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25/09/2015

Hommage à Guy Béart

Guy Béart vient de disparaître… on n'entendait plus parler de lui, depuis pas mal d'années, qu'à travers sa fille Emmanuelle.

On a eu droit aux hommages radiophoniques et télévisuels habituels mais si peu… À part les formules sacramentelles comme "l'un des derniers géants de la chanson française s'en va" et quelques notes de cette "scie" des années 60 qu'est "L'eau vive", ça a manqué d'emphase, contrairement à l'habitude ; c'est dommage, moi, j'aimais bien Guy Béart...

Non pas parce que c'était un ingénieur (comme Boris Vian, Antoine et quelques autres), diplômé des Ponts et Chaussées, et titulaire d'une thèse s'il vous plaît...

Non pas parce qu'il aurait été un grand musicien ou un grand guitariste ; ce n'était pas le cas ; j'ai souvenir d'un concert plutôt calamiteux à La Baule, il y a vingt ou trente ans, par la faute de ses accompagnateurs il est vrai (mais ne les avait-il pas choisis ?)...

Mais d'abord parce qu'il avait tenu tête (avec maladresse et timidité) à ce provocateur de Gainsbourg qui prétendait que la chanson serait un art mineur. Quelle absurdité ! La chanson (surtout française et toutes les chansons à texte), c'est la rencontre miraculeuse entre un beau texte et une belle musique, en adéquation intime l'une avec l'autre.

Ensuite parce qu'il avait fait partie de cette génération unique qui comptait Brassens, Brel, Ferré, Ferrat, Nougaro.

Guy Béart Chansons éternelles.jpg

 

 

Parce qu'il a écrit de fort belles chansons : "Bal chez Temporel", "Le premier qui dit la vérité", "Il n'y a plus d'après" 

 

Et surtout parce qu'en 1966, il avait dépoussiéré et remis en pleine lumière ces vieilles chansons françaises éternelles avec lesquelles certains d'entre nous avaient été bercés. Je me rappelle que Guy Béart avait recherché si c'était "Sur le pont de Nantes" ou "Sur le pont du Nord", l'original...

J'ai adoré - et j'adore toujours - "Aux marches du palais", "Au jardin de mon père", "Vive la rose", "L'amour de moy", "Et moi, j'm'enfuifui", "À la claire fontaine", "Le roi a fait battre tambour".

24/09/2015

Le français des journalistes

Comment échapper ces temps-ci aux articles sur les migrants ?

Je passe sur les débats sémantico-moralisateurs sur le meilleur vocabulaire à utiliser pour désigner ces centaines de milliers de personnes qui émigrent (réfugiés plutôt que migrants ?), ainsi que sur cette obsession à faire moderne et avant-gardiste qui pousse les journalistes à nous seriner que le nouveau nom de "centre d'accueil" serait hotspot… pour me concentrer sur un article de Marianne le 11 septembre 2015.

Morceaux choisis :

"Comme l'avouent ouvertement certaines entreprises de l'immobilier, du catering ou de la sécurité, l'arrivée des réfugiés peut tourner au jackpot".

"Le réfugié business ne fait que commencer".

"Aujourd'hui… ils portent aux nues le travail à la maison (home office)…".

Mais, sans conteste, la palme revient aux articles "mode" ou "culture". Ainsi trouvait-on, dans le Marianne du 12 juin 2015, les beaux néologismes ou franglicismes suivants :

La mode Marianne 12 juin 2015.jpg

"S'agit-il du pendant veggie à la célèbre tenue en steaks de Lady Gaga ?"

"Le succès des chaussures orthopédiques et des semelles plates-formes évoquant davantage la drag queen frappée de hallux valgus…".

"La tendance fugly (de fashion pour mode et de ugly pour affreux) n'est certes pas tout à fait nouvelle".

"… les mutantes de Givenchy, piercées et bijoutées…".

"Si l'on en juge par les aliens bigleux en tissu qui peuplent les boutiques de cadeaux de naissance branchées".

"La fameuse nouvelle école des designers bûcherons, dream-catchers indiens…"

On a envie d'écrire : and so on...

 

Le plus drôle est que le même article proclamait dans son exorde, à propos de l'art, de la mode, du design et de la gastronomie : "Sous couvert d'humour, d'originalité, d'exploration des limites, tout est bon pour offenser les normes et promouvoir l'aberration"… Offenser donc, en passant, le français de Molière et promouvoir le franglais décomplexé !

 

 

23/09/2015

La civilisation du spectacle (Mario Vargas-Llosa)

La guerre de la fin du monde.jpg

 

Il y a longtemps (juillet 1999), j'avais commencé "La Guerre de la fin du monde" (1981) de Mario Vargas-Llosa, écrivain péruvien né en 1936. Ce livre est l'épopée d'une sorte de Bolivar au Brésil, à la mode sud-américaine que j'adore (Garcia-Marquez, Carpentier…). J'en avais interrompu la lecture à l'époque pour je ne sais plus quelle "urgence littéraire" mais il figure toujours dans ma liste d'attente ("Un jour, je l'aurai…" disait une publicité des années 2000). Passons.

 

Dans son édition du 26 juin 2015, l'hebdomadaire Marianne consacrait une interview par Hubert Artus du Prix Nobel de littérature 2010 à propos de ses deux nouveaux livres : un essai La civilisation du spectacle et un roman Le héros discret.La civilisation du spectacle.jpg

Le premier fait penser, et ce n'est sans doute pas un hasard, à La société du spectacle de Guy Debord.

Voici quelques extraits de l'entretien.

"(Il soutient que) la culture au sens traditionnel de ce mot est sur le point de disparaître et que le monde est engagé dans un irréversible processus de décadence intellectuelle et spirituelle".

Sa réponse ? "(Combattre) avec fermeté, en respectant le droit et la loi mais sans faire aucune concession sur les valeurs fondatrices que sont la liberté, la diversité, l'égalité homme-femme, le respect des croyances… L'Occident doit en être fier et les utiliser dans sa réponse au défi. L'utopie religieuse est ce qui remplace l'utopie communiste de nos jours. Mais l'islamisme sanguinaire, extrême, n'aura jamais la force qu'avait le communisme : celui-ci avait un esprit idéaliste de changement, une dimension de rêve… Comme toutes les sociétés ouvertes et libres, l'Occident est vulnérable mais je ne pense pas qu'il va être détruit".

"La fonction de la littérature reste la même : utiliser l'expérience de la réalité pour créer une vérité différente, grâce à laquelle nous comprendrons mieux le monde où nous vivons. Créer une dualité qui enrichit nos rêves et nos désirs.

La littérature doit aussi demeurer pédagogique, pour que cet espace entre monde réel et monde littéraire devienne celui de la distance critique. La critique, voilà ce qui a toujours été le moteur des transformations de nos sociétés. C'est une réussite de la civilisation occidentale et des sociétés démocratiques. Et la littérature est la meilleure expression de cet esprit, non ?".

"La culture du divertissement abolit la distance critique et participe non à la disparition mais au dépérissement de la culture du livre. À son remplacement par une culture de l'image, qui est superficielle et passagère.

L'esprit critique allait de pair avec la culture des idées, de la parole, et il est aboli.

… Seules comptent la frivolité, l'image, les gestes et l'apparence".

"Les intellectuels ont aujourd'hui perdu leur prestige ; plus personne ne s'intéresse à leur avis. Et ils ne contribuent pas à relever l'utilité et le rôle des idées dans la vie publique. Ça conduit soit à la barbarie, soit au contrôle technologique de la société".

Vargas-Llosa.jpgCette dernière réflexion pénalise le reste de la démonstration, même s'il est question de "certains intellectuels qui acceptent de devenir des clowns"… Car Vargas Llosa est lui aussi un intellectuel. Ses avis intéresseront-ils les gens, en particulier les plus jeunes ? Arrivé à un certain âge, ne devient-on pas obligatoirement un conservateur, chantre du "c'était mieux avant" et du "la culture n'est plus ce qu'elle était" ?

Au demeurant, je partage ses idées sur les dégâts de cette civilisation du divertissement et du clinquant (en France : Hanouna, Arthur, Nagui, Delarue et comparses) et sur la nécessité de réagir et de défendre nos valeurs.