'effectivement, il faut sauver les meubles et revenir aux fondamentaux comme disent les économistes : apprenons à tous le français, avec l'objectif qu'ils le maîtrisent parfaitement.
Ce qui, soit dit en passant, signifie que les enfants doivent apprendre les conjugaisons et se coltiner les grands textes ; on n'a rien sans rien.
Et tant pis s'ils s'ennuient ou se sentent humiliés...