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16/10/2014

À la recherche du français perdu...

Dans son livre de 1999, voici ce qu’écrivait Jean Dutourd, que je vous ai présenté succinctement dans le billet du 11 octobre 2014 :

… une rubrique de bon langage comme celles qui fleurissaient dans la presse au temps où les Français étaient persuadés que la littérature était l’expression même de leur génie et qu’il n’était pas ridicule de descendre aux plus infimes minuties grammaticales.

… notre langue était l’instrument le plus approprié pour aller jusqu’au plus caché de l’être, le bistouri permettant de tout disséquer dans l’esprit.

… La première des deux guerres réelles de notre temps est celle opposant la science, la technique, l’industrie à la philosophie et aux lettres ; la seconde, qui en découle, et n’est pas moins furieuse, a lieu entre les langues saxonnes et les langues latines.

… Le purisme (NDLR : à propos du bon français, dans sa rubrique du Figaro) est très amusant… mais c’est un amusement du temps de paix et de bonne compagnie. Le pratiquer, en 1998, est une activité dérisoire, telle que de s’appliquer à arracher les mauvaises herbes dans un jardin pilonné par les bombes. Si les bombes cessent un jour de tomber, on pourra recommencer à sarcler.

… Et je me suis aperçu aussi qu’en traitant du langage, je touchais aux mœurs, à la politique, aux vices des Français de maintenant, que je pénétrais même quelques secrets de la bêtise du XXè siècle…

Le langage conditionne tout, il est la charpente et le ciment des civilisations… Submerger la langue sous un afflux de mots étrangers et de néologismes hâtifs fabriqués par des techniciens ou des marchands finit par détruire non seulement la langue elle-même mais encore le passé, l’histoire, les coutumes, les traditions, les métiers, les vieilles recettes et surtout cette chose si charmante qu’est le génie national, par la vertu duquel les hommes sont différents les uns des autres et le monde agréable par sa variété.

Il s’agit de rendre les hommes identiques d’un continent à l’autre. Travail de longue haleine, qui commence par imposer un patois commun, le reste découlant de cette première violence. Mais est-ce une violence seulement ? Les pays sont consentants. Rien ne leur semble plus élégant que de se transformer en colonies et de parler petit-nègre.

… (Une langue ne peut que s’enrichir des apports extérieurs, certes) mais à condition que ces apports soient peu nombreux, afin que la langue ainsi nourrie les digère à loisir, non pas si on les déverse par tombereaux…

…(Les lexicographes) maintenant mettent un point d’honneur à n’être que les journalistes du langage ; c’est à qui attrapera le premier la moindre scie américaine ou argotique fraichement éclose dans la publicité ou les plus anodins échanges de propos… sous couleur qu’il est essentiel de suivre pas à pas « l’évolution de la langue ».

La langue française est belle parce qu’elle est vieille… Chaque mot a été roulé par les âges…

… quand apparaît un vocable inédit, au sens indécis, à consonance étrangère ou scientifique, il a vite fait de se substituer aux termes anciens qui étaient non seulement esthétiques mais encore adéquats ; il les mange comme un loup ou un bacille.

Remplacer un mot français par une des ordures linguistiques actuelles, cela revient à commettre un acte de vandalisme comme de casser le bras d’une statue ou de barbouiller de peinture la noble porte cochère d’un hôtel du XVIIè siècle.

 

La langue française est en état de siège. Il ne tient qu’à nous que ce soit le siège de Paris, dont nous ressuscitâmes très vite, et non celui de Troie au terme duquel la ville fut rasée définitivement.

 

Tout est dit, et avec force !

On ne découvre jamais rien, hélas, et ce blogue ne fait que reprendre des constats et des protestations déjà publiées, et par un Académicien s’il vous plaît, en 1999…

Résumons ; quelles sont donc les grandes lignes de l’analyse que nous partageons avec Jean Dutourd ?

1.   Le franglais et le galimatias ont pour cause principale le snobisme ;

2.   Cette rage de parler franglais est corrélée avec l’autodénigrement et le renoncement propres aux Français d’aujourd’hui ;

3.   La langue, c’est le génie d’un peuple ;

4.   Il y a un complot qui vise à l’uniformisation via un patois universel ;

5.   Une langue ne s’enrichit des apports extérieurs que s’ils restent peu nombreux (et aujourd’hui, il y en a beaucoup trop) ;

6.   Les dictionnaires « pompent » sans discernement le moindre mot nouveau, étranger ou argotique ;

7.   Les mots du français ont été façonnés par le temps qui a passé ;

8.   On les remplace sans raison valable, par des mots nouveaux, qui phagocytent les anciens ; c’est un massacre ;

9.   L’heure est grave mais il ne tient qu’à nous de réagir et d’éviter la disparition de notre langue.

15/10/2014

Irritations IV et satisfaction I

Commençons par les irritants, et d’abord, Premier oblige, par le Premier Ministre (de la France) qui n’a pas pu s’empêcher de faire moderne en déclarant sur Twitter que le prix de la Banque de Suède attribué à Jean Tirole était une revanche sur le french bashing… Honte à lui ! Prétendra-t-il encore enseigner le bon français aux petits Français ?

Il faut dire que c’est un prêté pour un rendu concernant le lauréat, qui n’avait pas trouvé mieux, rentrant des États-Unis , d’appeler Toulouse School of Economics, l’école qu’il avait créée (probablement en échange de son retour…). Nougaro avait dû s’étrangler là où il est (avec trois accents bien placés, voir mon billet prochain à ce sujet).

 

Satisfaction maintenant d’entendre l’ancien Premier Ministre, Alain Juppé, sur France Inter (le 7-9 du 14 octobre 2014) susurrer, sans en avoir l’air, à propos des sondages très favorables qui le placent en tête : « ça faseille »… J’ai dû ouvrir mon dictionnaire car, bien que comprenant son sens, je n’arrivais pas à visualiser le verbe en question.

Faseiller ou faseyer, c’est du vocabulaire maritime qui signifie battre ou claquer, pour une voile qui reçoit mal le vent.

Bravo, Alain, c’est la grande classe ! On te connaissait cycliste, on te découvre marin ; on te connaissait inspecteur des finances, on te découvre littéraire !

Enfin, pas vraiment car, rappelons-nous, Alain Juppé est celui qui avait remis à l’honneur le merveilleux mot « calamiteux » (à propos du bilan de ses prédécesseurs). C’est donc un récidiviste du bon mot qui fait mouche.

14/10/2014

Courage, on n'est pas seuls

L’hebdomadaire Marianne, dans son numéro du 3 au 9 octobre 2014, écrit dans la péroraison de la chronique de Jack Dion (d’ailleurs pourquoi pas Jacques Dion ?) : « On célèbre la francophonie, au point d’écrire un rapport par an sur le sujet. On rappelle que la langue française est la quatrième parlée au monde. Mais on laisse le sabir anglo-saxon envahir l’univers quotidien et formater les esprits.

On en demandera pardon à nos cousins québécois, placés en première ligne, qui savent que le verbe résister se conjugue aussi au présent ».

Et de citer une trentaine de mots franglais, dont, j’avoue, je ne connaissais pas la moitié (tant mieux pour moi). Voici l’article entier :

Les mots pour le dire Jack Dion Marianne 3 au 9 octobre 2014.jpg

 

Coup de chapeau également à la revue financière « Le Revenu » qui  a introduit un critère « abus du franglais » dans son évaluation des sites internet des sociétés du CAC 40 (voir extrait de son numéro 1297 du 9 octobre 2014 ci-dessous).

Le Revenu abus de franglais.jpg

C’est dire, d’une part que le mal est grave et d’autre part que nous ne sommes pas seuls, que certains journalistes et honnêtes hommes des temps modernes sont de notre côté, nous autres qui résistons…

Courage, Astérix !