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11/09/2022

"Un jardin pour mémoire" (Jacques Lacarrière) : critique III

Autobiographie ou plutôt roman de l’adolescence, ai-je dit… Oui, c’est le côté le plus attachant du livre. Les premiers émois et aussi les rêves d’un avenir passionnant : « Dès que j’imaginais la Grèce, le mur du jardin s’entrouvrait, juste au-delà du tilleul et des framboisiers, pour laisser entrevoir, comme tremblante en l’eau d’un miroir, une contrée lumineuse au ciel d’un bleu intense (…) et je n’avais qu’à fermer les yeux pour voir surgir très souvent un paysage bien précis, la colline de la Pnyx située en face de l’Acropole (…) Quand je me précipitai sur la Pnyx, au cours de mon premier voyage en Grèce, je la vis exactement telle que je l’avais imaginée et j’eus alors le sentiment d’un devoir accompli. Quel devoir ? Être resté fidèle aux visions de mon adolescence » (page 67).

Cette période éprouvante et dangereuse s’achève : « Il avait fallu décider tant de choses par nous-mêmes qu’il n’était plus question d’accepter maintenant sans réagir ou discuter les avis des adultes. Ainsi s’achève l’adolescence : quand on devient enfin maître, non de ses jours et de ses nuits, car cela était déjà possible avant, mais de tous ses désirs et surtout de ses choix d’avenir. C’est à ce moment-là, quand tout autour de nous n’était que ruines, que la ville presque entière était à reconstruire et l’avenir à repenser, que je décidai seul, absolument seul (mais avec la complicité du tilleul) de ce que e ferais de ma vie : être cigale et jamais fourmi » (page 109).

Le style littéraire de Jacques Lacarrière est souvent presque surréaliste, ou plutôt animiste : pour lui les arbres, les fleurs, les fleuves et la nature en général ont une âme et même une personnalité (« Car je suis l’enfant d’un tilleul, de celui qui poussait au milieu du jardin et qui, des mois durant, m’abrita dans ses branches » (page 33). Comme dans son livre « Ce bel aujourd’hui » voir ici ma critique le 1er décembre 2016..., ses considérations iconoclastes, qui semblent forcées (surjouées diraient les journalistes), amusent dans un premier temps mais sont lassantes à la longue : « Un tas de gravats n’est en rien une maison à l’envers, le miroir d’une contre-maison ou d’une anti-maison, mais la négation même de tout habitat » (page 29). Bon, c’est vrai, tout le monde ne peut pas connaître l’entropie et son augmentation à long terme ! Parfois c’est drôle : « Il faut remercier la Providence (…) d’avoir pensé à faire passer la Loire à Orléans » (page 51) ! Il y a bien « Agnès, la Loire et les garçons » de Maurice Genevoix et « Les mouettes sur le Saône » de Jacques Chauviré

La Loire à Orléans.jpeg

« Et tandis que la ville réapprend peu à peu à revivre à son rythme de d’antan, nous, nous passons notre temps à regarder la Loire. Elle est l’image de notre fidélité car la fidélité n’est jamais immobile, elle accompagne sans cesse le mouvement du monde, le déplacement ou la dérive des sentiments, elle est comme le cours d’un fleuve, une eau toujours présente qui n’est jamais la même. Nous regardons la Loire en fermant à demi les yeux. C’est depuis toujours notre jeu préféré, qui nous permet d’avoir à peu de frais des visions fantastiques… » (page 119). On pense au « Favorite Game » de Leonard Cohen.

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