14/06/2015
Ironie, ricanement et persifflage
J'ai été titillé par le "Commentaire" d'Alezandro, qui semble être un lecteur fidèle et actif, à propos de mon billet sur Fleur, actuel ministre de la culture.
Il a écrit "L'ironie mène le monde".
Je n'ai pas su deviner s'il parlait de mon ironie à moi ou de l'ironie du chroniqueur de Marianne que je citais...
Pas su interpréter non plus le "ton" de ce commentaire : était-ce un simple constat (fataliste ? réaliste ?) ou bien un regret, le reflet d'un certain abattement de la part de quelqu'un qui aimerait un monde apaisé, sans agression aucune… ?
En même temps, ce commentaire formulé comme un aphorisme se veut définitif : "n'oubliez pas, les gars, l'ironie mène le monde". D'habitude, on entend plutôt : "la finance mondialisée mène le monde", "la recherche éperdue du profit mène le monde". dans les années 30, c'était "Les 200 familles mènent le monde (hexagonal)". Mais là, ce serait l'ironie.
Ironique, Barak Obama ? Ironique, Vladimir Poutine ? Ironiques, les marchés ? Ironiques, les fanatiques, les terroristes, les criminels ? Ironiques, les bénévoles et les anonymes qui, partout dans le monde, essaient de sauver ce qu'ils peuvent ?
Ou alors c'est peut-être que, justement, il ne faudrait pas être ironique parce que cela nuirait au dialogue, à l'objectivité, à l'analyse raisonnée. Pas d'ironie, respect ?
L'ironie est aussi la défense des faibles, en tous cas de ceux qui se sentent impuissants ; elle est ministre (jusqu'à sa révocation, et alors elle récupérera au minimum un poste honorifique avec un fromage quelconque), elle a fait les études "qui vont bien", elle dit ce qu'elle veut, et le bon peuple ne peut qu'enregistrer tout cela les bras ballants, puisque ça lui passe au-dessus de la tête ; il se présente donc un intermédiaire qui propose une sorte de catharsis ou de contrepartie sous forme de traits d'esprit, de remarques perfides et de mises en perspective amusantes : l'ironie.
Je me doute qu'un Bergson, un Michel Onfray, plus sûrement un Milan Kundera, ont bien dû écrire de fort belles choses sur l'ironie, en extrayant tout le suc du sujet. Et rien ni personne ne vaut Voltaire.
Mais je n'ai pas leur profondeur ni leur cursus philosophique. Je ne peux guère en dire plus.
Et, au demeurant, le billet était-il ironique ? Un petit peu quand Guy Konopnicki a brodé sur "la culture inculte", "l'illettrisme littéraire" et les jeunes intoxiqués par Bach… Mais sinon ? Ce n'était que citations d'un discours du ministre de la culture, qui, à mon sens, sont choquantes et méritaient d'être dénoncées.
11:54 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)
13/06/2015
Jolie femme et bête noire
Comment une jolie femme peut-elle devenir la bête noire de certains ? En racontant n'importe quoi !
Il y avait déjà Najat, qui défend jusqu'au bout le n-ième épisode de démolition de l'école, préparé par les pédagogistes et babas cool de son ministère...
Il y a aussi Fleur qui a eu droit à une chronique consternée de Guy Konopnicki dans le Marianne du 17 avril 2015 sous le titre "Sans couronnes et surtout sans Fleur"...
Selon le journaliste, Fleur Pellerin, qui avait déjà déclaré qu'elle lisait plus de rapports que de livres de Patrick Modiano (ce qui ne semble pas difficile vu qu'elle n'en a lu aucun…), a aggravé son cas en donnant récemment sa conception de la culture : se plaçant dans le camp de ceux qui n'ont pas "reçu la culture en héritage", elle fait écho au "rapport anxiogène à l'école", au "devoir culturel des jeunes", à "une certaine forme d'enfermement dans la culture classique"… Cécile Ladjali a dû mal digérer son café au lait ce matin-là.
Et Guy Konopnicki d'ironiser "Il existerait donc encore, de nos jours, dans les quartiers populaires, des écoles et des institutions menaçant d'enfermer les jeunes dans la culture classique ! Et ces jeunes, saturés de Corneille, écrasés par Flaubert, menacés de surdité par l'écoute excessive de Bach et aveuglés par les lumières des impressionnistes, se sentiraient exclus, et niés dans leurs aspirations".
Si un ministre, formé dans les meilleures écoles (voir son CV de deux pages dans Wikipedia), le dit, ça doit être vrai.
Fleur Pellerin pourfend "le mépris de classe" qui ne reconnaît que "la culture cultivée". C'est Bourdieu au ministère ! Son souhait est-il de reconnaître enfin "la culture inculte, le savoir ignorant, l'illettrisme littéraire" ? Comme exemple de la "culture inclusive" qu'elle appelle de ses vœux, elle ne trouve que le street art… Pas mal pour un ministre de la culture français et normalement francophone.
Rendez-nous Jacques Lang !
Il faudrait en effet "prendre en compte les codes des jeunes" (encore un anglicisme : to take into account), afin qu'ils s'expriment "à partir de leurs pratiques".
C'était donc le sens d'une récente intervention sur LCP de Mme Pellerin, ministre de la culture (je ne mets plus de majuscule à culture dans ces conditions), bien dans la ligne générale actuelle de laisser-aller et laisser-faire, de peur des vagues, d'hypocrisie, de caresse dans le sens de tous les poils...
Au fait, que vient faire dans tout cela le fait que ces jeunes ministres inexpérimentés qui veulent bien faire, seraient de jolies femmes ? Rien du tout ! Ça n'a rien à voir. C'était simplement pour donner l'occasion d'un titre un peu mystérieux...
et comme prétexte pour inclure la photo de Fleur, tout spécialement pour mon lecteur fidèle FPY !
07:30 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (2)
12/06/2015
Irritations XVI
Vous en avez sûrement presque autant marre que moi, chers lecteurs...
Donc je devrais m'arrêter et poursuivre d'autres vieilles lunes, sans doute. Mais comment se résigner à autant de snobisme, de bêtise, de soumission (je précise tout de suite : soumission au modèle américain) ?
Et puis n'est-ce pas l'une des ambitions de ce blogue, au-delà de la dénonciation, de la critique, de la satire (toujours recommencées), de répertorier, d'analyser, de classer toutes ces entorses quotidiennes, non pas même au beau langage, mais tout simplement à une langue claire, sobre, précise et respectueuse de ses racines ?
Voici, en conséquence, mes dernières irritations.
Le 10 juin 2015, sur France Inter, dans l'émission Carnets de campagne, on parlait d'une "initiative citoyenne" dans le Morbihan visant le "zéro déchet". Fort bien. Un groupe de bénévoles a réussi à empêcher de nouvelles dépenses sur le plus vieil incinérateur de France, en convainquant un à un 56 élus qui s'apprêtaient à valider une dépense sans en connaître les tenants ni les aboutissants. Magnifique. Et alors, quel âge cet incinérateur ? "44 ans d'âge" entend-on dans le poste… C'est quoi ce français ?
Nous disons depuis des lustres : "Il a 44 ans" et non pas "Il a 44 ans d'âge". D'ailleurs de quoi d'autre pourrait-il avoir 44 ans ? "Il aurait 44 ans de poids", "Il aurait 44 ans de hauteur", "Il aurait 44 ans de longévité" ? Déjà que la mode agaçante s'était répandue sur les bouteilles de whisky et de rhum ("Le 12 ans d'âge"), ça suffit.
Soit dit en passant, les Anglais disent "He's 44" et les Allemands "Er ist 44". Alors...
Encore quelques perles (si l'on peut dire) glanées dans les écrans de pub à la télé (BFM-TV le 3 juin 2015) :
- RISO Productive printing
- CEGID Cloud services
- OPEL Corsa Wir leben Autos
Et dans les innombrables pages de pub du Figaro magazine, celle de Peugeot, dont le nom des modèles est à lui seul un hymne au franglais : Partner Tepee, 108 Top, motorisations Blue HDi, PureTech, teinte Orange Power, feux arrière Full LED, Mirror screen, Active city break, Crossover 2008 Style… Ça dérange personne ?
Dans le Marianne du 8 mai 2015, un article sur la "dictature de la connexion" d'Ève Charrin nous alerte sur les objets connectés. Voici quelques extraits : "Aux États-Unis le self tracking permet à l'utilisateur d'obtenir une réduction sur sa prime d'assurance-santé". "Comment adhérer à la mythologie high-tech du gain en autonomie individuelle ou empowerment en américain ?". "Gourou du quantified self, Christophe Ducamp… porte un œil critique sur ces start-ups qui siphonnent nos données personnelles". "Il voudrait former des citoyens geeks… capables de rééquilibrer la relation entre consommateurs et industriels du big data". "Les amateurs de quantified self continueront à payer deux fois". "Les industries high-tech misent sur l'addiction". "La ludification s'affirme comme une tendance de fond".
Bons princes, on se dit que le "modernisme" de l'article, sur des innovations technologiques, peut excuser l'emploi outrancier d'anglicismes.
Mais, comme disait Henri Salvador, "sur l'autre chaîne, ils passaient le même navet" !
En effet, dans le Marianne du 17 avril 2015, l'article de Julie Rambal sur les autoentreprises censées sortir de la mouise les éclopés du libéralisme triomphant, faisait encore pire, bien que les boulots en question soient tout ce qu'il y a de plus traditionnel (aucune haute technologique là-dedans). Jugez-en.
"Les métiers de reconversion qui font rêver actuellement ? le care…, les thérapies New Age… le coaching".
"Dans cette époque du no future…". "Beaucoup se rêvent en show runner…". "Les master class de dramaturgie…". "Coach de look". "Écoles de coaching". "Je monte un food truck". "Les food trucks se targuent de fooding". "Le marché enfantin, baptisé kidding".
Bien sûr, faut-il le noter, l'article se gargarise de marketing, de job, de business plan...
La syntaxe, quand la dame consent à écrire en français, est approximative : "En me disant que j'allais fabriquer équitable…".
Le pire de tout cela, c'est l'inoculation du virus (ou du premier joint…) aux plus jeunes, aux non encore drogués, avec cette phrase déjà citée : "Le marché enfantin, baptisé kidding".
Non, Madame Rambal, le "marché enfantin", ça veut dire quelque chose que tout le monde comprend, à savoir "le marché enfantin" ou "le marché des articles pour enfants". Nul besoin de le baptiser d'un nom qui fait américain !
Où a-t-elle appris le journalisme, cette pimbêche ? Cette sotte.
La seule chose qui me rassure et me réjouit, c'est que les élèves qui sortiront de l'école de Mme Belkacem seront tellement forts en anglais qu'ils trouveront aberrant cet américain de cuisine...