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17/05/2015

Carrefour du franglais (II)

Je vous parlais hier de la pétition du syndicat CGT de Carrefour à Nîmes.

Et en voici le texte :

Le syndicat CGT du magasin Carrefour Nîmes-Sud, présente une pétition de protestation contre la politique anglicisante de Carrefour et, plus avant, contre la politique d’anglicisation qui s’opère actuellement en France et partout en Europe

Madame, Monsieur,

Les signataires de la présente pétition, lancée par le Syndicat CGT de Carrefour Nîmes-Sud, demandent à M. Georges Plassat, Président-directeur général du groupe Carrefour, de faire le nécessaire pour que le caractère anglicisant de Carrefour cesse, afin de ne plus polluer l’environnement francophone de notre pays.

Ils demandent, entre autres choses pour cela, que les produits Carrefour soient nommés en français, que les noms "drive", "market", "city", "property", etc. soient changés par des appellations respectueuses de notre langue, que la musique d’ambiance des magasins ne soient pas majoritairement en anglais, que les annonces de sécurité qui y sont données, si elles sont traduites en anglais, le soient également dans, au moins,  une autre langue étrangère, que les slogans publicitaires ne soient pas en anglais comme le fameux et humiliant "Monday, happy day", etc.

Ils demandent aussi qu’une commission de terminologie soit créée à Carrefour, afin d’éviter l’emploi abusif et    systématique de termes anglais chaque fois qu’apparaît un nouveau concept (le "Cross marchandising", le "remodeling", la "Supply Chain", le "e-learning", le "self scanning",  par exemple).

Enfin, ils se permettent de rappeler à Monsieur le Président-directeur général que la langue du commerce, c’est celle du client, et pas forcément en priorité et systématiquement, celle de Mickey.

 

Les éléments qui accompagnent la pétition sont très intéressants, à lire. J'en résume ci-après les idées-forces.

D'abord l'intuition qu'il y aurait une relation entre la perte progressive des acquis sociaux (NDLR. Voir la lame de fond contre les systèmes de protection sociale, dans tous les pays développés, depuis le début des années 80, c'est-à-dire depuis Miss Maggie et Ronnie Reagan) et la perte de sa propre langue au profit de l'anglais (NDLR. Ou du globish plus exactement), la langue des financiers qui veulent gouverner le monde (NDLR. Ou plus simplement qui savent ce qui est bon pour lui et pour leur propre portefeuille…).

Ensuite le constat qu'en France, qu'ils soient de droite ou de gauche, les gouvernants semblent obsédés par l'objectif d'imprégner toujours davantage de cerveau de nos enfants avec l'anglais, et cela dès la maternelle (NDLR. Voir la récente et déplorable loi Fioraso).

Et que la notion républicaine de "liberté", qui rimait en France avec "égalité" et "fraternité", est remplacée de plus en plus par son acception anglo-saxonne, en résumé par celle du renard dans le poulailler.

Que cela vient de l'adoption généralisée du modèle anglo-américain, à savoir le libéralisme, qui se fiche des valeurs de la République française et se craint pas de fouler aux pieds sa langue même.

L'implication de tout cela est claire : il est temps de se révolter contre cette dictature et en premier lieu de refuser la politique qui consiste à mettre de l'anglais en tout lieu et en tout domaine.

Avec une exigence habile (NDLR. C'est celle de tous les militants de la francophonie, et de Claude Hagège entre autres) : partout où il y a de l'anglais, qu'il y ait aussi, à égalité, d'autres langues étrangères (NDLR. Je pense qu'il devrait y avoir en priorité l'allemand, au titre de l'Europe et l'espagnol, au titre de sa diffusion mondiale), sous peine de plainte pour discrimination.

Abdou Diouf.jpg"Soyons des indignés linguistiques" a dit Abdou Diouf, ancien Président du Sénégal et géant (1,98 m…) de la francophonie.

Quel plus beau programme ? quelle meilleure justification du combat de ce blogue ?

 

 

16/05/2015

Carrefour du franglais (I)

Il y a déjà quelques années que, dans nos campagnes et dans nos villes, les magasins Carrefour nous choquent avec leurs enseignes : quelques hurluberlus de la direction de ce géant de la distribution ont cru malin - et surtout potentiellement rentable - de rebaptiser leurs lieux de vente avec des noms anglo-saxons. Et on a vu fleurir des Carrefour Market, Carrefour City and so on (Il est vrai que ses concurrents ne sont pas en reste avec par exemple les Monop'Daily et Casino Shop de Casino).

À quoi sert ce délire ? Il n'y a pas ici de concurrence internationale, il n'y a pas de rentabilisation à l'export à attendre, c'est du local, du franco-français, c'est même parfois de la clientèle captive quand Carrefour est seul sur une zone de chalandise. Alors quoi ? Mystère...

Il avait été dit que le nouveau PdG Georges Plassat n'était pas fan de cette trouvaille de son prédécesseur. Mais depuis sa nomination, rien. GDF Suez peut bien dépenser des dizaines de millions d'euros pour se rebaptiser Engie, et Suez Environnement tout autant pour désigner de ce seul nom toutes ses filiales (Degrémont…), apparemment Carrefour ne peut pas trouver quelques petits millions pour respecter l'esprit et la lettre de la loi Toubon...

Apparemment tout le monde s'en fiche... Toute la Gaule ? non, un noyau d'irréductibles, fédérés par le syndicat CGT de Nîmes, a décidé de réagir et a créé pour ce faire une pétition. La voici :

http://www.petitions24.net/non_a_langlicisation_de_carref... 

On y apprend que Carrefour donne des noms anglais à ses produits : First Line, Blue Sky, Top Bike, Green Cut, Bootstore, Ooshop, Pomelos Drink, etc., avec les majuscules siouplaît !

Claude, pardonne-leur, ils sont devenus fous !

À la lecture des pages saumon du Figaro du 25 avril 2015, on pouvait se remettre à espérer car on apprenait que Carrefour allait tester une nouvelle enseigne "Bon app !", sans point après l'abréviation "app" mais en français tout de même.

Tenez-vous bien : c'est quoi pour Carrefour ce "nouveau format de proximité" ? C'est Leur enseigne snacking ! Désespérant.

Elle me parlait anglais tout le temps 
Je lui répondais deux trois mots bidon 
Des trucs entendus dans des chansons 
Consternation… 

 

15/05/2015

Jean d'O. fait parler de lui (II)

Édité dans la Pléiade, et de son vivant ! Même Chateaubriand n'y avait pas eu droit...

Ça y est : quatre romans de Jean d'Ormesson (Au revoir et merci, La gloire de l'Empire, Au plaisir de Dieu, Histoire du Juif errant) vont être publiés dans la prestigieuse collection La Pléiade.

La Pléiade.jpgAvant lui, il n'y avait eu que Malraux, Gide, Yourcenar et Kundera. Pas mal comme entourage.

Jouez violons, sonnez crécelles : immédiatement Le Figaro, dont il fut directeur, s'est empressé de remplir de pleines pages sur l'événement. Et, pour clamer l'hommage, qui de mieux qu'un Prix Nobel de littérature ? C'est Mario Vargas-Llosa qui s'y est collé.

Et il l'a fait de façon très habile, je veux dire qu'il loue sans flagornerie ni excès.

Il tient ainsi Jean d'Ormesson pour "l'un des meilleurs continuateurs de la grande littérature française" ; il ne dit pas que ses romans sont géniaux ni qu'il est l'égal de plus grands. Il ajoute que cette promotion est justifiée par "l'excellence de son style, qui marie astucieusement l'élégance des classiques à l'audace des modernes, ainsi que par sa culture, la profondeur de sa pensée et l'envol de son imagination". Ça veut tout dire et rien dire mais c'est laudateur...

"Jean d'Ormesson sait raconter des histoires et séduire ses lecteurs par la subtilité de ses thèmes et la trempe de ses multiples personnages". "C'est un intellectuel qui croit au progrès, un esprit pragmatique…".

Mario Vargas-Llosa revient ensuite à sa propre histoire. "C'est pourquoi j'ai appris le français, et les écrivains classiques et modernes ont imprégné ma jeunesse" (Jules Verne, Alexandre Dumas, Victor Hugo, puis tout Balzac, Les Thibault de Martin du Gard, Zola, Montaigne, et la richesse presque infinie de la littérature française : Baudelaire, Flaubert, Stendhal, Proust...).

"… Toute personne ayant vocation littéraire, artistique ou intellectuelle, devait faire par elle-même, dans sa chair, l'expérience française pour être à l'avant-garde de la connaissance et de la créativité".

Sa libraire de Lima était si amoureuse de la langue française que, lorsqu'il lui a offert son premier roman, elle lui a dit "J'espère qu'on le traduira bientôt pour que je puisse le lire en français" !

À noter que Vargas-Llosa entre lui aussi dans la prestigieuse collection, aux côtés des plus grands. Et que cette annonce l'a plus ému que le prix Nobel.

Roberto Calasso, essayiste italien, voit dans Jean d'Ormesson la cohabitation de deux "lignées" de la littérature française (Stendhal et Chateaubriand).

Arturo Pérez-Reverte, écrivain espagnol, "a suivi son œuvre littéraire avec intérêt et respect".

Et Alaa El Aswany, romancier égyptien, écrit "Jean d'Ormesson réussit ce qui est le plus difficile et le plus exigeant en littérature : être à la fois simple et profond… Il est honnête… et sincère".

Au total un bel hommage, pour un parcours remarquable et une vie bien remplie.

En mars 1970, l'année de la séparation des Beatles, l'année de Chicago et de Pink Floyd, Jean d'Ormesson est à Londres pour rencontrer Laurence Durrell en vue d'un entretien télévisé...

Le 24 décembre 1982, à la mort d'Aragon, il écrit "Je l'admire plus que personne".