13/05/2015
De l'art de publier un article attrape-tout… (II)
Enfin, dans la toute dernière partie de l'article de J.-P. Robin, on pense que l'on est arrivé au cœur du sujet annoncé, à savoir le fait que les fautes de français plomberaient la vie économique elle-même.
Il paraît que les entreprises feraient la chasse aux erreurs d'orthographe, en feraient un motif de licenciement et obtiendraient gain de cause auprès des Cours d'appel… Vu mon expérience professionnelle dans un géant industriel français, si c'était vrai, la moitié des cadres dirigeants auraient été remerciés depuis longtemps...
On attend des exemples de la catastrophe ; on lit seulement que les S'miles de la SNCF seraient une niaiserie linguistique grotesque et que Hachette a appelé ses boutiques d'un nom - Relay - qui n'existe pas en anglais et qui ferait que les Français ne savent plus écrire "relais"...
Catastrophe, disiez-vous ?
Dernier alinéa, le journaliste qui n'a encore rien démontré nous assène :"Dans le domaine économique, les ravages sont immenses". Bigre !
Alors il dégaine : "déficits structurels", "seuils sociaux", "compte personnel d'activité", "droits rechargeables"… certes mais "so what ?"...
Je vous laisse savourer la péroraison : "Toute réforme est un retour aux sources et aux principes fondamentaux, sinon ce serait une révolution. Encore faut-il savoir les lire et les dire. C'est pourquoi les fautes de français sont si graves".
Et c'est ainsi que votre fille est malade.
Concernant la relation - ténue - entre l'orthographe et la vie économique, j'aurais préféré que J.-P. Robin nous parle du renouveau de la dictée dans les écoles d'ingénieur, du projet Voltaire, des tests à l'embauche et du filtrage des CV, et surtout de la nouvelle politique de référencement de Google.
Il semble en effet que Google, chahuté par l'accusation de mettre en avant son propre comparateur de prix dans les résultats de recherche, a modifié le programme qui classe les résultats en vue de leur affichage : le nouveau moteur avantage les sites qui disposent d'une version adaptée aux téléphones mobiles et pénalise les sites considérés comme de mauvaise qualité, avec par exemple beaucoup de fautes d'orthographe (oui, vous avez bien lu !) ou des contenus copiés sur d'autres sites.
Sur un thème voisin, je peux parler de BlaBlaCar, le site de covoiturage, créé en 2004 par un Français, normalien, de 39 ans, Frédéric Mazzela. Le site est français (150 salariés à Paris) mais la langue de travail est l'anglais. La maxime "In trust, we trust" est écrite partout sur les murs. "Il faut être pragmatique, il y a 29 nationalités différentes chez nous. Le seul moyen de communiquer, c'est l'anglais". Mais il y a dans l'entreprise une salle dans laquelle les employés étrangers peuvent apprendre le français. (Source : Le Figaro du 25 avril 2015).
07:01 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
11/05/2015
Nathalie traduisait...
Natalie Rastoin, dont le papa a dû oublier de déclarer le "h" de son prénom à l'état-civil, tient beaucoup à affirmer que elle et son agence de publicité et de conseil Ogilvy France "sont français car ils font du made in France". On est très heureux pour elle mais intrigué par cette conviction martelée dans la rubrique "Buzz média Le Figaro" du 27 avril 2015.
Car que lit-on dans cet entretien ? Une collection de franglicismes comme jamais. Jugez-en, public !
"Nous sommes un groupe… très digitalisé et nous sommes un bon hub…".
"J'ai beaucoup travaillé avec Invest in France".
Le Figaro, qui n'est pas bégueule, lui pose les questions dans sa langue à elle : "Vous réalisez plus de la moitié de votre marge brute dans le digital…". Elle répond tout de go : "La migration digitale ne peut pas se faire rapidement…". "En fait, 70 % de l'activité seront digitalisés". "Mais ce qui comptera, ce sont les métiers spécifiques : la data, le social… On ne dira plus digital". Eh bien, ma poule, pourquoi continues-tu à en parler alors ?
Mais ça continue : "Vous venez de lancer une entité dédiée à la data…" (sic !). Elle répond "Ce qui est important, en mettant la data au cœur de notre agence, c'est d'avoir un noyau pour transformer cette data en insights…".
Histoire d'élever le débat et de montrer qu'elle ne fait pas que parler franglais, la dame confie "La data est rupturiste en cela qu'elle rend obsolète la dichotomie entre les grands médias et le CRM" (je résume). Alors là, je dis bravo : c'est pas qu'elle essentialise (comme on dit à la télé), elle conceptualise !
"Vous préconisez un rapprochement du monde de la communication et de l'écosystème des start-up en France". "J'ai créé le Start up Project… qui fait le lien avec Cap Digital, un énorme cluster de compétitivité".
"La grande tendance sur laquelle surfe le brand content, c'est l'apport d'un savoir-faire journalistique…".
"Le digital a délinéarisé l'audience…".
Enfin, devant nos yeux éblouis, elle avoue : "Le brand content est un mot un peu pédant qui désigne en réalité une vieille réalité… mais aujourd'hui reboostée par des niveaux inédits de puissance et d'intelligence". (Elle pense sûrement à elle-même).
Il nous reste à remercier Nathalie de nous avoir traduit cet article en franglais, puisque c'est la langue qui semble s'imposer dans notre beau pays.
PS. Après la suppression de l'étude du latin, du grec et de l'allemand, on peut songer à celle du français. Avec de tels patrons, il est devenu quasiment inutile.
06:00 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
10/05/2015
Irritations XIV
Dans la plaquette d'une association pour les jeunes, je relève, comme programme des animations pendant les vacances de printemps : "Espace d'initiation à la trottinette free style", "Street show de freestyle football", "Bench movie"…
Je m'étonne qu'on n'ait pas songé à traduire "trottinette" en anglais.
J'ai la place dans ce billet pour ajouter mes découvertes récentes sur les marques :
Bien sûr, il y a PARMIGIANI, les montres suisses, sous-titré "MESURE ET DÉMESURE" ; amusant.
Baume & Mercier, maison d'horlogerie de Genève fondée en 1830, titre : "Life is about moments - Celebrating élégance since 1830", qu'il traduit, en caractères microscopiques dans le coin gauche et noir de la pub par : "Les moments forts de la vie - Célébrer l'élégance depuis 1830".
Et Land-Rover : "Above & beyond", "Franchir de nouveaux horizons" (tout en bas, au-dessus des consommations en cycle standardisé…).
Richard Mille (vous connaissez cette marque ?) : "A racing machine on the wrist", "La performance mécanique poussée à l'extrême" (écrit verticalement à gauche, sur fond noir).
Je continue, sans commentaire : Giorgio Armani "FRAMES OF LIFE" (en grand), "TRANCHES DE VIE" en petit, en bas et à gauche.
HARRY WINSTON "RARE JEWELS OF THE WORLD" (non traduit, donc contrevenant…). À noter que les publicitaires usent et abusent des majuscules, ce qui est déconseillé dans les entreprises, comme peu lisible. J'ai parfois reproduit plus haut les marques et leur autocélébration en minuscules...
GIRARD-PERREGAUX : "MECHANICS OF TIME SINCE 1791", traduit par "Mécanique du temps depuis 1791", dans le coin en bas à droite, quasi-illisible.
Quant à CHANEL, c'est d'abord Girl sur une page noire, avec un magnifique dos nu décoré d'un collier de perles en vis-à-vis, puis Boy sur une page similaire, avec une fille habillée à la garçonne et qui fait la moue. pas besoin de traduire, naturellement.
LACOSTE "LIFE IS A BEAUTIFUL SPORT", non traduit, donc contrevenant.
Les publicitaires se moquent du monde et détournent l'esprit de la loi de protection du français.
Heureusement LANQUETOT, pour la réclame de son Moulé à la louche, questionne : "Jusqu'où ira le plaisir Camembert ?". On respire...
06:00 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)