03/09/2015
Irritations XIX : dans les rubriques "Société" de la Presse de l'été
Entendu à la radio : "Ce film est devenu complètement culte". Le substantif "culte" déjà accolé frauduleusement à "film" dans l'expression "branchée" : "film-culte", est ainsi employé comme un adjectif...
Naturellement les journalistes ont baptisé d'un nom franglais l'évolution (inquiétante pour les métiers traditionnels) permise par internet et par les bases de données connectées : "l'ubérisation"...
Donnant la parole au patron de Facebook-France le 1er septembre 2015, l'insupportable Léa Salamé avait plein la bouche du vocabulaire à la mode autour des réseaux dits sociaux : "On like dans Facebook".
Le 24 juillet 2015, Marianne se lâchait complètement dans l'un de ses marronniers de l'été : "Famille Milliardaires low cost" (il n'y a pas de "s" à Famille à cause de la référence au jeu des sept familles, je suppose). Florilège du vocabulaire censément accrocheur de l'article de Valérie Hénau : "le marketing de la décote VIP", "elle adule les rich and famous", "le storytelling d'un quotidien", "la mise en ligne de son braggie - selfie destiné à faire bisquer les copains, de to bras -, le mauvais restau avec people, la win et la niaque, jeunes femmes (on dit it-girls), la grand-mère all-inclusive, une grande fan des resorts, le fils yuccie (young urban créatives), normcore, un vélo vintage, ses dehors chipos, le père share, une erreur de casting, ses ailes de jet-setteur, la reine des outlets chic, un magasin d'usine smart, booster son train de vie, pool party, jet set time, et bien sûr les happy few !
C'est tellement ridicule et irritant cette façon d'écrire pour attraper le bobo que ça en devient pitoyable ou alors c'est du second degré...
Allez, pour se refaire une santé, un coup d'œil dans le rétroviseur : suite à l'Académie de la Danse voulue et créée par Louis XIV, et qui a codifié la danse au XVIIème siècle, les écoles du monde entier emploient encore le vocabulaire français pour désigner les pas (entrechats, etc.), dixit Arte dans son émission sur le Roi-Soleil et les Arts (27 août 2015.
Ce qui illustre bien, une fois de plus, l'impact sur la langue d'une domination (militaire et culturelle comme celle de la France au XVIIème siècle ou en Algérie, ou économique comme celle des Américains aujourd'hui). À noter cependant que les jeunes Vietnamiens ne parlent plus ni français ni anglais...
07:00 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
21/08/2015
L'anglais, c'est pas cool, et l'français y'en a marre... apprenons donc le basque !
Ça y est, me revoici ! La pause est finie.
À la radio ce matin, l'annonce des livres de la rentrée 2015 : 589 opus ! Moins que l'an dernier et quasiment pas de "pointures" (c'est-à-dire d'auteurs à succès)... mais est-ce pour autant raisonnable ? Dans ce domaine comme dans d'autres, c'est le libéralisme qui règne, avec - en apparence - la concurrence libre et non faussée (selon l'expression orwellienne consacrée). Tout le monde (en théorie) peut s'exprimer - raconter sa vie, la vie de quelqu'un d'autre, ses phantasmes... ou imaginer une histoire - et que le meilleur gagne (c'est-à-dire bénéficie de bonnes critiques et/ou acquière un nombre respectable de lecteurs). Après tout pourquoi pas ?
Il paraît que cette année, c'est la famille qui a le vent en poupe, et certaines histoires de famille valent la peine d'écrire un bouquin, paraît-il...
Il y a aussi des sujets scabreux : dans la veine des Bienveillantes, une histoire de marivaudage dans un camp de concentration...
Bon, revenons à nos moutons.
Le 28 juillet 2015, sous le titre "Natacha et moi (VIII) : langues régionales", j'abordais la question de la ratification - ou non - de la Charte européenne des langues régionales et je prenais mes distances - une fois n'est pas coutume - avec ma chère Natacha, qui soutenait la ratification.
Quelques jours plus tard, le 11 août, butinant sur le site de l'hébergeur "haut ET fort", je tombai (eh oui, le passé simple est encore utile) sur le blogue "Marche romane", sous-titré "Littérature, lectures et quelques propos sur le monde qui nous entoure", et plus précisément sur son billet du 28 juin 2015 intitulé "La France, le français et les langues régionales".
Plusieurs raisons de s'y intéresser : d'abord le point de vue exprimé sur les langues régionales (malencontreusement confondues avec les patois...) est similaire au mien. Je cite : "Que serait la France si un Breton ne se sentait pas d'abord Français et s'il ne pouvait s'entretenir avec un Marseillais qui, lui, ne voudrait parler qu'en occitan ? Car reconnaître les langues régionales peut aller loin (accès à l'administration, à la justice, etc.). Tout en reconnaissant que tous les patois méritaient certes le titre de langue à part entière, j'insistais sur le danger qu'il y avait à leur donner un statut officiel".
Ensuite, le billet initial de ce blogueur sur le sujet a, semble-t-il, été censuré par l'hébergeur, au motif qu'une illustration (une carte des langues régionales) avait été utilisée sans autorisation. Bizarre, bizarre.
La troisième raison est la plus importante : c'est l'idée que, derrière cette affaire de la reconnaissance "administrative" des langues régionales en Europe, il y aurait de sombres manœuvres. Je cite encore : "Il ne faut pas perdre de vue que l'Europe, qui cherche à affaiblir les langues officielles de ses États membres (français, espagnol, italien) au profit de leurs différentes langues régionales, ne s'exprimera bientôt plus qu'en anglais".
Bien plus, un article de Yvonne Bollmann qui parle de "défaite politique de la France", évoque le rôle équivoque de l'Allemagne dans cette affaire et de certains groupes qui entretiennent la confusion entre "communautés ethniques", "minorités nationales traditionnelles" et "langues régionales". On peut y voir une attaque sournoise contre des États centralisés comme la France (Villers-Cotterêt !) et un retour aux vieilles lunes des "unités linguistiques" transnationales, du genre "Allemands des Sudètes"... Danger !
C'est un aspect que je n'avais pas perçu, et je m'étonne que Natacha n'ait pas enfourché à cette occasion son cheval préféré de la défense de la République une et indivisible.
Cerise sur le gâteau, Jean-Luc Mélenchon a également écrit - et de quelle manière !- sur le sujet (sur son blogue, le 19 septembre 2013).
15/08/2015
Escale du livre
Il y a, à Bordeaux, en avril, un Festival des créations littéraires...
Du 10 ou 12 avril 2015, ce salon accueillait "la plupart des écrivains actuels, d'Erri de Luca à Lyonel Trouillot". Vous ne les connaissez pas ? Moi non plus...
Et surtout il met en valeur le vivier des éditeurs de la région Aquitaine : William Blake and co, Le Castor astral, Finitudes, L'Arbre vengeur, Confluences, Monsieur Toussaint Louverture, Mirobole... Vous ne les connaissez pas ? Moi non plus...
Ces éditeurs ont tous une bonne raison (différente) d'exercer à Bordeaux, dont celle que la ville est l'une des plus agréables de France, mais aucun n'arrive à vivre de cette activité. Ah les braves gens (je ne plaisante pas) : après les écrivains bénévoles, les éditeurs bénévoles !
C'est rassurant que des gens se dévouent ainsi aux livres. Mais que nous, lecteurs potentiels, sommes ingrats ! Rien qu'à lire Proust chez Gallimard ou Marc Lévy chez j'sais pas qui... Alors qu'il faudrait faire vivre ces passionnés et ces esthètes, qui ont privilégié la vie douce devant les paysages de Mauriac !
07:00 Publié dans Actualité et langue française, Livre | Lien permanent | Commentaires (0)