08/12/2014
Dis pas ci, dis pas ça (V)
Dans son petit livre de mise au point, l’Académie, pour recommander ou bannir, se fonde sur quelques principes qui sont aussi les miens depuis longtemps : rester simple dans son expression, être logique et cohérent, utiliser les mots qui existent au lieu d’attraper tous les néologismes qui passent, tirer profit de la variété et de la précision de notre langue, au besoin « recycler » des mots passés de mode… mais elle rappelle aussi assez souvent l’origine et la « trajectoire » des mots, c’est-à-dire l’étymologie, ainsi que les exceptions et quelques paradoxes de l’usage qui, parfois, laissent perplexes (ainsi, « clôturer » ne doit être employé qu’au sens propre, dans le monde physique : « clôturer un champ », alors qu’on tolère le substantif « clôture » au figuré : « clôture de la Bourse »).
Je vous propose aujourd’hui de balayer le chapitre de la lettre C. Il contient des articles dont le contenu m’a fait plaisir (courriel et mél., contrôle…).
Commençons par lever l’incertitude que nous avons tous sur les verbes qui autorisent la construction personnelle ou impersonnelle. On peut dire et écrire : « Nous verrons ce qui se passera » aussi bien que « Nous verrons ce qu’il se passera, l’Académie considérant que la nuance est souvent indiscernable et constatant que les meilleurs écrivains emploient l’une ou l’autre des formulations. Libertad !
L’arbitrage entre « C’est » ou « Ce sont » est plus compliqué. On retiendra que « le pluriel est de meilleure langue », sauf dans quelques cas comme « C’est vous tous qui avez décidé ».
Avec « Ci-inclus » et « Ci-joint », on franchit un autre seuil de difficulté. Il y a trois cas de figure :
§ la locution a la fonction d’épithète et est placée « avant » ; on accorde ; « La pièce ci-jointe » ;
§ la locution est nettement adverbiale, en particulier en étant placée « après » ; on n’accorde pas ; « Ci-joint la copie des pièces » ;
§ dans les autres cas, ça dépend et donc ça varie… Bonjour l’hésitation.
Bien sûr, à la lettre C, il y a aussi des termes franglais… Je n’insiste pas sur « confusant » (de l’anglais confusing), qui n’a aucune raison de remplacer troublant, perturbant, déconcertant, prêtant à confusion, etc.
Et maintenant, le fameux « Contrôle » et son double, l’anglais Control. Son histoire est intéressante et éclairante. Au départ, il y a le « rôle », qui est une liste inscrite sur un rouleau de papier ; puis, le « contre-rôle », qui servait à vérifier l’exactitude de ce qui était inscrit sur le rôle et qui a donné « Contrôle ». Il ne faut employer « Contrôle » que dans ce sens de vérifier, et non pas dans le sens anglais de maîtriser, conduire, commander. Tout le sel de cet article, et le rédacteur de l’Académie ne le sait sans doute pas, est que, dans les entreprises, le « Contrôle interne » s’est répandu et que ses experts passent leur temps à répéter que ce n’est pas de la vérification pointilleuse mais une assurance de la maîtrise des activités. Alors qu’on fait appel généralement à la logique et à l’étymologie pour inciter les gens à « bien parler», il faut donc dans ce cas précis les enjoindre à lire un mot « Contrôle » en lui attribuant le sens de « maîtrise », alors qu’il signifie bien « vérification ». C’est la schizophrénie de l’entreprise et, certains diront, la Lingua quintae respublicae…
L’Académie dit bien « courriel » pour les messages électroniques (e-mail) et « mél. » uniquement pour les adresses, dans le même emploi que « tél. ». S’il n’y avait que ce critère, sur ces seuls deux mots, je pourrais donc postuler à l’Académie avec une chance de succès…
Mon dernier paragraphe est pour M. : une rumeur (un canular) a couru il y a quelques mois dans les réseaux sociaux, selon laquelle l’Académie accepterait « ils croivent » à côté de « ils croient ». Il n’en est rien : bien que cette forme soit fréquente dans certaines régions, depuis fort longtemps, et pas uniquement dans les banlieues…, elle est incorrecte. Malgré des ressemblances, « croire » ne se conjugue pas comme « boire » ou « savoir » !
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07/12/2014
Dis pas ci, dis pas ça (IV)
Dans le petit bouquin de l’Académie, il y a encore les mots employés de travers :
« appétence », dont la terminaison en –ence fait savant, utilisé à la place de appétit (ou goût marqué ou désir).
« blindé (de monde) », correct dans le langage militaire et dans l’argot au sens de « endurci, protégé » mais à éviter dans le langage courant au sens de « plein, rempli » !
Le fameux « au temps pour moi », dont la graphie courante « autant pour moi » est déconseillée, à la fin d’un article assez peu clair.
Les tournures boursouflées « au niveau de l’horaire », « au plan international », « à la base, je pensais avoir raison », « à l’endroit d’un tel crime », alors que l’on peut (doit) dire « quant à l’horaire », « sur le plan économique », « dans un premier temps, je pensais avoir raison » et « pour un tel crime ».
L’archi-pléonasme « au jour d’aujourd’hui » (il y a trois fois la même notion temporelle, puisque « hui » vient du latin hodie, jour) bizarrement tolérée du bout des lèvres…
Les yeux porcins de l’éleveur de porcs… et la carte électorale qui est de bien plus grandes dimensions que la carte d’électeur.
Le vernis de juridisme qui s’attache à « acter », qui ne doit justement s’employer que dans l’expression « acter une décision » mais sûrement pas dans « acter des avancées ».
L’insupportable jargon de la SNCF qui masque ses retards et ses éventuelles turpitudes par ses sempiternels « accidents-voyageur » : cette apposition intempestive est ambiguë et par là contraire à l’esprit et aux règles de la langue. Rien de moins ; nul doute que la SNCF en tremble encore !
Le français, ce n’est pas si difficile que cela ; restons simples !
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05/12/2014
Dis pas ci, dis pas ça (II)
Bon, allons-y !
Je vais faire une sélection des entrées du livre qui recoupent le plus les thèmes de ce blogue ou qui, a contrario, font débat, sachant que la rubrique DIRE, NE PAS DIRE est accessible in extenso sur le site de l’Académie.
Il y a d’abord les grands classiques, ceux que nous ont répétés nos professeurs de lycée : on roule à bicyclette et on va en voiture car personne n’est jamais entré dans une bicyclette, sauf des chauffards justement. Et idem pour à cheval, à skis, en train, en bateau. On apporte un gâteau et on amène un enfant à l’école. Mais l’eau est amenée par des conduites car il y a l’idée de « conduire », de « transporter une chose en un lieu ». La demoiselle habite chez ses parents (oh… !), on va chez Désérable et fils, au Bon marché, à la Samaritaine, chez Toyota, chez Leclerc ou à Leclerc, voire au Leclerc ; bref, pas beaucoup de règles intangibles. « Après que » est suivi de l’indicatif car l’issue en est connue, contrairement à « avant que », qui implique une éventualité. On dit « finalement », tout bêtement et non pas « au final ». « Baser sur », transposition de l’anglais based on, ne doit s’employer que dans le domaine militaire (« Des troupes ont été basées sur la frontière entre la Russie et l’Ukraine »). Sinon, on écrit : « une théorie établie sur des faits incontestables », « une prospérité fondée sur l’industrie et l’agriculture ». On postule, on ne candidate pas !
Tout cela, c’est le hors d’œuvre, c’est bonnard.
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