21/11/2015
Une communauté linguistique en marche
Mes lecteurs connaissent Alain Bentolila, linguiste, qui s'est exprimé en particulier sur la réforme très contestée du collège. Ses interventions sont souvent intéressantes, bien que le fond de sa pensée ne soit pas toujours très facile à percevoir.
Ainsi de son article dans le Marianne du 16 octobre 2015, intitulé "La France, une communauté dialogique"...
Il commence comme un prêche "Dans certains discours, barbare et barbarie, sauvage et sauvagerie, se mêlent pour pointer l'Autre du doigt…" et se continue par une dissertation sur le sauvage et le barbare.
Ce n'est que dans la deuxième moitié de son texte que j'ai commencé à saisir le sens et à retrouver des thèmes qui m'intéressent.
"L'identité nationale que nous devons construire, c'est l'appartenance à une communauté linguistique en marche, s'élevant vers une intelligence collective fondée non sur un consensus mais sur un constant dialogue ferme et vigilant".
La communauté dialogique, ce serait donc une communauté qui dialogue ; il faut croire que ce vocabulaire "rhétorique" n'est pas le mien. Personne n'est parfait. Cela étant, une fois qu'on a compris, on ne peut qu'être d'accord avec le fait qu'un dialogue constant, ferme et vigilant est une bonne chose...
La suite devient intéressante :
"Cette intelligence…, vous ne pourrez la construire que si vous êtes prêts à vous battre pour que soit distribué de façon équitable le pouvoir linguistique dans votre pays".
"… faute de quoi nous risquons d'en venir à concevoir ce bien précieux comme un château fort que menacent ldes différences identitaires".
"Le défaut de mots, le refus du dialogue, la quête éperdue de l'uniformité enverra (NDLR : j'aurais écrit "enverront"…) ainsi chacun retrouver les siens dans un cocon douillet de connivence identitaire et les conduira à rejeter ceux qui n'ont pas les mêmes croyances, les mêmes opinions, les mêmes préjugés".
Et voici enfin, après ce très long exorde, la thèse de l'article, qui me va bien : "Nous avons depuis trop longtemps accepté avec une complaisance coupable que le problème inquiétant de l'insécurité linguistique de certains soit balayé par un slogan d'une extrême correction politique : Chacun parle comme il l'entend, chacun écrit comme cela lui chante".
"Si nous voulons donner une chance à l'intégration, il faut que nous défendions mordicus le droit de tous ceux qui vivent en France, d'expliquer, d'argumenter, de convaincre et aussi de comprendre un discours ou un texte, avec autant de bienveillance que de vigilance".
Vive le beau français, clair, efficace, élégant, précis, innovant, sans afféterie inutile ni exigence de pureté extrême.
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Essais, Vocabulaire, néologismes, langues minoritaires | Lien permanent | Commentaires (0)
17/11/2015
Jours de deuil national (III)
"Vos coups d'ongle rayant tous les sublimes livres,
Vos préjugés qui font vos yeux de brouillard ivres,
L'horreur de l'avenir, la haine du progrès ;
Et vous faites, sans peur, sans pitié, sans regrets,
À la jeunesse, aux cœurs vierges, à l'espérance,
Boire dans votre nuit ce vieil opium rance !
Ô fermoirs de la bible humaine ! sacristains
De l'art, de la science, et des maîtres lointains,
Et de la vérité que l'homme aux cieux épelle,
Vous changez ce grand temple en petite chapelle !
Guichetiers de l'esprit, faquins dont le goût sûr
Mène en laisse le beau ; porte-clefs de l'azur,
Vous prenez Théocrite, Eschyle aux sacrés voiles,
Tibulle plein d'amour, Virgile plein d'étoiles ;
Vous faites de l'enfer avec ces paradis !"
Victor Hugo
Les contemplations
Autrefois - Aurore
À propos d'Horace
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16/11/2015
Jours de deuil national (II)
"… Ainsi je vis ; ainsi
Paisible, heure par heure, à petit bruit, j'épanche
Mes jours, tout en songeant à vous, ma beauté blanche !
J'écoute les enfants jaser, et par moment,
Je vois en pleine mer, passer superbement,
Au-dessus des pignons du tranquille village,
Quelque navire ailé qui fait un long voyage,
Et fuit sur l'Océan, par tous les vents traqué,
Qui, naguère, dormait au port, le long du quai,
Et que n'ont retenu loin des vagues jalouses,
Ni les pleurs des parents, ni l'effroi des épouses,
Ni le sombre reflet des écueils dans les eaux,
Ni l'importunité des sinistres oiseaux."
Victor Hugo
Les contemplations
Autrefois - L'âme en fleur - Lettre
Près le Tréport, juin 18..
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