01/08/2015
La lecture, c'est l'aventure (II) : l'étincelle
Dans ce dossier sur la lecture dont je parlais dans le billet du 31 juillet 2015, il y a les témoignages de cinq personnes qui parlent du livre qui les a le plus marqués. Ces déclarations enthousiastes sont toujours intéressantes.
J'en ai choisi une, celle de Anne T-R, attachée de direction.
"Je l'ai lu il y a au moins une vingtaine d'années mais j'y pense encore. D'ailleurs je le conseille souvent.
Ce qu'il me reste de cette lecture ? la délicatesse et l'animalité car Le parfum (de Patrick Süskind, 1985) fait appel à des sensations qui révèlent des sentiments. Il est à la fois profond et complètement superficiel. C'est une très belle expérience de lecture, à la fois crue et qui porte, aussi délicate qu'un doux parfum.
Tous les livres ne peuvent pas prétendre générer autant de sentiments différents. C'est un très bel ouvrage, pour tous les âges, justement parce qu'il a la particularité de faire appel à nos sens. Après l'avoir lu, on ne voit plus les choses de la même manière.
Souvent, on lit ce livre à l'adolescence, au moment des premiers émois. Il nous aide à nous recentrer sur nous-mêmes, il nous fait réfléchir sur ce qu'on aime vraiment. Il nous amène à nous écouter".
J'ai lu ce livre en février 2006, après avoir longtemps "tourné autour", et je n'en aurais pas parlé de la même façon. Voici ce que j'avais consigné dans mes notes à l'époque : "Une idée géniale : l'odorat remplaçant la vue et l'ouïe. Belle métaphore !
Et le destin d'un homme élevé au rang d'un mythe, un peu à la Garcia-Marquez. Pour le reste, le roman n'est pas vraiment passionnant, il est simplement curieux".
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31/07/2015
La lecture, c'est l'aventure (I) : PARLE encore
Les mondes se côtoient et se chevauchent...
Il y a le monde "visible", entretenu par les médias et par la pub ; celui d'internet, des tablettes et des téléphones évolués. C'est aussi, en ce moment, celui des plages à la mode - lunettes de soleil, apéros-paillotte et soirées jusqu'au bout de la nuit -.
Il y a le monde des passions ; celui des inconditionnels d'opéra, des spécialistes de jazz, des "fondus" de sport extrême, celui des festivals, des périples culturels, des triathlons au bout du monde.
Il y a le monde des "dessaisis" (du nom d'un livre passionnant de Gérard Desportes, Grasset, 2006, juste après le referendum sur la Constitution européenne qui a eu le résultat que l'on sait …), ceux qui sont revenus de tout et se fichent de ce qui se passe autour, repliés qu'ils sont sur leur violon d'Ingrès, souvent la chasse à la palombe dans le Sud-Ouest ou la veille dans les huttes de la baie de Somme.
Et puis il y a ceux qui passent des vacances tranquilles, en famille et entre amis, sans chichis ni remords, sans luxe ni médiocrité. Beaucoup d'entre eux s'installent dans des campings ou dans des villages de vacances de comités d'entreprise. Pour eux sont organisés des animations, des spectacles, des ateliers… Ils bronzent mais pas idiots ni avec les romans de Marc Lévy ou Guillaume Musso.
Je viens d'en avoir un exemple dans le "Journal des activités sociales de l'énergie" (n°366 de juillet-août 2015). Il contient un intéressant dossier sur la lecture.
Dans ces centres de vacances "mutualistes" des bibliothèques sont en libre accès (26375 nouveaux livres cette année). Une quarantaine d'auteurs viennent à la rencontre des vacanciers pour échanger avec eux.
Des partenariats ont été conclus avec l'association "Lire et faire lire", avec l'événement "Lire en short", avec le service culturel de la Sorbonne, avec les salons du livre de jeunesse de Cherbourg, Rouen et Montreuil, avec le salon "Livres en tête" et le salon du livre d'Arras, avec le Printemps des poètes.
Une exposition itinérante "L'aventure de la lecture" a pour but "d'ouvrir d'autres champs, de montrer le chemin du bonheur de lire". L'un de ses créateurs, Vincent Roy, explique : "Un bon roman est toujours une aventure qui nous transforme, on n'en ressort jamais tout à fait le même. Il nous ouvre des perspectives. Nos lectures nous emmènent vers l'autre, nous incitent à sa découverte et nous ouvrent sur le monde".
10:48 Publié dans Actualité et langue française, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
30/07/2015
Francophonie encore (I)
Dans le Figaro du 19 mars 2015, un article remarquable de Mathieu Bock-Côté, sociologue, chargé de cours à l'Université du Québec et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.
Il est (fort mal) intitulé "Les élites françaises aiment-elles encore la langue de Molière" car le propos n'est pas là.
Comme toujours dans les bons textes, ramassés, percutants, sobres et bien écrits, il faudrait tout citer. Je vais me contenter de ceci :
"Une langue meurt lorsqu'elle ne parvient plus à traduire une nouvelle époque dans ses propres mots et lorsqu'elle emprunte systématiquement à une autre langue les termes pour nommer les réalités nouvelles".
C'est quasiment une définition académique !
"Il y a dans l'anglomanie qui a gagné la France depuis quelques années un zèle autodépréciateur inquiétant, comme si elle croyait que le vocabulaire de la mondialisation était nécessairement anglophone, qu'on évoque l'économie financière ou de nouvelles technologies".
On ne dit pas autre chose dans ce blogue depuis plus d'un an maintenant.
"La France est peut-être seule capable d'inscrire la cause de la diversité des peuples au cœur de la vie internationale... Surtout, la langue française, dans le monde occidental, par son prestige de civilisation et par la puissance politique qui pourrait encore être la sienne, en est venue à incarner le point de ralliement contre la domination de l'anglosphère".
Peut-on rêver plus bel hommage et plus forte exigence posée à notre résistance ?
Dernière idée très forte dans cet article, le lien indestructible entre langue et littérature :
"Mais on ne saurait défendre une langue sans célébrer son génie. Et c'est ici que l'éloge de la langue française se confond avec celui de la littérature française.
Qui s'y plonge s'éduque.
Encore doit-on y voir non pas seulement une série de fables amusantes pour distraire l'esprit mis bien une part vitale de patrimoine de l'humanité. Encore doit-on aussi la parler dans sa richesse et la sortir de la gaine étouffante de la langue des communicants.
On n'en sort pas : une langue qui s'arrache à sa littérature se suicide".
Je m'en voudrais d'ajouter quoique ce soit...