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14/03/2015

L'erreur d'intitulé

De même que la première phrase d’un roman, le titre d’un livre est déterminant, pour évoquer son thème, son ton, sa tessiture d’une part et pour donner envie de le lire d’autre part.

Régis Debray.jpgRégis Debray vient de publier « L’erreur de calcul » (Les éditions du cerf, 2014), un petit bouquin de 55 pages rageuses et incisives.

Il est très colère, Régis, et quand il est colère, il a la plume assassine. C’est donc au vitriol qu’il brosse le tableau de notre société (occidentale et surtout française) gangrénée par le tout-économique, le tout-financier, le tout-statistique, en deux mots le tout-chiffres et le tout-fric.

C’est « l’erreur de calcul qui nous bouche la vue et s’en prend à nos vies », rien de moins.

Mais pour moi, il y a avant tout une erreur de titre ! Outre qu’il est abscons et décrit finalement assez mal le contenu de son pamphlet, il n’est guère mobilisateur et va orienter les moteurs de recherche vers les manuels d’économie ou de mathématique.

Régis Debray aurait pu tenter d’égaler le coup de Stéphane Hessel avec son incroyable « Indignez-vous », qui a passionné, réveillé et mobilisé dans de nombreux pays.

 

À part ça, la rage et l’efficacité de l’analyse sont là et bien là ; Régis Debray dénonce la disparition des valeurs ou plutôt leur remplacement, jusque dans le vocabulaire : « Chacun s’exprime à l’économie : il gère ses enfants, investit un lieu, s’approprie une idée, affronte un challenge, souffre d’un déficit d’image mais jouit d’un capital de relations, qu’il booste pour rester bankable et garder la cote, en jouant gagnant-gagnant… Il s’émeut d’un paysage qui vaut de l’or… ».

« L’économie est une vulgate, où l’endoctrinement s’appelle explication, laquelle n’est pas une heure d’instruction religieuse par semaine mais une catéchèse quotidienne et cathodique ».

 

Plusieurs fois dans le livre, Régis Debray distingue trois phases marquées par un repère et un personnage emblématique : la religion (Saint Louis), la patrie et la République (Clémenceau) et aujourd’hui l’économie (Monsieur Hollande, comme il dit), avec ses « modèles d’identification » : le Chevalier, le Soldat-Laboureur, le Manageur, et ses contre-exemples : le fanatique, le chauvin, l’affairiste. Et flotte comme un regret, l’ombre du grand homme (De Gaulle).

 

La Défense (du pays), la Culture et l’École ont pour lui été sacrifiées sur l’autel de la modernité économique.

 

« On comprend dès lors le mimétisme nord-américain et que la nouvelle Europe soit un dominion, fondue dans l’Otanie, avec son commandant en chef à la Maison blanche ».

 

« … que les classes dirigeantes mondiales aient un seule lingua franca, celle de l’économie et des finances. L’élite romaine parlait grec, ‘et c’est la Rome impériale qui a hellénisé l’Occident.

L’élite américaine est monolingue, et le globish est notre espéranto ».

 

 

On se régale car Régis Debray a le sens de la formule. Par exemple : « L’illusoire tourne en douce à l’obscène ». Peut-être trop… du coup, le texte a un débit de mitraillette, ça flingue à tout va.

 

Au total, on est revigoré. Dieu soit loué, il y a encore des gens qui râlent et qui protestent, sans retour-ner leur veste (citation !).

 

Allez, je termine par le grand Charles : « Vieille France, accablée d’histoire, allant et venant sans relâche de la grandeur au déclin mais redressée de siècle en siècle par le génie du renouveau ».

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