07/01/2017
Devinette XVIIc : auteurs français du XVIIème siècle
Avec le XVIIème siècle que nous abordons aujourd’hui, ce sont nos années de lycée (M6 aurait dit : « nos années-lycée »…) qui remontent à la surface.
À cheval sur le changement de siècle, il y eut Malherbe, qui régularisa notre langue (on dirait maintenant « qui standardisa ») mais ne frappa pas nos esprits juvéniles, pas plus que Cyrano de Bergerac que nous avons toujours considéré comme faisant partie du XIXème (à cause d’Edmond Rostand). Même Descartes, qui fit pourtant de nos modes de raisonnement bien français ce qu’ils sont, ne fut qu’évoqué…
Mais alors, ensuite, quel festival, quelle équipe de rêve, quelle brochette ! Rappelez-vous : « Une corneille perchée sur la racine de la bruyère boit l'eau de la fontaine Molière »… Les quatre immortels : Corneille, La Fontaine, Molière, Racine et les autres : Boileau, Bossuet, La Bruyère, Madame de Sévigné, Madame de Lafayette. Ce sont les classiques. Et au milieu de ces écrivains, un esprit universel : Pascal.
Alors quel plaisir de citer, de mémoire :
Ô rage, ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Percé jusques au fond du cœur
D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d'une juste querelle,
Et malheureux objet d'une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
À moi, comte, deux mots.
Parle.
Ôte-moi d'un doute.
Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées
La valeur n'attend point le nombre des années.
Dispense ma valeur d'un combat inégal ;
Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire :
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

Et le désir s'accroît quand l'effet se recule.
07:31 Publié dans Blog, Histoire et langue française, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
05/01/2017
Irritations linguistiques XXXVIII : ils jouent, donc il gagne
Je continue sur le jeu – et plus particulièrement sur les courses de chevaux – car, fait du hasard, je viens de retrouver un article de la revue L’Entreprise, daté d’octobre 2009 et consacré au Directeur général de ZEturf (site fondé en 2001), à l’époque où s’achevait le monopole du PMU.
Ce Directeur répondait au beau patronyme de Rohan-Chabot et au prénom devenu célèbre depuis, au masculin (Emmanuel) après avoir connu une certaine vogue au féminin (Emmanuelle). Je ne sais pas si sa société de pari en ligne existe toujours mais peu importe. Son entretien avec la rédaction valait son pesant de cacahuètes, surtout d’ailleurs les questions du journaliste Ronan Chastellier. Jugez-en.
Q. « Le facteur chance, c’est comme dans le bizness ? »
R. « (…) avec les paris en ligne, c’est devenu un big bizness ».
Q. « Vous avez connu aussi des big problems ? »
Q. « Les jeux d’argent sur internet, c’est toujours borderline? »
(Vous noterez que ce journaliste écrit comme les gens parlent, c’est-à-dire qu’il ne connaît plus l’inversion du verbe et du sujet de la forme interrogative…).
Q. « Et ZEturf en chiffre d’affaires, c’est le jackpot ? »
(à une autre question, en français celle-là) R. « Ce qui exploserait notre business model».
(Faut-il rappeler que le verbe « exploser » est intransitif ?).

Pour conclure, une question et une proposition :
Pourquoi les journalistes écrivent-ils comme cela ? Ce snobisme (ou ce laisser-aller) leur rapporte-t-il tant que cela ? Dire que les Écoles de journalisme proposent aux professionnels des formations (coûteuses) pour apprendre à écrire…
Une première étape de reconquête serait de mettre systématiquement en italiques et / ou entre parenthèses tous les termes anglais (récents), pour bien mettre en évidence, comme si c’étaient des citations, qu’ils ne font pas partie de la langue française, qu’ils ne sont là que de passage, pour faire « savant » ou pour intriguer, une appogiature.
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
02/01/2017
Irritations linguistiques XXXVII : je joue, donc tu gagnes
L’autre jour, j’entends une dame à la radio qui nous dit « bla bla bla… ils ont eu ça en direct », et aussitôt, craignant qu’on ne la comprenne pas, elle corrige « en live »…
Il y avait déjà eu les rollers, le skate board, le kite surf, j’en passe et des encore pire. Voilà-t-y pas qu’on nous invente aujourd’hui le fat bike, pour rouler dans la neige ! Tous ces marchands (de matériel, de loisirs, d’abonnements divers et variés) n’arrêtent pas de mettre sous nos yeux d’enfants perpétuels, de pseudo-innovations, de fausses nouveautés et d’inutiles modes (une année, les jambes des pantalons sont larges ; l’année d’après, elles sont étroites…). Si ce n’était que cela ; après tout, c’est leur métier et leur moyen de subsistance ; les consommateurs que nous sommes n’ont qu’à être moins badauds et moins nigauds. Mais ils se croient obligés, aidés par ces perroquets de la publicité et du journalisme (ceux que Michel Serres appellent « les collabos », d’après mon commentateur du 30 décembre 2016), de les affubler de noms anglais (ou plutôt américains). Il est vrai que ces derniers en inventent tous les jours des gadgets… Seul espoir pour nous autres – mais il est peu enthousiasmant – croire au théorème de René Étiemble, à savoir que les noms franglais disparaîtront avec les objets qu’ils désignent, le plus vite possible.
J’en étais là dans les irritations linguistiques quand je me suis penché sur l’article d’Étienne Thierry-Aymé dans le Marianne du 2 décembre 2016, intitulé « La folie retrogaming », dont l’incipit était le suivant : « Sous le sapin, les consoles vintage risquent de piquer la vedette aux derniers gadgets high-tech. Après les tee-shirts vintage, les portables préhistoriques, les ordinateurs old school, les jeans déchirés et les vinyles pleins de poussière, la mode du retrogaming bat son plein ». Ça commençait bien.
Passons sur les hors d’œuvre (le design des jeux vidéo, des consoles plug and play revisitées…) et regardons les encarts : « LA PLUS SHOW-OFF », « LA PLUS SEVENTIES », « en différentes tailles (classic, compact, mini) » (en quoi cette graphie anglaise de « classique » fait-elle avancer le smilblic ?), « une version pocket » (en quoi cette graphie anglaise de « poche » fait-elle avancer le smilblic ?), « flash-back sur les années 80-90 », « pas de jeu vidéo sans joystick », « un stick d’arcade »,
Pour être honnête, je dois signaler que ce journaliste utilise l’expression « tout-en-un » parfaitement bienvenue, alors qu’on aurait pu craindre un franglicisme que, naturellement, je n’écrirai pas.

Reste, pour parler un peu du fond, que plus de la moitié des Français déclaraient en 2015 (non pas leurs revenus) mais qu’ils étaient adeptes réguliers de jeux vidéo (à comparer avec les 20 % du début des années 2000). Qu’ont-ils donc, tous ces Français, à jouer comme des enfants ?
Fin 2016, le chiffre d’affaires du secteur aurait atteint 3,4 milliards d’euros, rien qu’en France.
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses, Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0)


