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25/06/2015

La Révolution avait supprimé les corporations, elles sont bien vivantes !

Bernard Hinault, formidable cycliste et vainqueur du Tour de France cinq fois, répondait à un journaliste de la télé il y a quelques jours, avec ses monosyllabes et son inimitable côté bourru et laconique. Interrogé sur le dopage, il a redit ce qu'il avait déjà dit plusieurs fois. En substance : non, c'est pas bien, mais tous les sports s'y adonnent, alors pourquoi toujours parler du cyclisme ? Corporatisme...

Internet, qui met en relation facilement, et à grande échelle, les gens et les bases de données, est un rouleau compresseur qui, effectivement, met en place la "nouvelle économie" que des visionnaires nous annonçaient sans preuve aucune en 2000 (d'où la bulle financière de l'époque autour de sociétés qui n'avaient aucune chance de gagner de l'argent dans un avenir proche).

Tous les métiers sont touchés ; on annonce que le prochain sera la banque et les banques se préparent à souffrir. En ce moment, Hubert fait l'actualité et menace nos adorables chauffeurs de taxi, qui menacent de s'en prendre aux usagers - c'est-à-dire leurs clients - en les bloquant. Corporatisme...

Je ne me prononce pas sur le fond car il est clair que les mutations profondes font des dégâts financiers et humains. Et la mutation internet, qui est "libérale", c'est-à-dire sans contrôle démocratique ni stratégie publique, a sans doute beaucoup de défauts, voire de tares insupportables, quant à l'avenir de notre société.

Mais il est un fait que les "groupes professionnels" agissent en permanence de façon corporatiste, à savoir : ils défendent leurs seuls intérêts et, pour ce faire, tous les arguments sont bons, même les plus saugrenus ou indéfendables.

EPS.jpgExemple : dans le débat sur la réforme du collège, que j'ai largement repris dans ce blogue, il y a eu un épisode hilarant… C'était celui sur la novlangue utilisée par les services du ministère pour décliner les nouveaux programmes.

Et on s'est donc amusé, mais non sans être agacé et consterné, de formules alambiquées, prétentieuses et inutilement théorisantes comme "milieu aquatique profond et standardisé" (piscine), "créer de la vitesse" (courir), "traverser l'eau en équilibre horizontal" (nager), "l'étude de la langue renforce la posture métalinguistique de l'élève" (pas de traduction connue) !

C'est du Pierre Dac, à la différence que Pierre Dac, lui, le faisait exprès !

Dans cette immense rigolade nationale, le mieux pour les enseignants (qui n'en sont pas responsables) aurait été de se taire (et d'en sourire discrètement). On sait bien qu'aujourd'hui, une nouvelle chasse l'autre ; il suffit de laisser l'eau couler sous les ponts. Et de toutes façons, le mal était fait.

Eh bien non ! les professeurs d'EPS (de sport, en bref) ont trouvé le moyen de se plaindre, par l'intermédiaire de leur syndicat majoritaire.

Ils déploraient en avril dernier que la critique soit ciblée uniquement sur leur discipline, qu'il y ait de la condescendance quant on parle d'EPS et de sport à l'école, et de ne pas pouvoir "théoriser leur enseignement se préoccupant du corps" (ils font des complexes, comme on dit)...

C'est vrai que nos souvenirs de lycée concernant les cours d'EPS ne plaident pas toujours en leur faveur ; certaines se souviennent de la prof. qui, l'hiver, faisait les cours en manteau de fourrure. Mais bon, dénonciation n'est pas raison.

Ensuite sont venus les arguments, saugrenus, du type : "On parle de milieu standardisé pour rendre explicite le fait qu'on n'apprend pas à nager en rivière, par exemple"...

Puis carrément une nouvelle version du fameux "Circulez, y a rien à voir" : "Les programmes devraient d'abord être écrits pour les enseignants, leurs premiers utilisateurs, pas pour le grand public". Heureusement le ministre a contrecarré cette velléité.

Au total, tout cela m'a fait penser au sketch des Inconnus : "améliorer le pouvoir d'achat, revaloriser les salaires, plus d'argent à la fin du mois"  et aussi la recette pour résorber une luxure !

Corporatisme, je vous dis !

 

24/06/2015

On n'est pas seuls !

Dans le Marianne du 1er mai 2015, c'est François Mainguy qui prend la plume du Courrier des lecteurs pour s'insurger contre le snobisme et "surtout la soumission au grand capital qui dévore notre économie, voire notre vocabulaire.

Son coup de gueule est intéressant car il a passé "son enfance en Angleterre et sa vie aux quatre coins du monde". Il y a constaté le culte que les étrangers vouent à notre littérature, à nos paysages et à nos traditions, et a contrario "leur déception lorsqu'ils lisent et entendent des mots comme listing, making of, entertainment, shopping, booster, news, soft, last but not least, city". Ses amis québécois "sont plus irrités encore, eux qui savent dire fin de semaine, magasiner et trop (et non pas too much)".

Quinze jours plus tard, le même F. Mainguy, dans le même hebdomadaire, refait exactement le même article, au mot près, mais sous un autre titre ! "Il faut se méfier du parler moderne" au lieu de "Dévorant franglais". Et le plus drôle, c'est que je viens de m'apercevoir de cette redite au moment d'écrire ce billet.

On n'est pas seuls mais pour l'instant, F. Mainguy et lui-même, ça ne fait jamais qu'un seul soldat...

Je ne cède donc pas à un optimisme béat ; d'autant que dans le même numéro de début mai, on pouvait lire, sous le titre "Comment survivre aux horreurs 70 ?", les horreurs suivantes.

"Le macro beautiful", "les pratiques feelgood", "mindfulness", "à part le look", "le total look flower power", "revisité grunge"... N'en jetez plus, sinon les pages "Quelle époque !", voire le journal en entier, un de ces jours !

Le 5 juin 2015, dans la même rubrique, dans une longue revue des méfaits du téléphone mobile, voici le "Bréviaire du kid vicieux" : clashing, bashing, trolling, shaming, phubbing... Je vous passe la traduction, de ces comportements juvéniles qui, me direz-vous, disparaitront avec l'acné du même nom.

Pas si sûr...

23/06/2015

Irritations XVII

Il y a un tel déferlement de mots anglais , quasiment chaque jour, que cela devient impossible - et heureusement - de les mémoriser ; trop de franglais tue le franglais. C'est le théorème d'Étiemble mais exécuté à un rythme d'entrée / sortie qu'il n'avait sûrement jamais imaginé (rappelez-vous le fameux duffle-coat qui était censé disparaître avec le vêtement... sachant que les vêtements, à l'époque, duraient un certain temps).

Tel animateur sur France 5 appelle home staging la remise au goût du jour d'un logement pour le vendre plus vite...

Le naming, c'est l'envahissement des stades et des clubs de foot par le nom des marques qui les financent... À quand le stade Arcelor à Gondrange ?

Blaireau.jpgDans un article du Figaro sur le marché publicitaire (25 avril 2015), on dit que "la télévision et le digital soutiennent le marché", que "le search est le principal soutien de la hausse", qu'en revanche "le display se comporte comme les médias classiques, orientés à la baisse", qu'il faut "intéresser les annonceurs en-dehors du prime time", que "les responsables marketing mesurent aussi le poids de leurs médias propriétaires"... Là je m'arrête car cette dernière phrase était non seulement en français (encore que...) mais compréhensible. Un comble. Le journaliste s'est dit qu'on allait le prendre pour un blaireau, alors il a ajouté entre parenthèses "owned media" ! Et comme ça emmêlait tout, il a conclu la phrase par "c'est-à-dire de leurs propres supports" !

Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font.

Et là-dessus, le 10 mai 2015 (c'est fortuit, bien sûr), le fidèle FPY me fait part de sa rage face à la profusion de films proposés en version originale, sous-titrés en français. Son raisonnement est assez subtil, accrochez-vous. Il rage parce que les sous-titres gâchent l'image et distraient le spectateur. Il trouve que se précipiter pour voir les films en VO n'est que snobisme parisien et ne met aucunement "dans l'ambiance". Il a des chiffres : le film "Les jardins du roi", dont l'action se passe à Versailles sous Louis XIV, était présenté à Paris, dans 20 salles ; 18 en VO et 2 en VF !

Il réclame donc des dialogues (doublés) en français, qui, selon lui, sont la plupart du temps de qualité.

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Pour la bonne compréhension de ce billet par mon public, je donne ci-dessous la traduction de quelques mots.

search : référencement payant dans les moteurs de recherche

display : bannières classiques sur les sites internet

version originale : film en anglo-américain