Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/10/2021

"La France n'a pas dit son dernier mot" (Éric Zemmour) : critique (V)

É. Zemmour donne des verges pour se faire battre en lançant et en relançant sans cesse ce débat apparemment intranchable sur le rôle de Pétain vis-à-vis des Juifs, tant étrangers que français. La polémique était facile et elle est maintenant récurrente, souvent caricaturale et parfois mensongère (accusation de vouloir réhabiliter Pétain, accusation de pétainisme). S’agit-il de dire comme l’Américain Robert Paxton que l’État français de l’époque a aggravé le sort des Juifs durant l’Occupation ? S’agit-il de dire comme Éric Zemmour qu’il a sauvé des Juifs français ? Les Français de 2021 n’en peuvent mais. La plupart (dont tous les jeunes) sont indifférents à ce point d’histoire et quasiment aucun (dont moi) n’a les connaissances historiques et historiographiques suffisantes pour se faire une opinion. Sujet vicié !

Et arrive enfin, le 13 septembre 2018, la fameuse altercation à propos des prénoms : « Et j’ai crié : Corinne ! pour qu’elle comprenne...". On connaît l’échange avec Mme Hapsatou Sy, au cours duquel Éric Zemmour a rappelé la loi du 11 germinal de l’an XI, sous Bonaparte, qui exigeait que tous les enfants de France portassent des prénoms français et qui a été abrogée en 1993. (J’ai lu quelque part que la loi de Bonaparte concernait également le patronyme. À vérifier). Ce sujet a suscité une énorme polémique qui dure encore et qui se résume la plupart du temps à : « Éric Zemmour a choqué beaucoup de Français en demandant qu’ils changent de prénom »… La question n’est pas là ; ne sont concernés que les parents au moment où ils choisissent le prénom de leur enfant ; et le choix du second prénom resterait libre, ce serait un bon compromis et un signal que l’on remet les choses à l’endroit, gentiment ; force est de constater que d’innombrables prénoms de toutes origines fleurissent en France (voir l’un de mes anciens billets à ce sujet, daté du 19 mars 2020) ; on peut y voir un manque d’empathie pour le pays et pour son histoire (c’est un euphémisme). C’est un symptôme. Éric Zemmour donne page 308 le prénom des trois enfants de Mme Sibeth N’Diaye, Ministre franco-sénégalaise de la République française : Youmali, Ingissolyn et Djimane… Il est vrai que les mondialistes s’en fichent.

Resterait à définir ce qu’est un prénom français : Kevin en est-il un ? et William ? et Jennifer ? Quant à moi, je viserais plus modestement, dans un premier temps, l’orthographe des prénoms, en interdisant les facéties et les délires de certaines graphies : pourquoi « Eymeline », alors qu’Émeline existe ? Pourquoi « Lucille » (avec deux l), alors que Lucile existe (dans les Mémoires d’Outretombe, par exemple) ? Pourquoi Tiphen, alors que Tifaine existe (et réciproquement) ? Pourquoi « Kelvyn », alors que Kevin, déjà cité, existe ? Une sorte de thésaurus dans lequel on devrait piocher me semble souhaitable ; apprendre l’orthographe française est déjà si difficile !

18/10/2021

"La France n'a pas dit son dernier mot" (Éric Zemmour) : critique (IV)

Est-ce le goût de la provocation ou de l’anticonformisme ou bien l’envie de « déconstruire les déconstructeurs » ? Éric Zemmour aime manifestement les sujets sensibles, comme par exemple, page 148, où il défend Tarik Ramadan, absous au motif qu’il aurait été piégé. Il le fait avec sa dialectique difficile à contrer, en visant un angle particulier avec des arguments qui peuvent sembler spécieux et même désinvoltes eu égard aux enjeux et aux victimes (« Je ne combats pas mes ennemis avec les armes de la guérilla judiciaire ou de troubles affaires de mœurs »). Cette position étonne chez quelqu’un qui réclame, à juste titre, que la France défende ses intérêts à l’aide de toutes les armes à sa disposition ("halte à la tarte à la crème de la démocratie planétaire et des droits de l’homme") et qui réclame aussi une reprise en main et un retour aux anciennes vertus. Et puis, il y a « la phrase de trop », sur les tombes de l’assassin (M. Mérah) et celles des enfants assassinés. É. Zemmour écrit, en faisant référence à une tirade « hilarante » du film « Les tontons flingueurs » : « Les anthropologues nous ont enseigné qu’on était du pays où on est enterré (…) Assassins ou innocents, bourreaux ou victimes, ennemis ou amis, ils voulaient bien vivre en France, faire de la garbure ou autre chose, mais pour ce qui est de laisser leurs os, ils ne choisissaient surtout pas la France. Étrangers avant tout et voulant le rester par-delà la mort » (page 152). Comme l’auteur aurait pu (dû) le craindre, la polémique a enflé immédiatement, en s’attachant à la mise dans le même sac, apparente, et apparemment cynique, du « Barbare » et des innocents ; on peut la comprendre car, parmi d’autres considérations, on peut comprendre que les parents de ces petits martyrs aient eu besoin de marquer une distance avec ce pays qui n’avait pas su les protéger et qui ad vitam aeternam serait pour eux celui de l’horreur et d’une douleur inextinguible. Mais une partie de ceux qui polémiquent ont évidemment des arrière-pensées politiques, quand il s’agit d’un essayiste « qui monte dans les sondages » et pourrait constituer un danger. Ils ne contextualisent pas la citation, évidemment. Le chapitre d’où la phrase est extraite est daté du 22 mars 2012 et s’intitule « La terre et les morts » ; si l’on comprend bien, il a pour sujet l’universalité et l’intemporalité de la violence… Soit. Mais, déjà, cet angle d’approche a une connotation « fataliste » et « relativisante » qui est choquante (« la violence et la cruauté sont le propre de l’homme » ; « Mohammed Merah tue au nom d’une religion de paix et d’amour comme on a tué au nom des droits de l’homme ou des lendemains qui chantent »). Bizarre tout de même d’utiliser un meurtre contemporain pour tacler la Révolution française et le stalinisme (ou le léninisme ?) ! Bizarre de commencer le chapitre par « Ce n’est pas ce massacre des innocents qui me donne le plus à réfléchir ; ni la balle dans la tête, etc. ». On doit le respect aux immenses douleurs et Éric Zemmour connaît la valeur et l’importance des mots. Et quelle mouche a piqué notre auteur pour qu’il retombe à la fin de l’article sur l’un de ses dadas, à savoir le manque d’amour du pays qui les a accueillis chez un certain nombre de nos concitoyens ? Oui, la page 152 mal conçue, mal formulée, aurait vocation à… disparaître.

PS. Peut-être, comme moi, ne savez-vous pas ce que désigne la garbure Le petit livret de Gérald Gambier « Découvrir le Gers », paru chez La Taillanderie en juillet 2003, va nous renseigner : « C’est au XVIIIème siècle que débute une véritable cuisine de ce produit festif (NDLR : le foie gras) et des produits dérivés : gésiers, confits, magrets, cous, rillettes, sans oublier la garbure, le plus célèbre des plats gascons, ce hochepot de légumes et de viande d’oie ou de canard aux multiples recettes toutes meilleures les unes que les autres ». Coïncidence incroyable, à la Jung pourrait-on dire, j’avais récupéré cet opuscule en août 2021 dans un stock de livres et je ne l’avais feuilleté que quelques jours après avoir écrit le présent billet. J’ai donc ajouté ce PS. Coïncidence encore plus incroyable, quelques heures après avoir fait cette mise à jour, en triant des documents que j’avais entassés depuis au moins 2017, je suis tombé sur le N°1 d’une revue baptisée life&farms et sous titrée « le premier magazine 100% lifestyle aux racines rurales », dans laquelle Frédéric Beigbeder confiait son bonheur de rejoindre chaque jeudi sa maison de campagne du Béarn. À la question : « à Guéthary, quelles sont les spécialités du terroir ? », il répondait : « La garbure est une soupe délicieuse de légumes mélangés à du jarret de jambon et des manchons de canard ».

15/10/2021

"La France n'a pas dit son dernier mot" (Éric Zemmour) : critique (III)

Troisième constat : le livre est bien écrit, alerte et, franchement, je l’ai lu d’une traite. On a glosé sur de supposées fautes d’orthographe : par exemple, le Marianne du 24 septembre 2021 note que « dès les premières pages » (non, en fait, c’est dans la première phrase de la première page !), Éric Zemmour écrit : « J’ai pêché, je le confesse. Pêché d’orgueil, pêché de vanité, pêché d’arrogance » et confond ainsi « le péché et la pêche ». La « brève » se conclut par : « Comme tous ceux qui ont un problème d’intégration, Éric Zemmour devrait prendre des leçons d’orthographe ». J’avoue que, ayant toujours du mal moi-même, à mémoriser la graphie correcte de ces mots voisins, je n’avais même pas repéré la faute. En fait, c’est tout simple : tous les mots qui ont rapport à l’activité s’écrivent avec un accent circonflexe (la pêche), alors que tous ceux qui ont rapport à la faute s’écrivent avec un accent aigu (le péché). Cerise sur le gâteau, si j’ose dire, le fruit et l’arbre s’écrivent aussi avec l’accent circonflexe (une pêche, un pêcher).

En revanche, j’ai bien noté, page 107 qu’il aurait dû écrire « je les croisai » et non pas « je les croisais », page 113 que la phrase « En Algérie, les tempéraments ysont rudes » est un pléonasme à cause du « y », même si « En Algérie » est placé en apposition, page 116 qu’il traînait un « à » inutile, page 131 qu’il faut lire « dont je n’ignore pas » au lieu de « que je n’ignore pas », page 175 qu’il faut lire « chambre à gaz » et non pas « chambre ou gaz), page 180 que dans la phrase « Sans doute y ont-ils vu là une bonne occasion » il y a un intrus : soit le « y », soit « là » (pléonasme), page 194 qu’un « du » remplaçait malencontreusement un « le », page 197 qu’un « Je lui lâchais » avait pris la place de « Je lui lâchai » (cf. page 107, décidément…), page 214 qu’il commet un nouveau pléonasme (ce restaurant dont le frère (…) en a fait un rendez-vous à la mode), page 225 qu’il faut lire « ces lieux » et non pas « ses lieux », page 246 qu’un « fais » avait pris la place du « sais » que l’on attendait, page 231 qu’il manque une virgule entre « judiciariser » et « imposer », page 232 qu’il faut lire « qui pourrait », page 259 que le mot « cuisinier » avait perdu (deux fois dans la même phrase) son troisième « i », page 276 que « nous autres Français » s’écrit avec un F majuscule, page 291 que la métaphore « tirer les marrons du feu » était employée à l’envers (en effet, celui qui tire les marrons du feu, c’est celui qui se brûle et qui les donne à quelqu’un d’autre, qui les mange !), page 311 que « la supériorité » aurait dû remplacer « une supériorité » car la phrase se poursuit par « de celui qui s’est arraché », page 314 que « Schulmeister » était écrit « Schulmeisteir » (écriture phonétique typique des non-germanophones), beaucoup de coquilles donc mais pas de quoi parler d’un livre mal écrit.

Plus compliqué, le cas du mot « émule ». É. Zemmour écrit page 259 : « Tous ses émules, de Robuchon à Ducasse, l’ont imité et dépassé ». Sur le coup, je tique ; « émule » est-il bien masculin ? (à notre époque, il faut se méfier…). Je consulte mon Dictionnaire de 1923 et mon Hachette de 1991 : non seulement ils se contentent d’indiquer pudiquement que c’est « un nom », sans plus, mais ils donnent des exemples d’emploi qui ne permettent pas de trancher ! Beaucoup plus complet, le Trésor de la langue française, nous sort de l’horrible doute, à l’aide de deux citations :

  • « La vraisemblabilité (...) chez Bourget, est parfaite. Émule de Balzac, il est profondément enfoncé dans la réalité » écrit GIDE dans son Journal, 1939, p. 992

  • « Les vêtements tombent, tous à la fois et comme liés l'un à l'autre, car cette émule charmante de Fregoli ne conserve que sa chemise de jour (...) et son chapeau » réplique COLETTE dans « Claudine en ménage », 1902, pp. 120-121.

Donc, comme « grand » au XIXème siècle, « émule » est masculin et féminin à la fois ; en linguistique, ça doit avoir un nom… Hermaphrodite ? J’en connais, des apôtres du non-binaire, qui doivent se régaler en découvrant cela…

Faut-il trouver là matière à critique ? On trouve des coquilles dans tous les livres « modernes » et on peut penser que c’est plutôt la faute de relecteurs ou bien de la précipitation à publier.