10/11/2021
"Suite anglaise" (Julien Green) : critique
En 1927, Julien Green, écrivain franco-américain, qui a célébré le Sud-Est des États-Unis de ses origines familiales (voir « Les pays lointains », « Les étoiles du Sud ») et qui est aussi connu pour son Journal (1926-1967), publie « Suite anglaise », son premier livre. Son but – un peu comme des « Études pour piano » ou des gammes – est de faire découvrir des écrivains anglophones qu’il apprécie et qui sont peu connus (à l’époque et encore aujourd’hui en France) : Samuel Johnson (1709-1784), William Blake (1757-1827), Charles Lamb (1775-1834), Charlotte Brontë et Nathaniel Hawthorne (1804-1864).
Ce sont des biographies très bien écrites, alertes et émouvantes ; il faut dire que les personnages qu’il a choisis sont tous sauf de paisibles écrivains : excentriques, quasi-fous, poursuivis par le malheur… la réalité dépasse la fiction !
Voyons ce qu’en dit Babelio :
« Samuel Johnson eut un grand succès de son vivant et fut une référence en son temps car il avait un esprit encyclopédique et était capable de disserter des heures sur n'importe quel sujet.
William Blake, immense poète naviguant aux portes de la folie et passant toute sa vie dans la tristesse et le dénuement.
Charles Lamb, simple employé de l'India House, vivait avec sa sœur qui souffrait de crises de démence. Il fréquenta Keats, Carlyle et Thomas de Quincey, opiomane notoire. Sa grande œuvre fut « Les Essais d'Elia » qui firent l’objet d'une parution par mois pendant cinq ans.
La vie de Charlotte Brontë fut d'une tristesse infinie. L'auteur de « Jane Eyre » vit deux de ses sœurs mourir de tuberculose. Elle dut gagner sa vie comme gouvernante, puis s'occuper de son père pasteur qui lui survécut mais l'empêcha d'épouser le seul homme qui s'intéressa à elle. Recluse dans un presbytère perdu, elle passa son temps à coudre et à écrire en compagnie de ses deux autres sœurs, auteurs des célèbres « Hauts de Hurlevent » et d'un frère violent, drogué et alcoolique. Elle mourut la dernière de sa fratrie.
Quant à Nathaniel Hawthorne, auteur de « La lettre écarlate », il travailla longtemps au service des douanes pour assurer la subsistance de sa famille. Alors que ses livres se vendaient assez bien, ses éditeurs oubliaient de lui verser ses droits d'auteur ».
Un petit livre à recommander, que l’on ne relira que si l’on s’intéresse à la littérature anglaise des XVIIIème et XIXème siècles.
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08/11/2021
"Miroir de nos peines" (Pierre Lemaître)
J’ai lu « Miroir de nos peines » en une semaine, début mai 2021. Je l’avais trouvé dans le rayon « librairie » d’une grande surface du Cantal, à côté du « Sagesse » de Michel Onfray… et bien qu’il soit le troisième et dernier tome de la trilogie « Les enfants du désastre » de Pierre Lemaître, j’ai commencé par lui, et non pas par le Goncourt 2018 « Au revoir là-haut », que j’ai acheté plus tard.
C’est un roman de facture classique, sans fulgurances mais sans longueurs, construit sous forme de chapitres consacrés chacun à un personnage ou à une famille pendant l’exode du printemps 1940 (« l’art du découpage » dit la critique de « Le Monde »), chapitres qui conduisent à un épilogue où l’on apprend ce que deviennent « ces personnages dotés d’un charisme fou » (dixit « le Monde »).
Ne croyez pas « le Monde » ni même « Le Figaro magazine » (« Haletant et brillant »). Rabattez-vous sur « Lire » : « Très bien documenté et habile ». Voilà, c’est ça : documenté et habile, mais pas de la littérature !
On pense à l’injustement porté aux nues « Suite française » d'Irène Némirovsky (Éditions Denoël, 2004), qui lui valut l'attribution à titre posthume du prix Renaudot.
À ne lire que pour passer le temps, « sans se prendre la tête » comme disent les jeunes.
07:00 Publié dans Écrivains, Histoire et langue française, Lemaître P., Littérature, Livre, Roman | Lien permanent | Commentaires (0)
05/11/2021
"Les choses de la vie" (Paul Guimard) : critique
Paul Guimard est un journaliste, navigateur, né en Bretagne, plein d’humour et de gentil cynisme. J’écris cela parce que j’ai eu la chance de lire son livre le plus connu « Les choses de la vie » (Prix des libraires, 1968) dans l’édition « Le club de la femme » qui offre, en guise de préface, un intéressant et réjouissant entretien avec l’auteur, que l’on apprend ainsi à connaître un peu.
À vrai dire, pour moi comme pour beaucoup, « Les choses de la vie », c’était le film de Claude Sautet, avec les merveilleux Michel Piccoli, Romy Schneider et Léa Massari (1970), avec aussi la formidable musique de Philippe Sarde, orchestrée par Jean-Michel Deffaye. Le scénario du film est dû à Paul Guimard lui-même, Jean-Loup Dabadie et Claude Sautet ; pas étonnant dans ces conditions que le film « décalque » le roman, à commencer par la longue scène de l’accident, que les cinéphiles voient comme une leçon de cinéma (c’est remarquablement filmé, il est vrai) mais qui est avant tout une vidéo parfaite pour la Prévention routière et les stages de récupération de points... C’était avant la ceinture de sécurité obligatoire et les coussins gonflables. Bref, on se rappelle surtout cette longue scène de quatre minutes au cours de laquelle l’accident inévitable se produit.
Revenons au livre maintenant, dont le propos est de décrire les sensations et surtout les pensées de Pierre Bérart, après son transport à l’hôpital. Il souffre peu apparemment mais cogite beaucoup, comme en surplomb au-dessus de son corps, peu conscient de la gravité de son état. Il revoit sa vie et imagine ce qu’elle pourrait être en redevenant « normale ». Paul Guimard a raconté qu’il a vécu pareille expérience à la suite d’un accident sur un bateau. Certains ont parlé d’un livre d’une grande portée philosophique, ont parlé du livre d’un moraliste… N’exagérons rien ! Il est possible que cela ait été le cas à la fin des années 60 ; on n’avait pas encore ces témoignages de personnes revenues du coma, avec ce fameux « film de la vie qui repasse », entre la vie et la mort. Donc original à son époque, sans doute ; le livre « ne raconte rien », sauf que le film ne passe qu’une seule fois, qu’il ne faut pas laisser s’échapper les bons moments ni faire des choses que l’on regrettera ; donc, philosophique, peut-être…
Passionnant en même temps ? Non, sûrement pas ! On pense à « Chronique d’une mort annoncée » de Gabriel Garcia-Marquez, pour le déroulé au ralenti d’un événement à la fin inexorable.
Paradoxalement, je rechigne à recommander le roman de Paul Guimard mais j’aurais tendance à dire qu’il faut le relire…
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