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21/02/2019

Les mots français de toujours I

Il y a aussi des mots anciens – des mots de toujours – que l’on a oubliés, déformés ou utilisés de travers. En voici quelques-uns, repérés au fil des jours. 

« Chafouin » a pour féminin « chafouine », mot dialectal de chat et fouin, masculin de fouine, « se dit d'un visage sournois et rusé » (Dictionnaire Larousse en ligne). 

Une embrasse est un « lien de passementerie destiné à relever un rideau ou une draperie en son milieu vers le côté » (Dictionnaire Larousse en ligne). Longtemps, j’ai cru que ce morceau de tissu s’appelait une « embrase »… Pourtant il s’agit bien d’embrasser (le rideau) ! 

Encore plus fort : pour moi « Chabler » était du patois vosgien qui signifiait donner un coup », voire « faire tomber » au football, avec l’idée d’agression (une sorte de tacle volontairement méchant). Que nenni ! Chaulerde l'ancien français chaable, catapulte, est un synonyme de gauler, qui signifie « battre les branches d'un arbre avec une gaule pour en faire tomber les fruits, telles les noix » (Dictionnaire Larousse en ligne). Comme on le voit, la confusion est excusable. 

Le mot « tentacule » est bien sûr masculin (un tentacule) et non pas féminin.

28/01/2019

Les mots français à la mode V

Voici une expression fort en vogue qui m’irrite profondément : « mais pas que ».

Comment analyser et comprendre sa fortune ?

D’abord on pense que c’est l’omniprésent souci de concision et de rapidité, jumelé avec la propension du français à « couper » les mots et les expressions après leur début ou leurs premières syllabes (par exemple : « prof » au lieu de « professeur », « en transports » au lieu de « en transports en commun », etc.). Mais, outre que le tic a saisi à la fois des gens objectivement pressés et des gens qui ont le temps, le gain en rapidité par rapport aux formules correctes (« pas uniquement » ou « pas seulement ») est très faible, voire nul.

Dans un second temps j’ai pensé à l’attraction (involontaire) de la formule inventée par Raymond Devos dans un célèbre sketch (désolé pour le franglicisme…) : « encore que… ». Mais pour l’incomparable humoriste, il s’agissait de conclure une remarque en la modulant par un doute (et un sourire malicieux). Pour nos charcuteurs modernes de la langue, la contraction sert au contraire à introduire, le plus rapidement possible pensent-ils, une énumération ou une argumentation complémentaires.

J’ai pensé aussi, par analogie, à un tic du Parti communiste (MM. Marchais, Krasucki et autres), assez largement adopté depuis lors par des hommes politiques, qui consistait à utiliser l’expression « y compris », non pas, après une affirmation, pour la compléter en la détaillant ou pour insister sur le fait qu’elle incluait bien, qu’elle « embarquait » bien telle ou telle catégorie (par exemple : « tous les salariés, y compris ceux qui ne bénéficient que d’un contrat à durée déterminée »), mais directement et sans complément dans la phrase principale (par exemple : « cette mesure doit concerner y compris les salariés », ce qui n’a aucun sens).

Bref, c’est du langage politico-journalistique, qui comme tous ses avatars vise à se montrer moderne et efficace. Normal quand on a la chance de contribuer à l’essor de la start-up nation.

Cela me fait penser, par ricochet, à ma bête noire, dont je ne sais plus si j’en ai déjà parlé dans ce blogue : « juste ». Pour le coup, il s’agit d’un servile emprunt à l’américain (par exemple : le fameux « Just do it » ou le torride « I’m just a gigolo » pour les plus âgés…).

En français, du moins tel qu’on nous l’a appris à l’école primaire et au collège, via d’innombrables lectures et dictées, le mot « juste » (indépendamment de son appartenance au champ du mot « justice ») signifie « voisin », « proche », « à peu de choses près » : « je suis arrivé juste à temps pour monter dans le train qui allait partir », « je suis arrivé un peu juste », « le pot de confiture est rangé juste au-dessus des cornichons », etc.

Or il est quasi exclusivement utilisé aujourd’hui, surtout par les personnes de moins de quarante ans, à la place de « uniquement », « seulement ». Par exemple, « C’est juste injuste » a le sens de « C’est tout simplement injuste » mais n’a aucune justification syntaxique ! Encore une fois, on se demande « pourquoi un tel succès ? »… J’y vois deux raisons : l’américanisme et la concision (une seule syllabe prononcée au lieu de deux ou trois).

Tout ça pour ça ?

07/01/2019

Les mots français à la mode IV

Jacques Julliard écrit dans le Marianne du 18 mai 2018 « (…) Les syndicats et autres forces vives, comme on disait jadis, se révèlent aujourd’hui incapables de jouer le rôle vacariantqui a été plusieurs fois le leur ». How strange ! Quel est donc ce mot, qui n’est pas la mode mais au contraire « extraordinaire » et qui me fait penser aux vicaires de nos paroisses d’antan ? Voyons ce qu’en dit le Trésor :

MÉD., vieilli. [En parlant d'une activité, d'une fonction] Qui supplée à l'insuffisance fonctionnelle d'un organe (exemple : organe vicariant ; fonction vicariante).

« Le rhumatisme et la neurasthénie sont deux formes vicariantes du neuro-arthritisme. On peut passer de l'une à l'autre par métastase » (PROUST, Sodome, 1922, p. 891)

Étymologie et histoire

1878 Physiologie : fonctions vicariantes (Larousse 19e Suppl.);

1922 « (d'un élément, d'un phénomène) qui se substitue à un autre » (PROUST, Sodome, p. 625 : des habitudes qui reprendront un jour ou l'autre la place du mal vicariant et guéri).

« Vicariant » est le participe présent adjectivé de « vicarier ».

Étrange que Proust soit cité deux fois dans cet article du dictionnaire informatique…

Macron christique.jpg

À la mode sûrement, le mot hubris. Le TILF ne connaît pas mais le Larousse sur internet si :

Hubris ou ubris, nom féminin (mot grec)

  • Chez les Grecs, tout ce qui, dans la conduite de l'homme, est considéré par les dieux comme démesure, orgueil, et devant appeler leur vengeance.
  • Littéraire : outrance dans le comportement inspirée par l’orgueil ; démesure

Et devinez pourquoi les journalistes usent et abusent du mot… c’est à cause de l’arrogance et du complexe de supériorité difficilement acceptable du Président de la République.

J’ai découvert ce terme dans Marianne, par exemple dans l’article « Le barnum mémoriel de Macron » de Soazig Quéméner, le 2 novembre 2018. Elle écrit : « Difficile pourtant d’imaginer Macron passer de l’hubris des dieux dénoncée par Gérard Colomb à l’absence de panache de Carnot ».

Toucher performatif Macron.jpg

Article d’autant plus intéressant qu’il m’a fourni un autre mot à la mode : performatif (qui doit avoir la même origine économico-communicatrice que « autoréalisateur »). Elle cite l’inénarrable Bruno Roger-Petit : « Pour lui (E. Macron), le toucher est fondamental, c’est un deuxième langage. C’est un toucher performatif : le roi te touche, Dieu te guérit ».

Est-ce l’irremplaçable Michel Audiard ou le remplacé Jacques Chirac qui avait dit que « les cons, ça ose tout et que c’est même à cela qu’on les reconnaît » ? Non, c’est Michel Audiard dans « Les tontons flingueurs », sommet indépassé et sans doute indépassable.