07/07/2015
Vous, les femmes...
Je vous ai déjà dit la position de l'Académie française sur l'accord des adjectifs quand ils se rapportent à deux noms, l'un masculin, l'autre féminin. En résumé, la voici : le masculin joue aussi le rôle de neutre (qui n'existe pas en français) et l'on écrit donc : "Que les hommes et les femmes sont beaux !".
Dans le Figaro du 20 mars 2015, Agnès Leclerc relatait le "combat" d'un collectif d'associations, soutenu par la Ligue de l'enseignement, à propos de cette règle de grammaire, qu'ils jugent ("ils" et non pas "elles" !) sexiste et qu'ils proposent, bien évidemment, de remplacer par la règle inverse (du coup, je suppose ce ne serait plus sexiste...).
Après s'être adressée, en vain, comme on l'a vu plus haut, à l'Académie, elles en appelaient à Mme Belkacem, bien connue pour son intérêt pour la question du genre et pour le féminisme.
Les arguments sont intéressants, indépendamment du fait de savoir si c'est une cause prioritaire, si ce genre de coup de boutoir va s'arrêter un jour, si cette revendication ne fait pas partie d'une stratégie plus globale, etc.
L'idée aurait été de remettre au goût du jour la règle de proximité (grammaticale). "Au XVIIIè siècle, la langue française était plus libre. Quand un adjectif se rapportait à deux noms, il pouvait s'accorder avec le plus proche, qu'il soit masculin ou féminin. Cette règle de proximité remonte à l'Antiquité. On la retrouve en latin et en grec ancien. Pourquoi ne pas y revenir ? La langue participe à l'apprentissage de l'égalité? On ne peut pas nier son importance sur les représentations sociales" (Henriette Zoughebi).
J'y suis sensible à plus d'un titre, en-dehors de tout féminisme : le retour à des racines ancestrales, dont le latin et le grec, l'importance cruciale du langage et des mots...
Mais le professeur de linguistique Alain Bentolila, que mes lecteurs connaissent (voir les débats sur la réforme du collège), a répondu : "C'est une erreur majeure d'analyse linguistique, et une confusion totale entre le genre linguistique et le sexe". Par exemple, "chapeau" et "canne" ont des genres linguistiques différents mais pas de sexe... Voilà l'argument-massue, selon moi.
La suite est plus discutable :
"Mettre la dignité des femmes dans une règle, c'est méconnaître la langue française. Les règles de grammaire servent à mieux nous comprendre, à nous réunir. Penser faire avancer la parité en changeant le genre d'un adjectif, c'est invraisemblable".
D'abord certaines règles, absconses, du français, ne nous réunissent pas vraiment...
Ensuite, il ne s'agit pas de modifier le genre d'un adjectif mais la règle d'accord de l'adjectif.
Mais, pour conclure, n'a-t-on vraiment pas autre chose à faire ?
Femmes, on vous aime !
17:05 Publié dans Règles du français et de l'écriture | Lien permanent | Commentaires (3)
05/07/2015
Cécile, ma sœur (XV) : grammaire
"L'apprentissage de la grammaire fait partie intégrante de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. sans elle il est impossible de comprendre un texte ni d'en composer un. Elle est le nerf de l'enseignement du français.
Savoir nommer un mot à l'aide d'un terme savant fourni par la linguistique ne suffit pas. Il faut pouvoir dire quel rôle ce mot aura dans la phrase, parvenir aussi à le mettre en relation avec les autres mots : en somme, acquérir le plus tôt possible des notions de syntaxe.
Je pense que c'est elle qui fait le plus cruellement défaut aux enfants de l'école primaire. La harangue, le suât logique, la violence, l'incapacité à s'exprimer autrement qu'à l'aide des monosyllabes ou des tristes onomatopées dont j'ai fait état plus haut, sont les conséquences d'une connaissance lacunaire de la grammaire de phrase.
Or La vertu du langage est pourtant de constituer à partir de sensations incohérentes un univers à la mesure de l'humanité.
...
Il faudrait rappeler des notions de bon sens et de logique : la grammaire est une mise en scène où chaque mot est un acteur ayant un rôle précis à jouer dans la dramaturgie du texte, comme le rappelle M. Alain Bentolila dans son rapport remis au ministre sur la réforme de l'apprentissage de la grammaire au collège. M.Bentolila montre comment la solidarité des mots commande l'exercice de l'intelligence et le progrès de la vérité".
Ces mots ont été écrits en 2007 par Cécile Ladjali, dans son livre "Mauvaise langue"...
Huit ans après, huit ans !, où en est-on ?
À une nième réforme du collège, une nième polémique… on fait du sur place, en écoutant les experts mais, apparemment pas les bons experts.
11:16 Publié dans Actualité et langue française, Règles du français et de l'écriture | Lien permanent | Commentaires (0)
04/07/2015
Irritations XVIII
Résumons-nous...
Ce qui m'énerve dans le français courant contemporain, y compris bien sûr journalistique et politique, mais en laissant de côté le franglais, dont on a déjà abondamment parlé, c'est ça :
- l'horrible syntaxe "pour pas qu'elle soit fâchée", au lieu de "pour qu'elle ne soit pas fâchée" ;
- les majuscules aux adjectifs ; dernier lu en date : "la branche yéménite d'Al-Qaïda, Al-Qaïda dans la péninsule Arabique, Aqpa…" au lieu de "dans la péninsule arabique" ; ce qui est drôle, c'est qu'au moment d'écrire l'acronyme, le journaliste choisit "Aqpa", c'est-à-dire les minuscules ! La cohérence ne l'étouffe pas (Martine Gozlan dans le Marianne du 3 avril 2015) ;
- l'emploi transitif des verbes qui ne le sont pas ; exemple dans le même Marianne : "Le parti (UMP) a explosé son budget en propagande et communication", au lieu de "a fait exploser" ;
- l'emploi de l'auxiliaire "être" à la place du verbe "aller". Exemple dans Alternatives économique n° 348 de juillet-août 2015 : "Les éditions La découverte ont été frapper à la porte de Médiapart", au lieu de "sont allées frapper" ;
- la confusion entre le futur et le conditionnel présent, et les erreurs de graphie et d'intonation qui vont avec : "je reviendrais demain" au lieu de "je reviendrai demain" ;
- après le mauvais coup porté au subjonctif, la formulation systématique au présent de l'indicatif d'actions ou d'événements devant intervenir ultérieurement ; exemple typique : "Demain on rase gratis", au lieu de "on rasera (peut-être) gratis" ;
- moins irritants, les perpétuels "amène-moi ça", "il a ramené sa guitare à la maison"… au lieu de "apporte-moi ça" et "il a rapporté sa guitare…" ; a contrario, on amène un enfant à la crèche… ;
Voilà, c'est à peu près tout...
Tu vois bien, public, que je ne suis pas exigeant.
15:21 Publié dans Règles du français et de l'écriture | Lien permanent | Commentaires (0)