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27/04/2015

La Comtesse disparaît mais fait moins de mal que craint

Moins ambitieux que Michel Crépu avec sa relecture de "tout Balzac", j'ai relu l'alpha et l'omega des aventures d'Arsène Lupin, à savoir son amour de jeunesse en 1894 pour la Comtesse de Cagliostro (publié en 1924) et sa dernière aventure "La Cagliostro se venge", alors qu'il a cinquante ans (publié en 1935).

Dans le premier opus, un style alerte, bucolique, des rebondissements, pour décrire la vie insouciante et passionnée d'un jeune homme qui fait ses armes dans la résolution d'énigmes, la cambriole souriante et… l'amour. L'amoureuse, c'est la maléfique Joséphine, qui fait irrésistiblement penser à la Milady de Dumas. À l'arrière-plan, les petites routes sinueuses de Haute Normandie. C'est presque la Belle Époque, les voitures sont encore tirées par des chevaux et les domestiques omniprésents. Quant à Joséphine, malgré ses qualités d'exception qui la font l'égal d'un homme d'exception, elle a de ces faiblesses "de femme", des crises nerveuses qui sont son talon d'Achille.

La Cagliostro se venge.jpgOnze ans plus tard, et une trentaine d'aventures plus tard, le décor est la grande banlieue de l'Ouest parisien (Le Vésinet, Chatou, Croissy) et l'enjeu est d'échapper au dernier piège infernal tendu par la Comtesse, qui joue l'Arlésienne. On n'est plus dans "Les trois mousquetaires", on est dans Conan Doyle ou même dans le Gaston Leroux du "Mystère de la chambre jaune" : des malversations, des affaires imbriquées - amour, jalousie, vengeance - et au bout du compte des crimes imbriqués. Arsène Lupin ne ridiculise plus la police, ne se moque plus de la justice, il a rendu des services, il est devenu quelqu'un qui compte et peut collaborer. Plus de trésor des Rois de France, du privé, rien que du privé. Le style est plus terne, plus de facéties, ou si peu.

Dans l'édition du Livre de poche de 1964 de la Comtesse, j'ai noté, page 268 : "Ils se guettaient comme pour trouver le point faible où la blessure serait le plus décisive". Rappelons-nous ce que disent de cette expression nos bons maîtres de l'Académie : "C'est le matin que la rose est le plus belle" car on peut remplacer "le plus" par "au plus haut point". En d'autres termes, on compare entre eux les différents états d'une même rose ou d'une même blessure. L'article est alors invariable. Bravo Maurice !

Page 243 : "De cela et de ce que la justice peut penser, je m'en charge". Ici, c'est la virgule qui fait tout : tant qu'elle est là, c'est une apposition et Maurice Leblanc a raison. Si elle est absente, c'est une simple inversion de l'ordre des mots de la phrase, qui doivent alors s'écrire comme dans la phrase sujet-verbe-complément : "De cela… je me charge", puisque "en" qui équivaut à "de le" ou "de ça" est maintenant inutile. Bravo, Maurice.

Page 343 : "La liberté de partir d'ici, sans que Léonard ni toi ne remuez d'un seul pas". Pardon, Votre Honneur, c'est incorrect. Non pas la deuxième personne du pluriel (puisque Lupin s'adresse à Léonard et à la Comtesse) mais le présent de l'indicatif ! Il fallait écrire "ne remuiez", présent du subjonctif.

Page 420 : idem avec la phrase "N'est-ce pas, il arrive que tu te fais horreur ?". J'aurais écrit "que tu te fasses horreur".

 

 

26/04/2015

TAFTA=TTIP=PTCI

L'autre jour, je vous parlais du TAFTA, voulant parler du projet d'accord transatlantique, négocié depuis pas mal de temps entre la Commission européenne et les États-Unis, dans la plus grand secret.

Mais que veut dire l'acronyme TAFTA ?

J'avais donc utilisé un acronyme sans savoir exactement sa déclinaison… Aujourd'hui, je découvre que c'est un acronyme américano-bruxellois et qu'il aurait mieux valu utiliser TTIP qui doit être plus "franco-belge", une sorte de traduction.

Mauvaise pioche : il n'y a pas un mais deux acronymes américains ! 

Voici ce qu'en dit le site "La quadrature du net" :

Négocié depuis le mois de juillet 2013, TAFTA, l'accord commercial trans-atlantique ou Trans-Atlantic Free Trade Agreement (aussi connu sous le nom de TTIP, Transatlantic Trade and Investment Partnership ou Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement) est un projet d'accord commercial entre l'Union européenne et les États-Unis. Il concerne des domaines aussi variés que l'accès aux médicaments, la sécurité alimentaire ou le règlement des différents privés-publics. Les négociations, menées par un petit groupe de fonctionnaires non élus, sont censées durer au moins jusqu'à fin 2014.

Malgré le rejet de l'accord commercial ACTA en 2012 et les mises en garde de la société civile, les membres du Parlement européen se sont exprimés en faveur du renforcement de la protection des droits d'auteur, des brevets et des marques dans le mandat autorisant la Commission européenne à négocier TAFTA. En outre, ils ne se sont pas opposés à la tenue de ces négociations dans l'opacité, et n'ont pas exigé leur suspension en réaction à l'espionnage par la NSA des négociateurs européens.

Tous ces éléments laissent craindre que les négociateurs pourraient profiter de TAFTA pour tenter une nouvelle fois d'imposer des mesures répressives au nom de la protection des intérêts de l'industrie du divertissement, ou d'autres mesures attaquant nos libertés sur Internet. Dès maintenant et jusqu'à la fin des négociations, il est donc essentiel que les citoyens fassent entendre leur voix et se mobilisent pour éviter que ce nouvel accord commercial puisse porter atteinte à nos libertés fondamentales et à un Internet libre.

 

25/04/2015

Et ça continue encore et encore ! (II)

Le syndicat FO a déclaré : "C'est la réforme du renoncement à l'instruction, à la transmission des connaissances, à la culture, à l'égalité".

Il est vrai que réformer est très difficile, surtout dans le domaine de l'éducation et des programmes scolaires. Chacun croit savoir ce qu'il faut faire et a ses idées bien arrêtées sur ce qu'est "le socle commun des connaissances indispensables" et sur ce qu'est la culture. Quant à l'égalité… laisser certains élèves étudier le latin, est-ce sacrifier l'égalité ?

L'arrivée des EPI "Enseignements pratiques interdisciplinaires", avec lesquels la ministre veut remédier à l'ennui des élèves (sic), avec des thèmes comme le développement durable et la citoyenneté, a fait réagir les professionnels de l'éducation.

Le Figaro du 17 avril 2015 cite quelques-unes des perles de la novlangue pédagogiste :

  • "Se déplacer… dans un milieu aquatique profond standardisé" pour parler d'une piscine.
  • "Créer de la vitesse" et "traverser l'eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête" pour dire "courir" et "nager".
  • "Produire des messages à l'oral et à l'écrit" pour "répondre à son professeur d'histoire-géographique".
  • "Aller de soi et de l'ici vers l'autre et l'ailleurs", objectif du programme "Langues étrangères et régionales".
  • "L'étayage entre pairs" pour qualifier le débat.
  • "L'oral scriptural" pour désigner un oral formel.
  • "L'éducation aux médias est mise en œuvre, et organisée de façon spiralaire"… No comment.

Sont-ils fous ?

Ici on parle français.jpgCombattre le jargon amputé et prétentieux des pédagogistes, c'est une tâche que je n'avais pas assignée à ce blogue, tout obnubilé que j'étais par l'invasion du franglais. Mais le jeu en vaut la chandelle. D'autant que les pédagogistes ne sont pas les seuls à jargonner. On trouve sans nul doute cette même dérive dans tous les métiers et tous les domaines d'activité. C'est aussi ce que dit Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes (CSP).

Tout n'est pas perdu puisqu'on a échappé à certains délires du CSP qui avait suggéré le thème "La France, terre d'immigration depuis la nuit des temps" en histoire, pour que les élèves étudient les phénomènes migratoires ; et également d'avoir recours à la "langue première" à l'école élémentaire pour représenter la diversité de la société française...

Pierre Jacolino, professeur de français, déclare : "On assiste au retour d'une grammaire moderniste… Elle est très jargonnante, techniciste et plus complexe que la grammaire traditionnelle… On réintroduit des notions inutiles comme la situation d'énonciation". Il parle de "nettoyage par le vide" à propos de l'introduction au forceps des "projets" à la place des disciplines.