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14/10/2015

Irritations XXIII : franglais encore, franglais toujours

Mes lecteurs s'étonneront - ce qui n'est pas grave - mais s'irriteront peut-être - ce qui l'est plus - de ce que, de billet en billet, je m'acharne à repérer et à dénoncer les multiples emprunts qui sont faits à l'anglais dans notre langue de tous les jours (celle du bureau, de la pub à la télé et dans la rue, du sport, du luxe et de la mode, de la science, de la politique même…).

Il est vrai que c'est devenu un réflexe, voire une manie. J'ai un objectif principal : faire prendre conscience  de l'ampleur de la dégradation de notre langue et conséquemment de son impact sur la confusion qui règne dans les cerveaux de nos jeunes enfants.

Renault 16 electronic.jpgPour moi, le déclic a été le electronic très anglo-saxon qui a trôné à l'arrière d'une voiture Renault dans les années 70. C'était, je crois, la première fois qu'un mot courant était ainsi exposé aux yeux de tous, dans une graphie incorrecte, anglaise en l'occurrence. C'était particulièrement grave parce que, phonétiquement, cela donnait l'impression que l'on avait un mot français, avec sa sonorité, mais mal orthographié.

Je veux également protesté dans mon coin sur une certaine tolérance, une certaine complaisance, une certaine indifférence, en tous cas une certaine minimisation du phénomène, qui est le fait de nos élites : Académie française, responsables de la Francophonie, journalistes… Ils ne nient pas le phénomène mais considèrent qu'il est marginal et inévitable.

Quant aux linguistes, pour la plupart, bien qu'héritiers du grammairien Étiemble (premier lanceur d'alerte - tiens c'est une notion nouvelle et ce n'est pas du franglais !), ils nous assurent, avec bien sûr plus d'autorité que moi, que ce n'est pas grave, que les langues évoluent et qu'on peut dormir sur nos deux oreilles.

Moi, je n'ai pas sommeil et, au risque de laisser sur le bord de la route certains de mes lecteurs - consternés -, je prétends que la dégradation est importante, nuisible et qu'elle va de pair avec l'autodénigrement, le laisser-filer et la soumission à des modèles étrangers, qui semblent être la marque de fabrique de la France d'aujourd'hui (disons, post-Trente Glorieuses).

Donc, je continue ma collecte.

Dans le Marianne du 18 septembre 2015, je trouve : "Certes, il y a bien eu ce bug à la mi-mai" ; "des informations privilégiées à des gérants de hedge funds" ; "Il avait liquidé une partie de ses stock-options" ; "La coach que j'ai rencontrée…" ; "un concept marketing" ; "Utiliser le benchmark comme outil de gestion sur la base du principe complain or explain" ; "son benchmark favori" ; "Ce sont tous des hackers" ; "Un jeune geek affrontait une intelligents artificielle"...

Cette semaine-là, le magazine se terminait par l'article de Guy Konopnicki intitulé "Le salon du premier sexe", titre ironique censé caractériser le "Salon de la femme musulmane" , qui se tenait, dans l'indifférence générale et des féministes en particulier, à Pontoise (on y dissertait apparemment sur l'utilité des coups dans la relation conjugale…).

Je cite le journaliste pour illustrer jusqu'où va se nicher le franglicisme : "… de bonnes ménagères montaient sur scène pour y faire de jolies démonstrations de cooking. Les organisateurs utilisaient le mot anglais cooking sans doute pour produire une sensation de modernité, bien que l'Angleterre ne fût pas une référence incontournable en matière de gastronomie… Rien de tel qu'une mode, exprimée en anglais, pour renvoyer les filles à leurs casseroles. Le cooking, c'est furieusement fashion".

 

 

13/10/2015

Irritations XXII : franglais des transports et des loisirs

J'étais dans le train, en banlieue parisienne, le 7 octobre 2015 et je lisais le Marianne du 18 septembre. Page 46, un article nous apprend que le projet-phare du maire de Calais, c'est de créer un parc de loisirs de 75 ha à l'entrée de sa ville. Il faut croire qu'elle n'attend ni le public français ni le public wallon ni le public flamand, parce qu'elle compte baptiser son parc "Heroic Land".

J'entends bien qu'elle me répondrait sans doute qu'au contraire, elle attend tous ces publics, et surtout ces jeunes publics, et que leur langue "naturelle" à défaut d'être maternelle, celle qui les fait fantasmer, c'est l'anglais.

Mais qu'y a-t-il donc dans la tête de cette élue de la République, pour qu'elle ajoute encore au déluge d'enseignes et de panneaux publicitaires en anglais qui nous submerge ?

Son chargé de mission est de la même eau, puisqu'il a déclaré : "Ce parc, qui mêlera l'univers des mangas, de l'heroic fantasy et des grands aventuriers, s'inscrit complètement dans l'air du temps…".

Quant au personnage sulfureux à qui a été confiée cette prestigieuse réalisation, il est affublé du nom de masterplanner par le journaliste de Marianne. Ils ne savent pas ce qu'ils font...

French kiss.jpgJ'en étais là de mes réflexions quand j'ai levé les yeux sur les deux panneaux de la SNCF qui ornaient le fond du wagon. L'un proposait un concours de photos, sous le titre "#FRENCHKISS". L'autre vantait les billets de train à prix réduits iDVRoom...

Comment les plus jeunes, aujourd'hui, peuvent-ils apprendre le français et respecter l'orthographe ?

12/10/2015

"Le consul" de Salim Bachi : critique (IV), extraits et le fin mot

Mais revenons à nos moutons :  vu qu'il cite ses sources (trois livres récents sur le même sujet), je me demande pourquoi Salim Bachi s'est contenté de "mettre en scène" une histoire déjà racontée trois fois et qu'il présente comme un roman… Sans doute a-t-il fait œuvre d'imagination quant aux tourments de son héros et quant à son caractère torturé et autocritique. Mais est-ce suffisant pour faire un grand livre ?

Ne soyons pas trop sévère ni trop pointilleux, il y a de bons passages dans ce livre. En voici quelques-uns.

"J'avais agi en mon âme et conscience. J'avais rejeté toutes les faussetés de ce siècle, tous les mensonges de mon temps. Je ne m'étais pas cherché d'excuses en assassinant mes semblables" (page 159).

"Il n'y a pas de hasard, notre destin est écrit et l'archer ne fait que décocher sa flèche, image cruelle et vieille comme le monde. Cette pointe ne dévie pas en jaillissant, elle s'envole, atteint son zénith, retombe et se plante dans votre cœur, et cela quelles que soient l'adresse ou la force du tireur. Le trait ne manque jamais son but. Et chaque homme, à un moment de son existence, sait qu'il a accompli son destin. Pour moi, ce fut à Bordeaux. Je t'avais rencontrée et aimée plus que de raison, comme un jeune amant fougueux, moi l'homme établi, marié et père nombreux enfants, à qui il ne restait plus qu'à finir honorablement sa carrière, puis à mourir entouré des siens.

Andrée-Anne-Babin.jpg

Tu es venue et tu m'as emporté sur l'aile de ton rêve… Tu as bouleversé l'ordre intime et professionnel qui étaient les miens et le monde que j'avais bâti, élégant et sûr, entouré d'une famille nombreuse, supporté par une épouse aimante, fait de réceptions et de concerts, de connaissances illustres et de voyages lointains, monde qui ressemblait singulièrement à celui de mon frère jumeau..." (page 174).

"Ici, entre ces murs froids et sombres, alors que la mort vient, je sais que j'ai agi en mon âme et conscience et je l'ai fait uniquement pour sauver ces innocents qui étaient venus à moi les mains vides, désireux seulement d'échapper à un destin qu'ils n'avaient pas choisi, victimes du temps et de la folie de quelques hommes infâmes" (page 176).  

 

 

 

Pour conclure, je dirai que, oui, le livre vous prend et ne vous lâche qu'à la fin ; que, oui, je le recommande (à égalité avec l'une de ses trois sources, que je n'ai pas lues) à ceux qui veulent découvrir un destin d'exception et mieux connaître l'une des pages réconfortantes de cette époque si dramatique ; et que, non, je ne le garderai pas, ne prévoyant pas d'avoir envie de le relire.