04/08/2015
La lecture, c'est l'aventure (III) : ateliers d'écriture
Auteur de plusieurs ouvrages de littérature et de poésie, Véronique Pittolo anime des ateliers d'écriture dans le cadre des PARLE (Pratiques amateurs au rendez-vous de la lecture et de l'écriture) dont j'ai déjà parlé.
"Animer un atelier ne signifie pas embrigader dans un dispositif scolaire. Pour apprivoiser les personnes, je leur propose de travailler par exemple sur une passion : on peut écrire un poème sur le foot, sur la cuisine, etc.
On n'est pas obligé d'avoir fait des études supérieures ou de lettres pour écrire un poème. Il suffit de savoir faire une phrase : sujet, verbe, complément".
"Bernard Stiegler explique que nos sociétés formatées nous empêchent d'exprimer suffisamment de bon narcissisme (NDLR : c'est AL qui va être d'accord). Savoir que l'on peut avoir un élan créatif redonne un peu de ce bon narcissisme, dénué d'égocentrisme.
La démarche est valorisante : un amateur produit une œuvre, qui va être mise au propre, dactylographiée, voire imprimée. Il y met tout son cœur sans essayer toutefois d'être le meilleur. certains amateurs écrivent des choses géniales, sans le savoir. On peut être très créatif en étant amateur. le collectif de l'atelier est un espace de liberté, d'émancipation de la pensée. Chaque atelier est différent, on ne sait jamais ce qu'il va s'y passer… c'est une aventure".
Et quand on lui demande quel livre a eu le plus d'impact sur elle, Véronique P. répond, la chère enfant : "À la recherche du temps perdu (de Marcel Proust). Je l'ai lu trois ou quatre fois. C'est l'expérience de l'intériorité, si forte et si bien transcrite qu'elle vous accompagne et vous prend par la main".
Source : Le journal des activités sociales de l'énergie, juillet-août 2015
Alors, c'est décidé, on va dans des ateliers d'écriture, cet été ou la rentrée ?
07:00 Publié dans Actualité et langue française, Littérature, Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
03/08/2015
Le français, les successions et l'argent (II)
"Et Bob Dylan chantait... un truc qui m'colle encore au cœur et au corps" :
Fintech, cleantech, crowdfunding, business angels,
Advize, Fundshop, The Assets, Early Metrics,
Finexkap, Kisskissbankbank, Finsquare,
Lendopolis, Lendix, Unilend,
Yomoni, robot advisor, Interactive Brokers,
French Tech, France Fintech,
Disruptif et scalable
Partech Ventures,
Bankin', Payplug, Paytop, Leetchi-Mangopay, Lemonway,
Truffle Capital
Ce lexique en globish ou en franglais, je l'ai relevé dans Le Revenu du 31 juillet 2015 (n°1337)...
Dans l'article intitulé "Les fintechs dynamitent l'épargne et le crédit", le seul mot "moderne" écrit en français est "jeune pousse" (agréable francisation de start up et équivalent de "gazelle") !
Tout le reste est un ramassis de franglais et de noms de marque qui sont les calques de leurs équivalents américains.
Orléans, Beaugency, Notre Dame de Cléry, Vendôme…
Ça n'avait pas une autre gueule ?
Traduction :
fintech : équivalent de "biotech" pour la finance, c'est-à-dire sociétés du type 2.0 utilisant internet pour simplifier, rendre moins cher et capter le marché des services financiers à destination des entreprises et des particuliers
cleantech : idem pour le secteur de l'énergie
crowdfunding : financement participatif
business angels : investisseurs providentiels
robot advisor : programme informatique proposant des choix d'investissement à partir du profil de chaque épargnant
scalable : extensible au monde entier
tout le reste : des raisons sociales déraisonnables sur le marché français, destinées à des Français
Sur le fond, cela annonce la mort ou la reconversion draconienne des banques traditionnelles avec des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires. On parle d'ubérisation...
07:13 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
02/08/2015
Le français, les successions et l'argent (I)
Sûr que très peu de mes lecteurs ont besoin d'une banque privée… n'empêche que l'on peut s'intéresser à cette activité et au langage qu'elle emploie.
Ainsi ai-je lu dans Le Revenu un article qui donnait les "Sept conseils pour choisir sa banque privée" (n°1334 du 10 juillet 2015). Peu importe les conseils, regardons plutôt le nom des banques en question. Rien à dire sur Crédit Agricole, Oddo, Axa et Swiss Life, qui ont simplement ajouté le terme "banque privée" ou "gestion privée" à leur raison sociale. Mais c'est une autre histoire avec BNP Paribas (Wealth Management) et Société générale (Private Banking) : pourquoi ces termes anglais pour vendre des services à des clients français (fortunés, il est vrai mais français tout de même) ?
Sur la page d'à-côté, le titre annonce la couleur "À quoi sert le quantitative easing ?". Là on sait pourquoi personne n'a même eu l'idée de proposer et d'utiliser un terme francisé (assouplissement quantitatif en traduction littérale): les Américains pratiquent ce rachat massif de titres de dette depuis six ans, les financiers de la planète l'ont désigné par le terme anglais d'origine (qui n'explique rien du tout, soit dit en passant) et, quand la BCE s'est enfin résignée à faire pareil, ils ont gardé le terme (Bruxelles n'aurait de toutes façons pas loupé l'occasion d'enrichir son horrible jargon globish).
Peut-être plus grave : le gauchissement - pour ne pas dire l'envahissement - de notre Droit par le Droit anglo-saxon. Il y a vingt ou trente ans cela se faisait par l'américanisation consentie ; aujourd'hui, même plus besoin, l'Europe de Bruxelles y pourvoit !
Dans le Revenu du 24 juillet 2015 (n°1336) on apprend ainsi qu'à partir du 17 août, la loi qui s'appliquera par défaut à la succession d'un défunt sera celle de son pays de résidence. Donc, si vous décédez en Italie, la loi italienne s'appliquera. Le journal financier parle de "simplification bienvenue"… Voir...
Par la même occasion pourraient disparaître des spécificités (des traditions) françaises en matière successorale comme par exemple la réserve héréditaire… Mais les uniformisateurs en chef s'en fichent comme de leur premier billet de 10 euros ; leur terrain de jeu, leur bac à sable, va s'accroître dans des proportions réjouissantes ! C'est là que va pouvoir intervenir, comme dans les questions fiscales, l'optimisation, avec, comme il se doit, une dénomination anglaise. Le Revenu explique ainsi : "La planification successorale (estate planning en anglais) consiste à trouver la configuration optimale pour transmettre juridiquement et fiscalement son patrimoine dans un contexte international".
On est donc en train de bousculer un pan entier de notre droit pour faciliter 450000 successions par an qui comportent au moins un élément d'extranéité (du style : vous, Français, possédez des habitations en France, au Portugal et en Italie, et vous habitez et décédez au Portugal ; comment régler votre succession ?).
L'enchaînement des évolutions sur quelques décennies donne le vertige : dans un premier temps, internet et les voyages pas chers permettent à tout un chacun de courir le monde ; parallèlement, la désindustrialisation en France vous conduit à faire, à l'étranger, autre chose que du tourisme : travailler. Dans un deuxième temps, on change les règles du jeu - en pratique, on impose au monde entier le modèle anglo-saxon, y compris sa langue - de façon à "libérer les énergies". Le troisième temps ne se fait pas attendre : les mieux placés optimisent !
Précisons en passant qu'une fois encore la Grande-Bretagne (ainsi que l'Irlande et le Danemark) ont refusé cette "simplification".
Comme la coupe n'était pas pleine, Le Revenu ajoute dans un encart : "Va-t-on assister dans l'avenir à un forum shopping de résidence pour des parents qui souhaiteraient disposer d'une plus grande latitude dans leur choix de transmission en s'exonérant de la réserve héréditaire, absente dans nombre de pays anglo-saxons ?".
Bah voyons, bien sûr, puisque la société galope vers toujours plus de libertés individuelles au détriment de l'intérêt collectif, comme dirait Natacha.
Changeons-nous les idées :
07:00 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)