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27/09/2021

Du jamais lu...

On en apprend tous les jours… à condition de savoir distinguer entre le vrai savoir et l’information erronée ou manipulée, ce qui est parfois difficile.

Le « genre » des mots et la syntaxe du français ont été mis en question par les féministes jusqu’au-boutistes il y a quelques années et on a pu voir, comme une traînée de poudre (de maquillage ?), les ravages de l’écriture dite inclusive chez les suiveurs professionnels (en vrac : l’enseignement supérieur, la presse bienpensante, les municipalités « écologistes » et bien sûr les militants « progressistes »). On subit aussi les « auteure », « autrice », « écrivaine », « cheffe de », j’en passe et des meilleures. L’Académie a eu beau se déclarer hostile, puis récemment accepter du bout des lèvres la féminisation des noms de métier et des titres ; M. Édouard Philippe, quand il était Premier Ministre, a eu beau interdire l’écriture dite inclusive dans l’Administration… La guerre de tranchées linguistique autour de la féminisation fait rage, et on sait qu’en France, ce genre de guerre peut être rude.

C’est dans ce contexte que j’ai découvert dans une revue corporatiste datée de mars-avril 2021 un article de Mme Mathilde Larrère, maître de conférences à l’Université Gustave Eiffel (je n’ai pas cru devoir reproduire l’horrible « maîtresse de conférences » commis par le rédacteur de l’article, Mme Sophie Chyrek) et spécialiste des révolutions du XIXème siècle, à propos de son livre « Rage against the machisme » (c’est cela aussi l’intersectionnalité ? l’alliance de la soumission à l’anglais et de la fureur contre les hommes…).

Le rédacteur lui demande quand commencent les luttes des femmes pour l’égalité. Mme Larrère répond que cela date d’avant la Révolution française mais que « cela ne fait pas mouvement ». Et sans transition, elle dit « la féminisation de la langue, que l’on réduit encore à un point médian, en est un bon exemple ». Un bon exemple de quoi ? Quel rapport entre l’avant-Révolution et cette revendication d’aujourd’hui ? Je note en passant qu’elle appelle de ses vœux une féminisation qui aille bien au-delà du gadget du point médian…

Mais l’incise atteint son but puisque la journaliste saisit immédiatement la perche qui lui est tendue : « Comment s’opère la masculinisation de la langue ? ».

Réponse de la maîtresse : « Elle commence au XVIIème siècle par un travail volontaire de l’Académie française, assumé et soutenu par l’État et l’Église, qui ont tous deux intérêt à réduire le pouvoir féminin. Certaines femmes vont bien sûr se dresser contre cette masculinisation de la grammaire et celle des noms de métier qui avaient à l’époque une forme féminine et masculine. Et ce combat va ressortir à chaque fois : pendant la Révolution française, en 1848 et, bien sûr, aujourd’hui. Ce n’est pas une lubie du XXIème siècle ».

Ah bon, la langue a été masculinisée ? Encore un horrible complot sans doute. Je n’avais jamais rien lu de tel… mais comment être convaincu alors que tout le reste de l’article est « militant ». Il ne concerne plus la langue, donc je m’arrête là, mais il est de la même eau : magnifique Révolution de 1789 car elle écoute les femmes ; horrible Empire napoléonien car il instaure le Code civil qui les fait rentrer dans le rang ; magnifique Commune de Paris car « elle ne s’écrit pas au masculin »…

06/09/2021

Fréquentations imperturbables

Mon dernier billet publié date du 25 janvier 2021 ! La pandémie bien sûr, avec ses à-côtés (confinement plus ou moins sévère, couvre-feu, travail à distance…) mais aussi des événements familiaux incontournables ont fait que j’ai littéralement abandonné ce blogue, à mon corps défendant…

Et pourtant, à mon agréable surprise, il a continué à être consulté, c’est-à-dire à vivre, sans plus aucune publication nouvelle !

Que l’on en juge par le nombre de visiteurs mois après mois :

Janvier 2021

71

Février

54

Mars

53

Avril

86

Mai

93

Juin

60

Juillet

50

Août

51

 

A contrario, la liste des « célébrités » décédées en 2020 et 2021 est impressionnante. Voici les disparitions qui me touchent particulièrement :

  • Cette année : Mikis Theodorakis, le compositeur et opposant grec à la dictature des « Colonels », celui de « Zorba le Grec » et de nombreuses chansons, celui du « Canto general » avec Pablo Neruda ; Jean-Pierre Bacri, acteur à l’inimitable bougonnerie ; et bien sûr Philippe Chatel, dont j’adorais les chansons et à qui j’ai consacré un billet à propos de son roman autobiographique.
  • L’an dernier : les acteurs Michel Piccoli, Michael Lonsdale et Robert Hossein (la série des « Angélique » et « Les uns et les autres »), les chanteurs, compositeurs et musiciens Anne Sylvestre, Bill Withers, Claude Bolling (pianiste de jazz et chef d’orchestre), Lennie Niehaus (pédagogue du saxophone), Graeme Allwright (je lui ai consacré un billet), Juliette Gréco (muse du Saint Germain des prés de l’après-guerre), Ennio Morricone (compositeur de musiques de film, dont celles des westerns dits spaghetti – l’inoubliable étant celle pour « Il était une fois dans l’Ouest »), l’humoriste Guy Bedos et son dialoguiste Jean-Loup Dabadie, les écrivains Jean Raspail, Denis Tillinac (la Corrèze et Chirac), John Le Carré (« L’espion qui venait du froid ») et Michel Ragon (voir les billets enthousiastes que j’ai consacrés à « L’accent de ma mère »), les footballeurs Michel Hidalgo (la décennie Platini) et Robert Herbin (les Verts, les vrais), les intellectuels Marc Fumaroli (voir mon billet sur « La république des lettres ») et Alain Rey (l’homme du dictionnaire), l’anthropologue et anarchiste américain David Graeber (« Bullshit jobs», que je termine et sur lequel je vous promets un billet), les dessinateurs Albert Uderzo (Asterix !) et Claire Brétécher, le cinéaste Alan Parker et le patron américain Jack Welch (General Electric)

… Tout cela en vrac, sans ordre de préférence. Quelle hécatombe !

Bon, il faut maintenant sur le métier remettre l’ouvrage ! Les objets ne manquent pas puisque j’ai lu pendant cette période quantité de livres et lu pas mal d’articles de presse concernant la langue et la société.

Au travail, donc !

16:44 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

25/01/2021

"Nuits de guerre" (Maurice Genevoix) : critique III

Quel style, page après page ! Quelle poésie et quel réalisme mêlés ! Quel régal !

Toujours, comme ici page 338, la mort et la vie se côtoient : « Et ces tombes ! Voici celle des trois artilleurs, spacieuse, bordée de pierres blanches, jonchée de rameaux de houx. Et voici celle des fantassins, toute petite, évoquant, sous l’étroite levée d’humus, la forme du corps replié sur lui-même, écrasé peu à peu par la poussée des terres. Il en est dont l’humble croix a disparu, déjà : on l’avait faite de deux branches cassées, assemblées comme on avait pu, avec un clou arraché du soulier, un brin d’osier, une ficelle… Cela ne tenait pas ; le clou a rouillé et le bois s’est fendu ; la pluie est tombée si longtemps que le lien pourri a cédé. Il n’y a plus de croix. Et c’est le mois dernier, seulement le mois dernier, que la guerre a touché ces campagnes !

La lumière est charmante aujourd’hui, légère, fluide. Les ornières de la route, encore pleines d’eau de pluie, font devant moi de longs traits de clarté. Blanches, au-dessus de l’horizon proche, des fumées montent, qui annoncent le village caché au pli de la vallée. Bientôt j’aperçois le coq du clocher, puis le capuchon de zinc du toit. Enfin la route plonge brusquement et je vois Mouilly à mes pieds.

Les maisons blanches, les maisons bleues détachent leurs couleurs sur le vert jauni des prés. Quelques brèches noires ouvertes dans les murs, quelques trous béants dans les tuiles rappellent, malgré qu’on en ait, les rafales d’obus qui ont croulé sur ces demeures. Mais la fine transparence de l’air pose comme un oubli sur ces mutilations des choses. On les voit encore ; elles ne saignent plus ; il semble que le village, comme un blessé pansé, ne souffre plus ».

Quel contraste du premier paragraphe au suivant, et sans transition ! Au contraire, le troisième nous renvoie insidieusement à la guerre, omniprésente, dont les dégâts sont patents, même si le village en question semble s’en être remis…

Je ne peux m’empêcher de songer à :

 « Quatre maisons fleuries d’orchis jusque sous les tuiles émergent de blés drus et hauts.

C’est entre les collines, là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras.

Le sainfoin fleuri saigne dessous les oliviers.

Les avettes dansent autour des bouleaux gluants de sève douce.

Le surplus d’une fontaine chante en deux sources. Elles tombent du roc et le vent les éparpille. Elles pantèlent sous l’herbe, puis s’unissent et coulent ensemble sur un lit de jonc.

Le vent bourdonne dans les platanes.

Ce sont les Bastides Blanches » (Jean Giono, Colline, 1929).

Certains me diront : « Pas étonnant, c’est le style des années 20-30 ! ».

Peut-être, mais n’est-ce pas du grand art, dans un cas comme dans l’autre ?