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09/10/2017

Langues africaines et francophonie I

Je suis fasciné par les langues : leur nombre (des milliers) et leur structure, représentative d’une façon de penser et de vivre. C’est pour cela que j’admire Claude Hagège, ce puits de connaissances linguistiques. Quant à moi, je ne connais guère que trois langues, et encore. Le français bien sûr, c’est bien le moins. Ensuite l’allemand, surtout littéraire ; j’ai adoré les extraits de Goethe étudiés au lycée et je me suis passionné un temps pour un écrivain contemporain, Wolfgang Borchert. Mais « Der Zauberberg », je l’ai lu en français. Enfin l’anglais, qui est pour moi inséparable de l’américain parlé et écrit par un Prix Nobel (Robert Zimmermann) et un poète de Montréal (Léonard Cohen), dont j’ai appris des dizaines de chansons par cœur.

À titre anecdotique, l’espagnol, dont je connais essentiellement un vers, grâce à Paco Ibanez, célèbre en France dans les années 70, et le portugais, dont j’ai récemment appris deux mots : saìda et obrigado mais dont je rêve de comprendre la variante brésilienne, à cause de Vinicius de Moraes et Antonio Carlos Jobim… Et c’est tout, c’est maigre. 

Le bilinguisme me fascine ; il est en fait assez répandu dans le monde, en particulier en Afrique, suite aux colonisations mais pas uniquement. Faut-il ne connaître qu’une seule langue pour en épuiser toutes les subtilités ou bien en connaître plusieurs et s’ouvrir ainsi des perspectives intéressantes ? Vaste question. 

Dans « L’enfant noir », Camara Laye évoque sa traversée de plusieurs régions de Guinée pour se rendre à la capitale (cf. mes billets des 2 et 5 octobre 2017) et, à cette occasion, la rencontre des langues peul et soussou, bien différentes de sa langue maternelle, le malinké. Quelle diversité déjà dans un territoire assez restreint !

J’ai eu envie d’en savoir plus, d’autant que, ayant mal lu une première fois le résumé biographique, je croyais que Laye était originaire de Haute-Volta (ce pays existait dans la géographie de ma jeunesse mais plus aujourd’hui !), alors qu’il venait de Haute-Guinée (comme d’autres des Hautes-Vosges ou du Haut-Var…).

De même qu’il y a deux Congo (Brazzaville – celui de Manbanckou – et Kinshasa), il y a… trois Guinée : Conakry (celle de Laye), Bissau et équatoriale.

La langue officielle de la République de Guinée (Conakry) est le français. Il s'agit de la langue de l'État et des institutions officielles. Après le régime de Ahmed Sékou Touré, le français est redevenu la langue unique d'enseignement à l'école.

La langue française est une langue en forte expansion en Guinée d'après les derniers rapports. En 2002, le nombre de locuteurs de langue maternelle française était estimé à 2 % de la population totale. D'après les autorités guinéennes, une nouvelle estimation de 2007 revoit ce chiffre fortement à la hausse par rapport à celle de 2002 : le nombre de francophones atteindrait 21,1 % et le nombre de francophones partiels 42,1 %. L'ensemble cumulé représente 6 millions de personnes, soit 63,2 % de la population totale ayant une maîtrise partielle ou complète de cette langue. L'anglais est présent dans les régions frontalières avec le Libéria et la Sierra Leone, et est une langue universitaire et commerciale.

Les trois principales langues d'origine africaine sont (nous y voici) :

  • le pular parlé majoritairement en Moyenne-Guinée, soit plus de 40 % de la population guinéenne, possède de nombreux locuteurs dans les autres régions ;
  • le malinké, parlé majoritairement en Haute-Guinée, possède de nombreux locuteurs dans les autres régions..
  • le soussou, parlé majoritairement en Basse-Guinée, parlée dans les quatre régions naturelles de la Guinée, est la langue dominante de la capitale Conakry.

mais on rencontre également des locuteurs dans d'autres langues qui sont :

(source : Wikipedia ; merci internet et surtout merci à tous ces gens savants qui passent du temps à nous délivrer bénévolement leur science !). 

Quel miracle que cette diversité, l’entropie ! Et quelle merveille d’avoir identifié et nommé toutes ces langues ! Mais quel est leur avenir dans le monde néolibéral uniformisé qui progresse chaque jour aux quatre coins de la planète ?

07/10/2017

Fréquentation : inversion de la courbe !

En septembre 2017, mes lecteurs et moi avons réussi ce que M. Hollande avait imprudemment promis et finalement raté : l’inversion de la courbe !

François Hollande 2.jpg

En effet la fréquentation du blogue s’est élevée au nombre faramineux de 495 visiteurs uniques, mettant fin à une chute qui avait commencé en juin. Le niveau a légèrement dépassé celui de mars 2017 (492), avec un minimum à 10 (en août, c’était 3…) et un maximum à 31.

L’Afrique reprend la tête avec 6,0 %, devant l’Amérique du Nord (4,3 %).

Allez ! on y croit !

07:30 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

05/10/2017

"L'enfant noir" (Camara Laye) : critique II

Laye connaît la concordance des modes et des temps : « Jusqu’ici ma grand-mère avait toujours exigé que je passasse la fête chez elle, à Tindikan » (page 84). « Mais c’était une conquête très lente, presque désespérée, si lente et si désespérée qu’il arrivait que le train dépassât à peine le pas d’homme » (page 136). Sa langue n’est pas foisonnante, inventive, lyrique comme celle de Ahmadou Kourouma ; elle est classique, rigoureuse, précise : « De la porte de la concession, je les avais regardé passer, avec leur cortège de griots, de balaphoniers et de guitaristes, de sonneurs de tambour et de tam-tam » (page 85). Ce qui n’exclut pas la poésie ni l’émotion : « À la nuit tombée, la presqu’ile de Conakry se découvrit, vivement illuminée. Je l’aperçus de loin comme une grande fleur claire posée sur les flots ; sa tige la retenait au rivage. L’eau à l’entour luisait doucement, luisait comme le ciel ; mais le ciel n’a pas ce frémissement ! Presque tout de suite, la fleur se mit à grandir, et l’eau recula, l’eau un moment encore se maintint des deux côtés de la tige, puis disparut » (pages 137-138). 

Comme dans « Les soleils des Indépendances », on est ici chez les Malinké. Et l’islam est omniprésent mais discret. 

Quand l’écolier part en train rejoindre son établissement technique à Conakry, il traverse des régions aux dialectes différents : le peul d’abord, puis le soussou, qu’il ne maîtrise aucunement (contrairement au malinké). Et par certains deux langues sont pratiquées à égalité : le français et l’arabe (en l’occurrence pour lire le Coran dans le texte).

L’amitié – ou l’amour innocent – pour Marie est le sujet de quelques-unes des plus belles pages du roman. « C’est que je n’étais pas le seul à aimer Marie, bien que je fusse seul peut-être à l’aimer avec cette innocence : au vrai, tous mes compagnons aimaient Marie ! Quand las d’écouter des disques, las de danser et nos devoirs terminés, nous partions nous promener et que je prenais Marie sur le cadre de ma bicyclette, les jeunes gars de Conakry et plus spécialement mes compagnons d’école et les collégiens de Camille Guy nous regardaient passer avec des regards d’envie. Tous eussent voulu avoir Marie pour compagne de promenade, mais Marie n’avait point d’yeux pour eux, elle n’en avait que pour moi. Je ne me le rappelle pas par vantardise, encore qu’à l’époque je fusse assez fiérot de ma chance ; non, je m’en souviens avec une poignante douceur, je m’en souviens et j’y rêve, j’y rêve avec une mélancolie inexprimable, parce qu’il y eut là un moment de ma jeunesse, un dernier et fragile moment où ma jeunesse s’embrasait d’un feu que je ne devais plus retrouver et qui, maintenant, a le charme doux-amer des choses à jamais enfuies ». Et plus loin : « Car Marie aussi n’aimait rien tant que de s’asseoir ici et de regarder la mer, de la regarder jusqu’à n’en pouvoir plus » (page 155). Suit une très belle description des impressions ressenties par les deux jeunes gens devant le spectacle de la mer, que je vous laisse découvrir. « Personne n’a jamais été si proche de mon cœur que Marie, personne ne vivait dans mon cœur comme Marie » (page 157). Superbes pages…

Au total, ce livre bien écrit et chaleureux est un témoignage touchant sur la vie d’un enfant de la Haute-Guinée dans les années 40, qui mêle respect des traditions et des croyances, travail et surtout une incroyable solidarité entre les êtres. 

« (…) Nous prenons tous un jour ce chemin qui n’est pas plus effrayant que l’autre… L’autre ?... L’autre, oui : le chemin de la vie, celui que nous abordons en naissant, et qui n’est jamais que le chemin momentané de notre exil… (page 170).