12/11/2015
Alerte : le français régresse au Québec
Au moment où j'écrivais mon 500ème billet dans ce blogue "Le bien écrire", je suis tombé sur un article très inquiétant dans le forum "proftrudel2".
Apparemment, il a été écrit par un francophone de là-bas, qui parle de ce qu'il a vécu et entendu. Disons en passant que la forme en est calamiteuse ; j'en ai donc corrigé l'orthographe avant de vous livrer cet extrait :
"Dans la défense de ce patrimoine linguistique, l’administration publique québécoise est à saluer car elle joue un rôle exemplaire et est un moteur dans la promotion du français. Comme l’exige la charte de la langue française, ses activités reflètent le fait que le français est au Québec la langue officielle et langue commune de la vie publique. L’administration publique n’utilise que le français dans l’affichage...
Contrairement à l’administration publique, le privé au Québec exige le plus souvent la connaissance de l’anglais pour occuper certains postes dans certaines grandes entreprises ; cela ne présente pas de danger pour la langue française ; mais il y a danger lorsqu’une entreprise n’exige pas la connaissance du français et engage des anglophones unilingues dans ces postes où ils doivent échanger couramment avec leurs collègues. Cela a comme résultat le fait que la langue d’usage interne de l’entreprise devient rapidement l’anglais.
Et la même chose se produit aussi dans l’administration publique fédérale (NDLR : au Canada donc). La plupart des services publics fédéraux localisés au Québec ont pour l’un des critères-phares de sélection, le bilinguisme. Si vous ne vous exprimez qu’en français et que vous ne parlez pas anglais, vos chances pour travailler au fédéral sont significativement minces, même si c’est pour intégrer un service localisé dans la province du Québec.
Il semblerait donc la maîtrise de l’anglais soit plus payante que celle du français. Cela m’étonnerait fort que la maîtrise du français soit une exigence dans les provinces anglophones, imposée aux personnes qui veulent intégrer l’administration publique fédérale, et encore moins le privé".
C'est grave ce qui se passe pour le français là-bas : le Québec, terre d'immigration qui perd maintenant plus d'habitants qu'il n'en accueille ; le Québec, terre d'accueil de francophones, qui voit maintenant arriver des gens qui ne parlent pas le français ; le Québec, surtout, notre exemple et notre référence quant à la francophonie et la résistance à l'envahissement de l'anglais, qui va peut-être céder à son tour. Affreux !
On sait bien, grâce aux statistiques démographiques, que l'avenir, au moins numérique, du français, c'est l'Afrique. Mais le Québec, quand même, la Belle Province, celle de Leclerc, Vigneault et Charlebois...
1,2,3,4,5,6,7, Québec
Si j'avais les ailes d'un ange
Je partirais pour Québec
Si j'avais des lumières sur mon bike
Je partirais pour Québec
Si j'avais plus de gazoline
Je monterais toutes les belles collines
Quand la noirceur sera venue
J'allumerai des lumières pour ma vue
So when the twilight falls on the heights
I will light my light for my sight
Et je roulerais dans la nuit
En chantant ces jolies mélodies
J'ai passé de belles nuits à Québec
En te caressant avec des beaux becs
J'ai passé des nuits comme ça à Ottawa
En te caressant, en te tenant dans mes bras
J'ai passé des nuits so so à Toronto
Si je me rappelle bien, ça fermait un petit peu trop tôt
Je suis un Hells Angel à pied
Je roule à bille sur du papier
Je mange des hot-dogs et je bois du thé
Je suis un Satan's Choice raté
Pour faire comme les vrais robineux
Je m'achète de beaux vieux habits neufs
Quand je vas sur la Main je mange des guédilles
Je suis un bum de bonne famille
Et quand je fonce vers la lune
C'est ben assis en Volkswagen avec ma brune
J'aurais trop peur sur un chopper
Avec Aline pourvu que ça pine
Avec Thérèse fraise contre fraise
Faut pas que ça niaise
Si j'avais les ailes d'un ange
Je partirais pour Québec
Si j'avais des lumières sur mon Ford
Je partirais pour Québec
Si j'avais plus de gazoline
Je monterais toutes les belles collines
Quand la noirceur sera venue
J'allumerai des lumières pour ma vue
So when the twilight falls on the heights
I will light my light for my sight
Et je roulerais dans la nuit
En chantant cette jolie mélodie
1,2,3,4,5,6,7, Québec
1,2,3,4,5,6,7, Québec
1,2,3,4,5,6,7, Québec
V.2 le 13 novembre 2015
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Chanson, Francophonie | Lien permanent | Commentaires (0)
11/11/2015
O comme Pivot, comme "mots", comme orthographe
Voici ce qu'écrit Bernard Pivot dans "Les mots de ma vie" (Albin Michel - Plon, 2011) à l'entrée "Orthographe" :
"… je suis ce ramoneur qui s'étonne que leurs rédacteurs fassent des fautes d'orthographe sur des enseignes, dans des publicités, sur la page d'accueil des sites internet, sur des cartes de restaurant, etc. Je m'indigne qu'elles y restent, soit parce que personne ne les a remarquées, soit parce qu'on n'a pas voulu rectifier, cela ayant été jugé sans importance".
Je pense à la jolie Loréna, qui disait "Il y a quand même des choses plus graves", à propos, non pas de l'orthographe, mais du franglais. Il y a toujours "plus grave" quand on ne s'intéresse pas à un sujet ou quand il ne nous touche pas.
Quand il étudiait au Centre de formation des journalistes, il y avait des exercices de détection et de correction de coquilles : "Un professeur distribuait à chaque élève la même page d'un journal. Le jeu consistant à déceler le plus vite possible la coquille, la faute d'orthographe ou de français contenue dans les surtitres, les titres, les sous-titres ou les intertitres". Je ne sais pas si cet exercice a perduré. Mais le fait qu'il ait existé prouve qu'à cette époque, il y avait déjà des coquilles dans les journaux, puisque les élèves en cherchaient et en trouvaient !
Pivot dit ensuite : "(La célèbre dictée) m'a valu la reconnaissance et même l'affection de beaucoup de professeurs de français des écoles et des collèges, et l'inimitié de certains pontes de l'Éducation nationale qui étaient hostiles à cet exercice jugé vieillot, incompatible avec un enseignement moderne dont ils s'efforçaient de l'expulser".
"Mais l'on est bien obligé de constater qu'elle (l'orthographe) ne jouit plus du prestige qui était le sien et qu'elle est tenue aujourd'hui par beaucoup de gens, surtout les jeunes, pour qualité négligeable, superflue. Autrefois, cinq fautes à la dictée vous privaient du certificat d'études, même si votre devoir de maths était parfait".
"Le malheur veut que, de l'orthographe valeur quasi sacrée, nous soyons passés en quelques décennies à l'orthographe considérée comme valeur facultative et ornementale. Nous avons versé d'un excès dans un autre".
C'est aussi mon avis. Les personnes auxquelles nous faisons remarquer une entorse à l'orthographe, si elles n'en conçoivent pas de la honte et de la rancune, nous reprochent de considérer comme primordiaux des détails sans importance. Elles se trompent car nous ne nous trompons pas dans la hiérarchie des valeurs : le fond est bien le plus important… mais la forme doit d'abord être correcte afin qu'on l'apprécie à sa juste valeur.
08:13 Publié dans Règles du français et de l'écriture | Lien permanent | Commentaires (0)
10/11/2015
Sur quelques points de grammaire et de vocabulaire… (II)
Le livre de M. Courault "Manuel pratique de l'art d'écrire", paru en 1956, est une mine pour qui s'intéresse au français et à la correction de la langue, écrite en l'occurrence.
Cette année-là, il déplorait déjà "le recul rapide de la conjugaison du 3ème groupe au profit de néologismes barbares du premier ; le discrédit du subjonctif, même au présent ; l'ignorance des ressources offertes par le jeu des mots et des temps à l'expression concise de nuances fines ; la disparition du passé simple, l'inaptitude croissante à l'intelligence, donc à l'emploi, d'une construction inversée, d'une ellipse un peu vigoureuse, etc.".
Et encore : "Indigence et perversion du vocabulaire, recul des connaissances grammaticales et syntactiques".
"Nombre d'adolescents déjà tiennent le livre pour un moyen de culture désuet". Et dire qu'à l'époque, la télévision balbutiait et peu de familles possédaient un téléviseur. Pas de jeux vidéos, pas de téléphones mobiles, pas d'internet !
"Le dévergondage verbal de la Radio marque d'une estampille officielle de grossiers solécismes et des barbarismes offensants".
Bigre !
Le coup porté à la langue ne date pas d'hier. On le savait, évidemment ; mais la vitesse de propagation du mal a dû augmenté, malheureusement.
Mais, pour revenir à M. Courault, soulignons qu'il ne se contente pas de déplorer ; il a agi, à travers son livre, avec des convictions et une "méthode" : d'abord les commentaires cinglants du professeur ne suffisent pas à faire progresser ses élèves ; ils faut qu'il apprennent à connaître pour ensuite reconnaître leurs fautes ; ensuite, les exemples tirés des grands auteurs de la littérature les aideront à comprendre les évolutions de la langue et leur responsabilité quant au maintien de la "bonne langue" ; le gros du travail reviendra à l'élève, qui aura de nombreux exercices à faire, avec recours fréquent au dictionnaire ; la correction de la langue est une vertu négative, il faut y ajouter les mérites de la forme (le style…).
Et de commencer par les barbarismes : forger un mot nouveau sans nécessité ou employer un terme existant dans un sens contraire à tous les usages. L'origine peut en être une fausse étymologie, la paronymie (termes présentant des ressemblances de forme, comme rebattre les oreilles / rabattre sa prétention), la méconnaissance d'une forme ancienne (l'affaire est dans le lac / l'oiseau est pris dans un lacs) et l'ignorance pure (aéroplane / aréopage).
Le premier chapitre se termine par les néologismes : créer un mot nouveau pour désigner une chose ou une idée nouvelles. "Tout mot d'une langue a commencé par être un néologisme". Et même, "des termes communément employés par la langue parlée actuelle ont été d'abord des intrus mal accueillis par les grammairiens et les linguistes : exactitude fut, au XVIIème siècle qualifié de monstre ; Voltaire protesta contre égaliser ; l'académicien Royer-Collard dit, à propos du verbe baser : s'il entre, je sors".
Dans les années 70, les professeurs de français s'insurgeaient encore contre baser et imposaient l'usage de fonder. On peut sans doute donner le même destin à finaliser...
Victor Hugo a créé le mot moustachu, Flaubert le mot autopsier...
PS. René Girard, philosophe, anthropologue des désirs et de la violence, spécialiste de littérature et des religions, académicien français, est décédé le 5 novembre 2015 à Stanford (Californie) à 91 ans.
07:30 Publié dans Franglais et incorrections diverses, Règles du français et de l'écriture | Lien permanent | Commentaires (0)